« La noblesse de son caractère lui a valu l’admiration du monde… Il était l’un des rares grands hommes du siècle. »
New York Times
L’émir Abd el-Kader, un chef religieux et militaire hors norme
Abd el-Kader était un dirigeant et un guerrier algérien influent qui a joué un rôle important dans la résistance contre le régime colonial français au XIXe siècle. Il est célèbre pour ses tactiques militaires, sa capacité à unifier diverses tribus et sa promotion d’un état moderne en Algérie. Il a notamment été un symbole du nationalisme algérien et un pionnier de la gouvernance islamique. Sa vie et ses contributions ont été documentées dans divers ouvrages, ainsi que des documentaires sur sa vie. [i]
L’émir Abd el-Kader était un chef religieux et militaire algérien né le 6 septembre 1808 à El Guettana, en Algérie. Il est connu pour avoir dirigé la résistance algérienne contre l’invasion coloniale française des années 1832 jusqu’à sa capture en 1847. Abd el-Kader a joué un rôle crucial dans la fondation de l’état algérien moderne et est connu pour ses efforts visant à unifier diverses tribus contre les forces coloniales. Après sa capture, il a été exilé en France puis s’est installé en Syrie, où il a continué à s’impliquer dans diverses questions sociales et politiques jusqu’à sa mort le 26 mai 1883 à Damas. Il a notamment été un symbole de la résistance contre le colonialisme et un partisan de la paix et de la tolérance. [ii]
L’émir Abd el Kader al-Jazairi (1808-1883) était un érudit musulman algérien vénéré et un chef militaire qui a mené une résistance collective contre l’invasion coloniale française de l’Algérie au milieu du XIXe siècle. [iii] Il est aujourd’hui considéré comme l’un des dirigeants les plus inspirants du XIXe siècle pour son traitement humain des opposants chrétiens pendant la lutte anticoloniale de l’Algérie et pour avoir dirigé une intervention visant à sauver la communauté chrétienne de Damas d’un massacre certain au milieu des émeutes sectaires de 1860. [iv]
Élevé dans la zaouia de son père, il excella en tant qu’étudiant, mémorisant le Coran à l’âge de 14 ans et étudiant les sciences religieuses islamiques ainsi que des matières telles que la philosophie, la médecine et les mathématiques. Il était particulièrement connu comme un orateur doué qui surpassait ses pairs dans la récitation de poésie et dans les discours religieux. Son père, un chef spirituel notable affilié à l’ordre Qadiriyyah, [v] reconnut la précocité de son fils et lui confia un rôle de chef peu après l’invasion de l’Algérie par la France en 1830. [vi]
Après que son père, invoquant son âge avancé, eut refusé de mener une campagne tribale contre les Français en 1832, Abd el-Kadir fut élu émir, amîr al-mou’minîne ou Prince des Croyants, pour organiser une résistance qui, sous sa direction, unifierait les tribus occidentales de l’Algérie en un an. L’émir Abd el-Kadir entame une lutte militaire de quinze ans au cours de laquelle il tient souvent à distance les forces françaises – qui se targuaient d’avoir l’une des armées les plus avancées du monde – grâce à des tactiques de guérilla habiles, des négociations et des traités stratégiques et une construction d’état visionnaire.
Tout au long de cette période, il fait preuve de chevalerie et de compassion envers ses adversaires comme ses alliés, prenant soin, par exemple, de respecter les croyances religieuses individuelles de ses prisonniers de guerre et d’intégrer délibérément les juifs et les chrétiens dans son nouvel état. À un moment donné, il libéra ses prisonniers français parce qu’il n’avait pas les moyens de les nourrir correctement. Mais, en 1847, en partie à cause de la tactique impitoyable de la terre brûlée des Français visant à isoler l’émir, il capitula en promettant qu’il ne retournerait pas en Algérie en échange d’un exil en Orient
Avec l’avènement de la Seconde République, cependant, les Français rompirent la promesse de leur monarchie et l’émir fut emprisonné en France jusqu’en 1852, lorsque de nouvelles circonstances politiques et le plaidoyer de notables français, y compris d’anciens prisonniers qu’il avait traités avec humanité, conduisirent à sa libération, avec une généreuse pension. Il s’installa d’abord à Bursa, en Turquie, et en 1855, il s’installa à Damas et s’occupa de dévotion et d’érudition, ses premièrs amours, en écrivant un traité philosophique et, plus tard, un livre sur le cheval arabe. [vii]
Mais il attira, à nouveau, l’attention du monde entier en 1860 lorsqu’un conflit entre les chrétiens, druzes et maronites s’étendit à Damas. Alors que la minorité chrétienne était menacée de massacre, il a conduit ses compagnons algériens dans le quartier chrétien pour y faire venir des milliers de chrétiens afin de les mettre en sécurité. Lorsqu’une foule a exigé leur libération, il a refusé, invoquant les principes islamiques de protection des innocents. On lui a attribué le mérite d’avoir sauvé 10 000 vies et il a reçu des cadeaux et des éloges de la part de dirigeants politiques en France, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et dans de nombreuses autres régions du monde. Le New York Times l’a décrit comme ‘’l’un des rares grands hommes du siècle’’, et son héritage perdure aujourd’hui même aux États-Unis, où la ville d’Elkader dans l’État de l’Iowa porte son nom, [viii] et parmi les musulmans du monde entier qui le considèrent comme l’incarnation des idéaux les plus élevés de leur foi. [ix]
À propos de la nomination d’une ville en Amérique du nom d’Abd el-Kader, Rany Jazayerli écrit : [x]
‘’Pendant ce temps, les exploits de ce chef de guérilla sous-équipé et sous-financé, qui tenait tête aux puissants Français, commençaient à attirer l’intérêt des Britanniques et des Américains – les Britanniques en raison de leur rivalité de longue date avec les Français, les Américains en raison de leur propre expérience de la lutte contre l’impérialisme britannique quelques décennies auparavant seulement.
