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Les inquiétants contacts du clan Ramadan avec la “voyoucratie“

En novembre 2017, quelques jours à peine après que Henda Ayari ait déposé plainte pour viol contre Tariq Ramadan, un « fonctionnaire assermenté » dénonce la plaignante, l’accusant de « harcèlement sexuel ». L’individu vient d’être condamné à cinq ans de prison pour viol. Comment Tariq Ramadan et ce délinquant multirécidiviste sont-ils entrés en contact ?     

Le 27 novembre 2017, Djamel Bouriahi, 43 ans, envoie une attestation à la justice. Il se présente comme un « fonctionnaire assermenté », et affirme avoir rencontré Henda Ayari en mars 2013. Celle-ci lui aurait fait des avances à caractère sexuel. Comme il les avait repoussées, Henda Ayari l’aurait menacé de déposer plainte contre lui pour viol. Une accusation très grave susceptible de décrédibiliser la première accusatrice du prédicateur suisse. En juillet 2018, Djamel Bouriahi récidive auprès des enquêteurs de la brigade criminelle de Paris. Pour rendre son témoignage encore plus crédible, il affirme ne pas connaître Tariq Ramadan et ne pas être musulman. « Durant cinq ou six jours, elle [Henda Ayari] m’a envoyé des messages à caractère sexuel ainsi que des photos de parties de corps », raconte-t-il dans la presse. Seulement voilà, en septembre 2018, Oumma.com révèle que Djamel Bouriahi a été placé en détention. Il s’agit d’un ancien douanier sous le coup de plusieurs chefs d’inculpation, notamment pour « viol », « séquestration et vol en bande organisée » (1). Un peu plus tard, le magazine Le Point annonce que ce triste personnage a été condamné à dix mois de prison ferme pour faux (2). Quant au quotidien Paris-Normandie, il révèle que cet ancien douanier est attendu dans deux procès en cour d’assises (3). La semaine dernière, dans l’un des procès, Djamel Bouriahi a écopé de cinq ans de détention pour viol.

Les étranges motivations de l’ancien douanier  

« L’affaire remonte à plus d’une décennie, Djamel Bouriahi se faisait alors passer pour un jeune cinéaste. Pour piéger des jeunes filles, venant souvent de province, il leur proposait des “castings“, ces auditions permettant de choisir de futures actrices dans des films, qui, en fait, n’ont jamais vu le jour. Je vous laisse imaginer ce qui se passait durant ces faux castings, tournés dans de petits hôtels », raconte James D. Chabert, président de l’association Casting Info Service, qui dénonce les agressions sexuelles dont sont victimes des jeunes filles qui rêvent de devenir actrices. Comment expliquer que cet homme, notamment poursuivi pour « vol avec séquestration en bande organisée et association de malfaiteurs » s’intéresse à la plainte qui vient à peine d’être déposée contre Tariq Ramadan, un homme qu’il ne connaît pas, au point de contacter la justice et la police ? En raison de son passé, Djamel Bouriahi aurait dû plutôt fuir les autorités. Or, le 9 juillet 2018 il va s’entretenir longuement avec les enquêteurs de la brigade criminelle ! Son témoignage est aussitôt relayé sur les réseaux sociaux par l’entourage de Tariq Ramadan, sans même prendre les précautions d’usage, notamment celles de s’interroger sur le pedigree de ce délateur. Or. La vraie identité de celui qui se faisait passer pour un « fonctionnaire assermenté » apparaît dans la presse à peine deux mois plus tard.

Deux prédateurs sexuels à la rescousse du prédicateur 

Ce n’est pas la seule fois où Tariq Ramadan, mis en examen pour quatre viols en France et un viol en Suisse, est soutenu par des prédateurs sexuels. Il y a Yacob Mahi en Belgique, qui dissertait sur la notion d’éthique en islam avec le prédicateur suisse. Il avait pris fait et cause pour lui lorsque ce dernier était incarcéré à Fresnes (4). L’ancien professeur de religion islamique à Anderlecht a été condamné à trois ans de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bruxelles le 5 novembre 2019, reconnu coupable d’attentat à la pudeur, d’incitation à la débauche et de harcèlement, commis entre septembre 2012 et février 2014 (5).

Autre supporter de Tariq Ramadan, Mohamed Khattabi, imam de la mosquée Aïcha à Montpellier. Lorsque le prédicateur avait été contraint en prison de reconnaître une vie privée dissolue, il déclarait : « On l’a poussé à dire qu’il avait des relations extra-conjugales. Ils l’ont poussé à reconnaître, c’est une torture psychologique ». Mohamed Khattabi créait à nouveau le scandale en invitant Tariq Ramadan pour une conférence le 28 décembre 2019. Devant la levée de boucliers, l’imam devait finalement y renoncer (6).

Déjà condamné en 2016 pour « travail dissimulé et blanchiment de fraude fiscale », Mohamed Khattabi a été placé en garde à vue en mai dernier pour agression sexuelle sur une mineure de 15 ans. Son procès pour « agressions sexuelles », initialement prévu le 29 juin devant le tribunal correctionnel de Montpellier, a été renvoyé (7).

