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Les franco-tunisiens ont accompagné la révolte depuis le réseau social

Sur le réseau social Facebook, les enfants de la diaspora tunisienne ont suivi la chronique des évènements et commentés de leurs propres cris du cœur. Comme le jeune toulousain Youssef

D’abord un, puis deux, puis trois, puis des dizaines de drapeaux tunisiens en guise de « photo de profil ». Absent physiquement mais proche par le cœur de la patrie de leurs parents ou grands parents, les français et francophones d’origine tunisienne ont utilisé ce qui devient désormais si non un instrument, du moins un appendice de la politique internationale et un diffuseur d’opinion presque indispensable : le réseau social facebook. (1)

Dès les premières vidéos montrant les blessés par balles puis les morts, ce sont carrément des images de drapeaux tunisiens ensanglantés qui ce sont substitués aux traditionnels minois souriants qui accueillent chacun des visiteurs sur leur page personnel.

Youssef 24 ans, étudiant toulousain en commerce et marketing et actif dans le milieu associatif (EMF), est interpellé par un de ses amis : « tout le monde a mis le drapeau tunisien sur sa photo de profil sauf toi ». Youssef assume. Il répond que « la symbolique a tué l’activisme ». Tunisien de cœur, particulièrement à ce moment précis, Youssef n’a par ailleurs aucun problème à se revendiquer français. Son drapeau ne comporte pas que du rouge et du blanc mais aussi du bleu. Il arborera un cinglant « Ben Ali dégage ! » sur fond rouge comme photo de profil.

Le choc des vidéos

Il avait commencé dès le 8 janvier par relayer l’information de la seconde auto-immolation de d’un manifestant à Sidi Bouzid, après celle de Mohammed Bouaziz, l’évènement déclencheur (2) . Le 10 janvier apparaît sur le profil de Youssef la première vidéo provenant d’une ambulance. On y voit le spectacle peu ragoutant de la jambe d’un manifestant traversé de part en part par une balle de la police tunisienne. Il y aura de nombreuses vidéos provenant des véhicules de secours ainsi que des services d’urgence des hôpitaux tunisiens.

Puis vendredi matin, c’est autour d’une vidéo qui a connu un immense succès sur les profils facebook tunisophiles : un certain Lofti Abdelli y pousse un cri du cœur en arabe dialectal sans reprendre son souffle : « Honte à toi !… N’as-tu pas un brin d’humanité ! Pars et laisse nous tranquille ! » Puis, directement en français : « Dégages vieux clown périmé ! » (3) . A ce moment Youssef n’imagine même pas que Lofti sera si rapidement exaucé.

Autre vidéo choc de ces émeutes de la faim qui se sont ouvertes le 7 janvier : celle du corps gisant sur le sol d’un homme touché à la tête. Saïda, étudiante en droit, amie de Youssef dans la vie et sur facebook, et elle aussi de parents tunisiens, la poste sur son mur avec le commentaire suivant : « Après les syndicalistes qu’on capture, les universitaires qu’on assassine. C’est quoi ce pouvoir ? » On apprendra en effet qu’il s’agissait d’un professeur d’informatique franco-tunisien de l’Université de Compiègne. Erigé en symbole de la rébellion et même « martyr », personne n’hésite à dire qu’il ne sera « pas mort pour rien ».

Youssef est connecté en direct aux évènements via des amis tunisiens présents sur place (20% des tunisiens auraient un compte facebook selon une activiste tunisienne de Human Right Watch invitée par Al Jazeera English le jeudi 13 janvier dernier. Oussama, ex étudiant bordelais désormais professeur d’université en Tunisie leur distille des informations précises sur les coups de feu entendus, les matraquages, les derniers blessés.

Puis le rythme des posts s’accélère. Au milieu de ce flot d’images, de chiffres, et de slogans rageurs, ils sentent Ben Ali vaciller. Inquiet que la pression se relâche après les quelques concessions du désormais ex-président tunisien, Youssef n’hésite pas à écrire jeudi 13 : « Tunisie… ne souille pas la mémoire des personnes qui ont offert leur vies à la liberté ! »

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Le même jour, Youssef se prend à rêver et lance : « Si demain Ben Ali quitte son poste et que la révolution aboutit…On pourra dire que la Tunisie est la première (d’une longue liste dans le monde arabe) victime de la “révolution Facebookienne »

“Vous allez enfin pouvoir rentrer Inch’Allah”

Puis enfin, l’étudiant toulousain et ses camarades apprennent la nouvelle de la fuite de Ben Ali. Vendredi 14 janvier à environ 19heures (GMT) il écrit : « Je dédies cette victoire à tous nos papas. Interdit de sol tunisiens pendants plus de 20 ans. Vous allez enfin pouvoir rentrer inch’allah ». Safa, 23 ans, dont le père a dû justement fuir le régime de Ben Ali, l’accompagne dans un souffle postrévolutionnaire : « Mon Peuple nous a offert la fierté ! Il a offert à papa, à tous les exilés, opposants Tunisiens qui ont subit la torture inhumaine sous la dictature Benalienne, la dignité ! Tunisie la liberté ! »

Dans la prise de conscience de ce qui ce passait de l’autre côté de la méditerranée, la vidéo mobile conjuguée au support facebook aura était un élément crucial pour l’ensemble de la diaspora tunisienne et de ses descendants en France et en Europe. Comme il a de peu manquait de l’être lors des dernières élections iraniennes…

L’espoir et l’euphorie ont désormais laissé place aux discussions sur les perspectives politiques qui se profilent : “Pour la défense des liberté religieuses et des valeurs musulmanes malékites en Tunisie. Une défense à intégrer dans un contexte de laïcité acquise et irrémédiable.”, affiche Youssef en statut. Lui qui a étudié en Turquie, il pense particulièrement à l’exemple de l’AKP. Juste en dessous, de ce statut, posté quelques heures avant, un article de Jeune Afrique sur le retour probable de Rachid Ghannouchi qu’il avait mis en lien sur son wall (sans que Youssef ne prenne position), suscitera un vaste débat parmi sa communauté d’amis franco-tunisiens de facebook, les uns s’y montrant favorables, les autres ne voulant pas entendre parler d’”islamisme” politique. Plus que jamais après ces évènements facebook tiendra lieu de forum…

Notes :

(1)Le film de David Fincher The Social Network racontant la génèse de la création de Facebook vient d’être primé par le Golden Globe du meilleur film 2010″

(2) Lire le bel éditorial en forme d’hommage d’Yves Harté, dans Sud Ouest, intitulé “Des flammes pour un peuple” http://www.sudouest.fr/2011/01/15/des-flammes-pour-un-peuple-290610-10.php

(3) Sur le facebook group : http://upload.facebook.com/MaTunisie

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