Les exploits d’Abd el-Kader furent relatés en Amérique dans des revues populaires comme Living Age de Littell, et un lecteur fut suffisamment impressionné par el-Kader pour nommer une ville en son honneur. Timothy Davis, un avocat qui s’était installé à Dubuque en 1836 (l’Iowa n’était pas encore devenu un État ; il faisait encore partie du territoire de la Louisiane), avait acquis une propriété sur la rivière Turkey à proximité qui semblait idéale pour un moulin à farine, et avait esquissé une nouvelle ville à construire autour du moulin. Ainsi, Timothy Davis, un esprit pionnier, respectait avocat et lointain admirateur de ce résistant outsider, a baptisé la nouvelle colonie du nom d’Abd el-Kader, judicieusement abrégé pour les Américains en Elkader.
Elkader, dans l’Iowa, a été fondée en 1846. Elle demeure aujourd’hui le siège du comté de Clayton, avec une population d’environ 1 500 habitants. C’est la seule ville d’Amérique portant le nom d’un Arabe.’’
Combattant de la liberté et défenseur de la tolérance religieuse et de l’ouverture culturelle
De son vivant, Abd el-Kader, chef de tribu et érudit du Coran, est devenu célèbre dans le monde entier en tant que combattant de la liberté et défenseur de la tolérance religieuse et de l’ouverture culturelle. Le président Abraham Lincoln l’a remercié d’avoir sauvé des vies. Les prêtres français l’ont loué du haut de leur chaire. Les lecteurs britanniques l’ont admiré en lisant son autobiographie. Et les Algériens le considèrent aujourd’hui comme l’un des fondateurs de l’Algérie moderne et comme un symbole de son avenir. Les habitants d’Elkader, dans l’Iowa (moins de 1 400 habitants) – la seule ville des États-Unis à porter le nom d’un Arabe – ont invoqué son héritage lorsque l’ambassadeur d’Algérie aux États-Unis a aidé les responsables scolaires à honorer l’adolescent vainqueur du concours de rédaction du lycée de la ville sur le thème de la compréhension religieuse. [xi]
On pourrait dire que le début de cette étrange conjonction a eu lieu le 25 mai 1830, lorsque le gouverneur ottoman d’Alger a giflé le consul français avec une tapette à mouches lors d’une dispute au sujet de factures impayées. Peu de temps après, la plus grande flotte française depuis la campagne de Napoléon en Égypte mit le cap sur l’Algérie pour entamer l’occupation coloniale de la France qui dura 130 ans. [xii]
Abd el-Kader était alors un étudiant de 22 ans en pèlerinage à La Mecque, un séjour de deux ans qui comprenait des visites au Caire, à Damas et à Bagdad. Il voyageait en compagnie de son père, chef de la tribu des Hashims, dont le territoire était centré dans l’ouest de l’Algérie près de la ville de Mascara. Au moment où Abd el-Kader rentra chez lui en 1832, l’armée française marchait vers l’intérieur de l’Algérie et, avec la bénédiction de son père, Abd el-Kader prit la tête de ce qui allait devenir une campagne intertribale de 15 ans pour l’indépendance. Son leadership a réuni la plupart des tribus d’Algérie dans ce qui allait devenir le début de l’état moderne. Pour cette raison, ses compatriotes l’appelèrent amîr al-mu‘minîn, littéralement : Prince des Croyants. [xiii]
Bien que la résistance militaire d’Abd el-Kader ait échoué, il s’est fait connaître par sa ténacité et a acquis une renommée mondiale en tant qu’interlocuteur entre l’islam et le christianisme. Il s’est également lié d’amitié avec des Occidentaux qui ont également œuvré pour combler les écarts entre l’Orient et l’Occident, notamment l’arabiste Wilfrid Scawen Blunt et le constructeur du canal de Suez, Ferdinand de Lesseps. Comme eux, Abd el-Kader croyait que les chrétiens et les musulmans n’étaient pas voués à rester toujours en désaccord, reprenant les croisades à l’époque moderne. Ses écrits spirituels et sa correspondance avec les catholiques cherchaient à établir une compréhension commune avec d’autres monothéismes. Comme il l’écrivait en 1849 : [xiv]
‘’Si les chrétiens et les musulmans m’avaient prêté attention, j’aurais mis fin à leurs querelles. Ils seraient devenus frères, à l’intérieur comme à l’extérieur.’’