Les recherches d’un policier ripoux

Plus inquiétant encore, les liens entre l’entourage de Tariq Ramadan et des individus en délicatesse avec la justice. En mai dernier, Le Parisien révélait qu’un policier du renseignement, tombé en disgrâce pour avoir vendu des informations sensibles, avait effectué une série de recherches dans les fichiers de police pour identifier Paule-Emma A., la deuxième femme à avoir déposé plainte contre Tariq Ramadan pour viol. Cette plaignante est connue sous le prénom d’emprunt de « Christelle ». Ce policier, qui se cache sous le pseudonyme de « Haurus », a été mis en examen pour ce commerce occulte. L’identité du mystérieux internaute, qui a fait la demande au policier ripoux, n’a pas été révélée. Toutefois « Ces mystérieuses recherches interviennent un mois à peine après la mise en examen de Tariq Ramadan pour le viol présumé de Christelle. Mais aussi, coïncidence ou non, un mois avant la divulgation pour la première fois de l’identité partielle (prénom et date de naissance) de celle-ci avec des éléments précis de sa biographie par le Muslim Post », écrit Le Parisien. A cette époque, le Muslim Post, dirigé par l’homme d’affaires franco-tunisien Lotfi Bel Hadj, défendait presque quotidiennement Tariq Ramadan. Le quotidien se contente donc d’écrire avec un point d’interrogation : « L’entourage de Tariq Ramadan a-t-il cherché à se procurer des informations personnelles sur l’une de ses victimes présumées ? » (8).

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Cinq guetteurs sur les réseaux sociaux  

Les liens avec la “voyoucratie“ ne s’arrêtent pas à ce faux « fonctionnaire assermenté » et à ce policier ripoux. Les proches de Ramadan utilisent habituellement le blog de Mediapart pour défendre leur champion et attaquer les plaignantes et les journalistes. Jusqu’à présent, les articles sont signés par des pseudonymes. Le dernier, publié le 20 juin 2020, intitulé « Boue contre le Qatar », a pour auteur Paolo Fusi (9). Or, cet Italien, domicilié à l’époque dans le nord de la Péninsule, sur les bords du lac de Côme, s’était illustré en 2003 en diffusant dans la presse des documents falsifiés mettant en cause des entreprises françaises, Dassault et Thomson, qui auraient perçu de l’argent de Saddam Hussein. Il avait également accusé, à tort, une banque suisse et l’ambassadeur de Suisse au Luxembourg de gérer l’argent du dictateur irakien (10).

On peut se demander pourquoi Tariq Ramadan, qui n’a jamais caché depuis des décennies son intérêt pour les réseaux sociaux, et qui dispose en permanence, selon Le Monde, d’une équipe de « cinq personnes de confiance » sur la Toile ne prend-il pas davantage de précautions sur ses fréquentations (11) ? Enfin, comment ne pas citer une très étrange plaignante, une quinquagénaire de la région parisienne, témoignant sous le prénom d’emprunt d’« Elvira », qui a porté plainte contre Tariq Ramadan pour viol en réunion le 31 mai 2019. Or, depuis, la plaignante n’a plus donné de nouvelles ni la police et ni la justice, ne répondant pas aux convocations. Et surtout, « Elvira » a, depuis, pris faits et causes pour Tariq Ramadan, correspondant régulièrement avec l’entourage du prédicateur sur les réseaux sociaux, et attaquant violemment les autres plaignantes. S’agit-il d’une tentative de diversion pour discréditer les autres plaintes ? En janvier dernier, Le Monde révélait que « le casier judiciaire de la plaignante laisse entrevoir un parcours émaillé de condamnations pour des faits d’escroquerie, de vol avec violence, de dénonciation calomnieuse et d’agression sexuelle » (12). Décidément, encore un pedigree particulièrement sulfureux.

 

  1. « Affaire Ramadan : le fonctionnaire qui accusait Henda Ayari de “harcèlement sexuel“ placé en détention », Oumma.com, 15 septembre 2018.
  2. « Affaire Ramadan : un témoin contre Henda Ayari condamné à de la prison ferme », Le Point, 16 septembre 2018.
  3. « Déjà poursuivi dans plusieurs affaires, un ancien douanier multiplie les délits », Paris-Normandie, 13 septembre 2018.
  4. « Belgique : quatre ans de prison ferme requis contre le professeur Yacob Mahi pour faits de mœurs sur mineur », Oumma.com, 9 octobre 2019.
  5. « Belgique : Yacob Mahi condamné pour atteinte à la pudeur et incitation à la débauche », Saphirnews.com, 5 novembre 2019, « Yacob Mahi condamné : “Il faisait usage de violence pour asseoir son autorité“ », La Libre Belgique, 5 novembre 2019.
  6. « La mosquée de Montpellier annule une conférence de Tariq Ramadan », Le Figaro, 18 décembre 2019, « Montpellier : l’invitation lancée à Tariq Ramadan est finalement annulée », Le Midi Libre, 18 décembre 2019.
  7. « Montpellier : l’imam Khattabi comparaîtra bientôt devant le tribunal correctionnel pour “agressions sexuelles », Oumma.com, 4 juin 2020, « Agressions sexuelles à Montpellier : le procès de l’imam Mohamed Khattabi renvoyé », Le Midi Libre, 2 juillet 2020.
  8. « Affaire Ramadan : ces intrigantes recherches sur une victime présumée commandées sur le Darknet », Le Parisien, 12 mai 2020, « Une accusatrice de Tariq Ramadan porte plainte pour savoir qui a cherché à obtenir sa vraie identité »,France Inter, 13 mai 2020.
  9. Paolo Fusi, « Boue contre le Qatar », Blogs.mediapart.fr, 20 juin 2020.
  10. « Une grossière manipulation », Le Matin Dimanche, 20 avril 2003.
  11. « Affaire Ramadan : la bataille des réseaux sociaux », Le Monde, 14 mai 2020.
  12. « Affaire Ramadan : les enquêteurs doutent de l’une des plaintes », Le Monde, 23 janvier 2020, « Affaire Ramadan : l’enquête policière met à mal l’une des plaintes pour viol », Mediapart.fr, 31 janvier 2020.

 

 

 

    

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