Au cours des années de résistance, de 1832 jusqu’à sa reddition en 1847, Abd el-Kader acquit la réputation de bien traiter ses otages français, les nourrissant souvent mieux que ses propres troupes et les libérant si la nourriture devenait insuffisante. Sa volonté de négocier des échanges pour ses propres hommes capturés par les Français devint, pour lui, une occasion d’engager le dialogue avec les ecclésiastiques catholiques. Il négocia avec le clergé car les Français ne reconnaissaient que son rôle religieux, pas son rôle politique. [xv]
En 1841, l’évêque d’Alger, Antoine-Adolphe Dupuch, écrivit à Abd el-Kader pour lui demander de libérer un prisonnier français : [xvi]
« Vous ne me connaissez pas, mais ma vocation est de servir Dieu et d’aimer tous les hommes comme ses enfants et comme mes frères… Je n’ai ni argent ni or et je ne peux offrir en retour que les prières d’une âme sincère. » Il termina par la citation biblique : « Bienheureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde. »
Alors que la violence se répandait, menaçant la vie des chrétiens maronites, Abd el-Kader écrivit une lettre aux anciens druzes les avertissant que ‘’de telles pratiques sont indignes de votre communauté’’, [xvii] mais il comprit rapidement que seule une démonstration de force serait efficace. Lorsque les émeutes atteignirent Damas le 9 juillet, Abd el-Kader rejeta la demande du gouverneur ottoman de désarmer ses hommes et les envoya plutôt dans les quartiers chrétiens de la ville pour escorter les résidents jusqu’à son propre quartier gardé. Lorsque celui-ci déborda, il pressa le gouverneur de leur ouvrir la citadelle, avec un passage sûr garanti par ses hommes. On estime que jusqu’à 12 000 vies furent ainsi sauvées.
Après les émeutes, Abd el-Kader écrivit en réponse à une lettre de remerciement du nouvel évêque d’Alger : [xviii]
‘’Ce que j’ai fait pour les chrétiens, je l’ai fait à cause de ma foi en tant que musulman… Toutes les religions qui nous ont été transmises par les prophètes, d’Adam à Mohammed, reposent sur deux principes : la louange de Dieu et la compassion pour toutes ses créatures. En dehors de cela, il n’y a que des différences sans importance’’.
Comme le rappelle Mikhail Mishaqa, alors consul américain à Damas, dans ses mémoires en anglais sous le titre : Murder, Mayhem, Pillage and Plunder, [xix]
‘’Cet homme exceptionnel, dont l’excellence était bien connue des rois et des habitants de cette terre, n’a jamais arrêté un instant dans ses tentatives d’apaiser la révolte. Il n’y avait pas un seul dirigeant de la ville, ouléma ou agha, pour les mettre en garde contre la révolte, de son inadmissibilité dans la religion musulmane, à part lui.’’
Abdel el-Kader combat le colonialisme français
Abd el-Kader était un dirigeant important qui s’opposait à la colonisation française en Algérie. Il déclara la guerre à la France et s’engagea dans une résistance importante de 1840 à 1846, devenant un symbole de la lutte anticoloniale. Son leadership et son charisme le rendirent populaire auprès des Arabes et de certains citoyens français.
Abd el-Kader était un éminent combattant algérien de la liberté qui joua un rôle crucial dans la résistance à l’expansion coloniale française en Algérie au XIXe siècle. Il devint un héros national pour avoir uni diverses tribus contre les forces françaises et mené une lutte acharnée pour l’indépendance de l’Algérie, en particulier après la signature du traité Desmichels, qui visait à établir la paix mais qui a finalement conduit à de nouveaux conflits. Son leadership et ses tactiques militaires sont célébrés dans l’histoire de l’Algérie. [xx]
En novembre 1832, les tribus occidentales de la région de Mascara en Algérie se sont rassemblées sous un orme pour prêter allégeance à Abdelkader, 24 ans, le nouveau chef d’une confrérie soufie. Le soufisme est une pratique islamique mystique qui promet à ses adeptes une expérience personnelle de Dieu. Il s’agissait d’une reconstitution symbolique du Serment de l’Arbre, où les Sahabah (compagnons) avaient juré leur soutien au prophète Mohammad avant la conquête de la Mecque. [xxi]
Deux ans plus tôt, le 14 juin 1830, les forces d’invasion françaises avaient débarqué à Sidi Fredj, une ville côtière algérienne. L’Algérie était une société diverse qui comprenait des Amazighs/Berbères (les habitants originels de la région qui s’étaient convertis à l’islam), ainsi que des juifs et des chrétiens. Malgré cette diversité, l’arabe restait la langue commune et l’islam la religion dominante. Le pays était dirigé par le dey, un représentant de l’Empire ottoman. Cependant, l’impopularité généralisée du régime parmi les Algériens ordinaires le rendait trop faible pour résister aux Français.
Pour les tribus de l’ouest de l’Algérie, leur mécontentement s’est matérialisé par un serment d’allégeance à Abd el-Kader. En 1832, il déclare un jihâd de masse (ou guerre sainte) contre les Français, exhortant les Algériens à accomplir leur devoir sacré et à défendre dâr al-Islâm leur ‘’monde de l’Islam’’ contre l’envahisseur chrétien. [xxii]
Abd el-Kader forma rapidement une coalition de forces algériennes pour combattre les Français, remportant une série de succès militaires et forçant la signature de traités. En 1834, le général Louis Alexis Desmichels fait d’importantes concessions à Abd el-Kader dans le traité Desmichels, [xxiii] lui accordant l’intérieur de l’Oran et lui permettant d’établir son propre état dans l’ouest de l’Algérie. Il mérita ainsi le titre d’amîr al-mu’minîn ou Prince des Croyants. Abdelkader continua son avanceé sur les territoires pris par les Français ainsi que sur d’autres tribus de la région, et au plus fort de sa campagne, il détenait la juridiction sur les deux tiers de l’Algérie, ce qui culmina avec le traité de Tafna [xxiv] négocié avec le général Thomas-Robert Bugeaud en 1837. Il acquit une réputation de dirigeant pieux et juste, gouvernant selon les préceptes de la charî’ah et mettant en œuvre des mesures telles que l’égalité fiscale et l’éducation.
Cependant, son expansion s’arrêta brusquement en 1841 après que Bugeaud fut promu gouverneur général avec pour mission de conquérir l’Algérie. La politique française se transforma en occupation totale, conduisant à l’écrasement de l’état d’Abd el-Kader et à sa reddition finale en 1847.
Un siècle plus tard, en 1954, un mouvement de libération surgit à nouveau en Algérie pour renverser le régime français. Le Front de libération nationale (FLN), un mouvement nationaliste algérien, a présenté Abd el-Kader comme le père de leur lutte pour l’indépendance, mais a minimisé le rôle de l’islam, se concentrant plutôt sur son patriotisme et ses réalisations militaires et diplomatiques. [xxv]
Au sujet du jihâd comme guerre de bonne facture dans l’approche de l’émir, Benjamin Claude Brower écrit : [xxvi]
‘’ … Abd al-Qâdir a eu une réaction complexe à la guerre, qui ne correspond pas au scénario de bonne guerre des commentateurs ultérieurs. La lutte armée qu’il mène bénéficie de toute la légitimité du djihad, une guerre à la fois juste et sainte. Les tribus de l’ouest algérien ont déclaré le djihad au printemps 1832, et lorsqu’elles ont élu ʿAbd al-Qâdir comme chef en novembre de cette année, il a assumé le pouvoir en tant que chef de leur djihad.39 Il a utilisé cette forme de guerre particulièrement estimée pour renforcer son autorité parmi les Algériens, qui étaient aussi divers et jaloux de leur autonomie qu’ils étaient incertains de la meilleure stratégie à adopter pour s’opposer à l’occupation française.40 Le djihad a légitimé son effort de construction de l’État en particulier, en lui donnant un statut privilégié au sein des normes islamiques partagées. En outre, le djihad a contribué à résoudre les questions de leadership et de légitimité en faveur de l’amîr, en lui fournissant les outils dont il avait besoin pour forger des loyautés politiques et affirmer son hégémonie parmi les notables algériens. Enfin, le jihad a eu pour fonction importante de définir les relations entre ʿAbd al-Qâdir et les dirigeants ottomans restés en Algérie comme Ahmed Bey de Constantine (ʿAhmad ibn Muhammad Sharîf, 1784-1850) en soulignant que le combat de ʿAbd al-Qâdir n’était pas de restaurer le contrôle de la Sublime Porte. ‘’
Parallèlement à cela, les Français ont mené une campagne pour positionner Abd el-Kader comme un allié de la France. Après sa reddition en 1847, Abd el-Kader a été détenu en France pendant quatre ans, mais a ensuite été libéré par Louis-Napoléon et autorisé à vivre en Syrie avec une belle pension. Abd el-Kader s’est éloigné de la politique algérienne au point de renier l’un de ses fils pour avoir encouragé l’insurrection algérienne de 1871. Le 15 octobre 1949, les autorités françaises avaient inauguré un monument à Cacherou, une ville près de Mascara, pour commémorer Abd el-Kader, le célébrant comme un patriote français.
Dans une troisième réinterprétation de l’héritage d’Abd el-Kader, après la guerre d’indépendance (1954-1962), les auteurs musulmans ont cherché à se réapproprier les fondements islamiques de son mouvement de résistance. L’écrivain Jurj al-Rasi a revendiqué Abd el-Kader comme le père de l’état islamique moderne pour son rôle dans l’établissement de liens entre l’islam et la démocratie.
Ces réinterprétations d’Abd el-Kader révèlent la malléabilité de la mémoire historique, un phénomène qui permet aux personnages historiques de réapparaître comme des forces influentes, souvent sous des formes contradictoires. Le passé est modelé et manipulé pour s’adapter à de nouveaux agendas, devenant un outil indispensable pour façonner l’avenir. [xxvii]
‘’ Prince des Croyants : la vie et l’époque de l’émir Abd el-Kader/ Commander of the Faithful: The Life and Times of Emir Abd el-Kader’’ de John Kiser [xxviii]
Le livre de John Kiser ‘’Prince des Croyants : la vie et l’époque de l’émir Abd el-Kader » [xxix] est une biographie qui explore la vie de l’émir Abd el-Kader. Le livre présente Abd el-Kader comme un saint guerrier et met en évidence son rôle dans la lutte pour l’indépendance de l’Algérie, en insistant sur les thèmes du véritable jihâd et du leadership moral et en approfondissant ses stratégies militaires, ses croyances spirituelles et l’impact qu’il a eu sur l’Algérie et le monde islamique au sens large.
Cette biographie bien documentée et convaincante du saint guerrier musulman qui a dirigé la résistance algérienne à la colonisation française au milieu du XIXe siècle met en lumière l’implication actuelle des États-Unis dans un islam mondial. Le plus célèbre prince du jihâd de son temps, Abd el-Kader était également connu pour son génie militaire et son autorité morale.
Cette pièce exceptionnelle de reconstitution historique a été bien accueillie par les critiques. En effet, pour le New York Times, c’est :
‘’Une histoire dramatique… n’importe quel nombre d’épisodes pourrait inspirer des romans… impossible à lire sans penser à des événements plus actuels.’’
Et pour le Times Literary Supplement :
‘’Un rappel précieux et opportun… de cette figure rare : un pont entre l’Est et l’Ouest.’’
Pour Peter Steinfels, du New York Times :
‘’… une histoire dramatique de tribus en conflit, de sectes et de confréries soufies, de fonctionnaires ottomans traîtres, de généraux français rivaux, de négociations secrètes, de trêves rompues, d’atrocités terribles et de nouvelles formes d’insurrection et de guerre contre-insurrectionnelle. N’importe quel nombre d’épisodes pourrait inspirer des romans… Mais il est difficile de lire Commander of the Faithful sans penser à des événements plus récents.’’
Pour Steve Simon, du Council on Foreign Relations, ce livre
‘’…donne vie à l’homme et à son monde avec brio.’’
Pour Fredrick Starr, de la Johns Hopkins School of Advanced International Studies,
‘’…il ne pouvait être écrit que par quelqu’un possédant une connaissance approfondie des mondes français et arabe…’’
Et pour Seyyed Hossein Nasr, professeur d’études islamiques à l’université George Washington, c’est
‘’…un livre important sur un sujet important. J’espère qu’il atteindra un large public ». Je le présenterai à mes collègues universitaires et étudiants.’’
Après les événements malheureux du 11 septembre, l’islam a été assimilé, en Occident, à une religion de violence, sans prendre la peine de faire la différence entre les islamistes qui jurent de combattre le monde occidental et les musulmans pacifiques en général. [xxx] À cet égard, dans sa critique du livre, Faroque Ahmad Khan écrit : [xxxi]
‘’Depuis le 11 septembre 2001, les musulmans ont été stéréotypés et le message et l’image de l’islam ont été ternis. Des dirigeants autoproclamés ont donné des significations nouvelles et déformées au message de l’islam. Les explications de questions complexes ont été réduites à des extraits sonores à la télévision. Aucun sujet n’a été à cet égard plus profané que le djihad, un terme sacré pour les musulmans. Les explications concernant le djihad ne manquent pas, et dans cet environnement empoisonné, le livre de John Kiser ‘’Commander of the Faithful: The Life and Times of Emir Abd el-Kader: A Story of True Jihad’’ a été publié. Une fois que j’ai commencé à le lire, je n’ai pas pu m’arrêter. “C’est un livre à lire absolument pour tous ceux qui veulent comprendre la véritable signification et l’application du djihad.”’’
Aspects saillants du livre
Les aspects saillants de “Commander of the Faithful: The Life and Times of Emir Abd el-Kader” de John Kiser tournent autour de la vie multidimensionnelle de l’émir Abd el-Kader, un dirigeant qui a combiné stratégie militaire, dévotion religieuse et humanitarisme. Ces aspects soulignent son impact à la fois en tant que leader de la résistance contre la colonisation française et en tant que symbole mondial de justice et de tolérance interconfessionnelle. [xxxii]
Son leadership militaire et sa résistance ont unifié les Algériens contre la France coloniale et Abd el-Kader est devenu un chef de file de la résistance algérienne contre la colonisation française dans les années 1830. Il a uni diverses factions tribales, créant une force de résistance cohésive, et a organisé une guérilla efficace contre les Français pendant plus d’une décennie. Son génie tactique et ses stratégies militaires, telles que les tactiques de frappe et de fuite, la construction de fortifications et l’accent mis sur la mobilité, lui ont permis de combattre une armée française plus grande et mieux équipée, faisant de lui un adversaire respecté et redoutable.
Kiser a mis en avant sa dévotion religieuse, son leadership éthique et sa spiritualité soufie. En effet, Abd el-Kader a été profondément influencé par le soufisme, une tradition islamique mystique qui met l’accent sur le développement spirituel personnel, la paix intérieure et le comportement éthique. Sa dévotion religieuse a façonné sa conduite à la fois en tant que leader et en tant qu’être humain. Kiser a également souligné l’adhésion d’Abd el-Kader aux principes islamiques d’équité et de justice, même en temps de conflit. Il traitait les prisonniers de guerre avec respect, évitait toute violence inutile et suivait un code de conduite éthique qui impressionnait à la fois ses alliés et ses ennemis. [xxxiii]
Kiser a montré son humanitarisme et sa reconnaissance mondiale par son acte de protection des chrétiens à Damas. En effet, l’un des incidents les plus célèbres de la vie d’Abd el-Kader fut son rôle dans la protection de milliers de chrétiens lors des massacres de Damas en 1860. Son intervention lui a valu une reconnaissance internationale, des personnalités telles que le pape Pie IX, Abraham Lincoln et Napoléon III louant son humanitarisme. [xxxiv]
Il était, sans aucun doute, un symbole de l’harmonie interreligieuse et Kiser souligne l’engagement d’Abd el-Kader en faveur de la tolérance religieuse. Sa volonté de protéger les chrétiens en période de violence religieuse a fait de lui un symbole de l’harmonie interreligieuse et du respect de la vie humaine, quelle que soit la foi. [xxxv]
Après 15 ans de résistance, Abd el-Kader capitula en 1847 dans des conditions honorables, choisissant de sauver son peuple de nouvelles souffrances plutôt que de continuer une guerre inutile. Sa décision reflétait son pragmatisme et son leadership éthique. Abd el-Kader fut emprisonné en France, puis libéré par Napoléon III. Il passa le reste de sa vie en exil à Damas, poursuivant son travail de chef spirituel et conservant sa dignité et son influence morale.
Kiser a également souligné le sens politique et les efforts diplomatiques d’Abd el-Kader. En effet, il affirme qu’Abd el-Kader n’était pas seulement un guerrier, mais aussi un diplomate habile. Il a négocié avec les Français à plusieurs reprises pendant la guerre et a obtenu des accords qui reflétaient la légitimité de son leadership. Sa diplomatie a assuré que sa résistance bénéficiait d’un soutien à la fois moral et politique.
Le livre explore comment Abd el-Kader est devenu une figure d’importance internationale, reconnue non seulement pour sa résistance au colonialisme, mais aussi pour sa position éthique sur les droits de l’homme et la tolérance religieuse.
Kiser souligne, à juste titre, que l’héritage d’Abd el-Kader a perduré et s’étend bien au-delà de l’Algérie. On se souvient de lui comme d’un pionnier de la lutte contre le colonialisme, d’un modèle de leadership éthique et d’un défenseur du dialogue interreligieux. À ce titre, Kiser souligne qu’Abd el-Kader était admiré par les musulmans et les non-musulmans du monde entier pour son intégrité, ses principes éthiques et son engagement en faveur de la justice. Son héritage en tant que leader qui a comblé les divisions culturelles et religieuses continue d’inspirer les gens aujourd’hui.
Kiser a fait un excellent travail en replaçant la vie d’Abd el-Kader dans le contexte plus large du colonialisme français, de la géopolitique du XIXe siècle et du conflit entre l’impérialisme européen et les mouvements de résistance locaux. Le livre fait preuve d’une perspective équilibrée, il s’inspire à la fois de sources françaises et algériennes, offrant une vision équilibrée et complète de la vie d’Abd el-Kader. Le portrait que Kiser fait d’Abd el-Kader est nuancé, montrant à la fois ses points forts et les défis auxquels il a été confronté.
Les aspects saillants de ‘’Prince des Croyants : la vie et l’époque de l’émir Abd el-Kader’’ se concentrent sur le rôle multiforme d’Abd el-Kader en tant que chef militaire, figure spirituelle et humanitaire. Sa combinaison de résistance au colonialisme, de leadership éthique fondé sur les principes islamiques et de son engagement en faveur de la tolérance religieuse et du dialogue interreligieux qui font de lui une figure historique extraordinaire. L’ouvrage de Kiser fournit non seulement une biographie détaillée, mais offre également des leçons intemporelles sur le leadership, l’éthique et le potentiel de compréhension interculturelle.
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Notes de fin de texte :
[i] Frémeaux, J. (2008). Abd el-Kader, chef de guerre (1832-1847). Revue historique des armées, 250, 100-107.
[ii] Bouyerdene, Ahmed. (2013). Emir Abd el-Kader: Hero and Saint of Islam. Foreword by Éric Geoffroy. Translated and with an Introduction by Gustavo Polit. Bloomington, Indiana: World Wisdom.
Cette biographie explore la vie et l’héritage de l’émir Abd el-Kader, une figure importante de l’histoire algérienne connue pour son rôle de guerrier et de saint soufi.
[iii] Yver, G. (1952). L’Algérie à l’époque d’Abd-el-Kader. In Annales. Histoire, Sciences Sociales (Vol. 7, No. 4, pp. 562-564). Cambridge : Cambridge University Press.
[iv] Crumm, David. (2009). 429: Conversation about a forgotten Muslim hero — perfect for our times. Read the Spirit. Récupéré de https://readthespirit.com/explore/429-conversation-about-a-forgotten-muslim-hero-perfect-for-o/
[v] La Qadiriyyah est un ordre soufi fondé au XIe siècle par le saint Abdul Qadir al-Jilani à Bagdad. Il est connu pour l’importance qu’il accorde à la piété personnelle, à la dévotion à Dieu et à la nécessité de suivre les enseignements du prophète Mohammed. L’ordre s’est largement répandu, notamment en Afrique de l’Ouest, par l’intermédiaire de familles influentes comme les Kounta.
Cf. Zarcone, Thierry. (1996). La Qâdiriyya. Dans Alexandre Popovic et Gilles Veinstein (dir.), Les voies d’Allah. Les ordres mystiques dans le monde musulman des origines à aujourd’hui. Paris : Fayard.
[vi] Bellemare, Alexandre. (1863). Abd-el-Kader sa vie politique et militaire (p.4). Paris : Hachette.
[vii] Churchill, Charles Henry. (1887). Life of Abd el-Kader: Ex-Sultan of the Arabs of Algeria: written and compiled from his own dictation from other Authentic Sources. London: Chapman and Hall. (Réimpression par Nabu Press 2014).
[viii] Clark, Brian. (2017). Small American Town, Big Algerian Legacy. AramcoWorld. Récupéré de https://www.aramcoworld.com/Articles/January-2017/Small-American-Town-Big-Algerian-Legacy
[ix] Danziger, Raphael. (1977). Abd al-Qadir and the Algerians: Resistance to the French and Internal Consolidation. New York: Holmes & Meier.
[x] Jazayerli, Rany. (2018). Abd el-Kader and the Massacre of Damascus. Rolf Pott. Récupéré de https://rolfpotts.com/abd-el-kader/
[xi] Étienne, Bruno. (2003). Abdelkader. Paris: Hachette Littérature.
[xii] Marston, Elsa. (2013). The Compassionate Warrior: Abd El-Kader of Algeria. Bloomington, Indiana: Wisdom Tales Press.
[xiii] On attribue à Abd el-Kader le mérite d’avoir sauvé entre cinq et dix mille chrétiens pendant le conflit entre druzes et chrétiens en Syrie en 1860. Il a offert un refuge aux chrétiens, y compris à la communauté diplomatique européenne, jouant ainsi un rôle important dans leur protection pendant cette période tumultueuse.
[xiv] Temimi, A. (1978). Lettres inédites de l’Émir Abd-el-Kader. Tunis : Revue d’histoire maghrébine.
[xv] Bouamrane, Cheikh. (2001). L’Émir Abd-el-Kader, résistant et humaniste. Alger : Hammouda.
[xvi] Vigoureux, C. (2009). Napoléon III et Abd-el-Kader. Napoleonica. La Revue, 4(1), 111-143. https://doi.org/10.3917/napo.091.0007.
[xvii] Temimi, A. (1978). Op. cit.
[xviii] Ibid.
[xix] MISHAQA, MIKHAYIL. (1988). MURDER, MAYHEM, PILLAGE, AND PLUNDER – The history of the LEBANON in the 18th and 19th centuries. New York: State University of New York.
[xx] Pouillon, F. (2014). Abd el-Kader, héros fondateur de la nation algérienne ? In Histoire de l’Algérie à la période coloniale (pp. 124-127). Paris : La Découverte
[xxi] Andrae, T. (1984 (1945)). Mahomet. Sa vie et sa doctrine, trad. française par J. Gaudefroy-Demombynes. Paris : Adrien Maisonneuve.
[xxii] Le jihâd est un terme souvent mal compris dans les contextes occidentaux, où il est fréquemment traduit par « guerre sainte ». Cependant, sa signification peut varier en fonction du contexte, principalement dans le cadre des enseignements islamiques. Dans un contexte religieux, le djihad fait référence à la lutte ou à l’effort dans la voie de Dieu, qui peut englober une série d’activités, y compris les efforts personnels, spirituels et communautaires visant à mener une vie conforme aux principes islamiques. Certains groupes djihadistes l’ont interprété en termes militants, ce qui a conduit à l’associer à la violence et à l’extrémisme.
[xxiii] Le traité de Desmichels, signé le 26 février 1834, était un accord entre Abd el-Kader et des responsables militaires français dirigés par le général Desmichels. Ce traité marquait une tentative d’établir la paix en Algérie au milieu de l’expansion coloniale française dans la région. À la suite de l’accord, la France reconnaissait Abd-el-Kader comme le bey (gouverneur) de Mascara, ainsi que le souverain indépendant d’Oran en Algérie. Le traité comprenait deux versions, dont l’une faisait des concessions majeures à Abdelkader, encore une fois sans le consentement ou la connaissance du gouvernement français. Cette mauvaise communication a conduit à une rupture de l’accord lorsque les Français sont passés.
Cf. Gammer, Moshe. (1992). Was General Klüge-von-Klugenau Shamil’s Desmichels? Cahiers du Monde russe et soviétique, 33(2/3), 207-221.
[xxiv] Le traité de la Tafna fut signé le 30 mai 1837 entre l’émir Abd-el-Kader et le général français Thomas Robert Bugeaud. Cet accord marqua un moment important dans l’expansion coloniale française en Algérie, car il consolida le contrôle français sur les régions intérieures d’Oran et du Titteri. Le traité de la Tafna reconnaissait la souveraineté de l’émir sur un territoire indépendant. Cependant, lorsque les troupes françaises entrèrent dans le défilé des Portes de Fer, en octobre 1839, l’émir considéra cela comme une violation du traité et les hostilités reprirent.
Cf. Journal of the Statistical Society of London. (1839). An Account of Algeria, or the French Provinces in Africa. Journal of the Statistical Society of London, 2(2), 115-126.
[xxv] Pervillé, G. (1982). L’insertion internationale du FLN algérien (1954-1962). Relations Internationales, 31, 373-386. http://www.jstor.org/stable/45343857
[xxvi] Brower, B. C. (2011). The Amîr ʿAbd Al-Qâdir and the “Good War” in Algeria, 1832-1847. Studia Islamica, 106(2), 169-195. https://doi.org/10.1163/19585705-12341257
[xxvii] Bessaïh, Boualem. (1997). De l’émir Abdelkader à l’imam Chamyl. Alger : Dahlab.
Ce livre raconte la lutte de l’émir Abd el-Kader contre la France coloniale et celle de l’imam Chamyl contre la Russie tsariste. Les deux hommes sont contemporains. Abdelkader, proclamé émir en 1832, Chamyl, proclamé imam en 1834, mènent le combat de leurs peuples. Boualem Bessaih vous prend par la main, vous fait vivre les étapes de ce double voyage, à bien des égards identiques : batailles en Algérie et au Caucase, victoires et défaites, triomphes et revers politiques jusqu’à la reddition d’Abd el-Kader, âprement négociée (1847) et celle de Chamyl (1859). Auparavant, l’émir signait des traités avec la France, négociait et échangeait des prisonniers. De son côté, Chamyl négociait et échangeait des princesses russes détenues dans son camp contre la libération de son fils aîné devenu otage du tsar, puis officier de sa garde et son protégé favori. Puis vinrent l’exil de l’émir en France, malgré l’engagement français solennel, et celui de Chamyl en Russie, d’où ils refusèrent le titre de vice-roi d’Algérie pour l’un, du Caucase pour l’autre. Au cours de ces séjours forcés, des réceptions en l’honneur des célèbres vaincus eurent lieu à Paris et à Saint-Pétersbourg. Les deux hommes se connaissaient de loin, informés de leurs épopées réciproques, jusqu’au jour où l’émir préserva la vie de 12 000 chrétiens à Damas. Chamyl souscrivit à ce noble geste dans une lettre pathétique à l’émir où il se référait au Coran. Puis les deux hommes, comme appelés par le destin, se rencontrèrent à Suez en 1870, moins d’un an avant la disparition de Chamyl à Médine. L’auteur évoque intrigues et secrets de palais, enjeux politiques de l’époque et fait défiler les silhouettes des principaux acteurs : Louis Philippe, Napoléon III, Nicolas Ier, Alexandre II, la reine Victoria, Mohamed Ali d’Egypte, le sultan de Fès Moulay Abderrahmane et les califes d’Istanbul.
[xxviii] John Kiser est un auteur, un philanthrope et un entrepreneur. Il siège au conseil d’administration de la Fondation William et Mary Greve, poste à partir duquel il mène depuis vingt-cinq ans des projets visant à remédier à la dangereuse ignorance des Américains à l’égard de la foi musulmane. Cette ignorance, a-t-il appris, contamine également les communautés musulmanes. Son engagement auprès du monde musulman a commencé en 1994, après la fermeture de Kiser Research, Inc. à Washington DC. Contredisant l’idée reçue selon laquelle la Russie est secrète, son entreprise a attiré l’attention nationale en documentant et en mettant en œuvre des opportunités d’acquisition de technologies avancées et de droits de propriété intellectuelle en Russie. Sa pensée novatrice a été reconnue par les commissions du renseignement du Congrès et par l’Académie des sciences de Russie en 1993. Lorsque la péristroïka et son corollaire, le chaos, ont pris le dessus, John a emmené sa famille en France pour un congé sabbatique. Son objectif était d’améliorer son français, de lire la Bible et d’exposer ses enfants à d’autres cultures. Dix ans plus tard, deux livres ont vu le jour : Les moines de Tibhirine : Foi, amour et terreur en Algérie et Commandeur des croyants : Une histoire de vrai djihad. En 2012, le livre de John sur les moines bénédictins français a servi de base au film primé du Festival de Cannes « Des hommes et des dieux ». En 2008, le lancement de Commandeur des croyants à Elkader, dans l’Iowa, a donné naissance au Projet d’éducation Abdelkader. L’AEP élabore aujourd’hui des stratégies pour la mondialisation d’Abd el-Kader en tant qu’enseignant pour le monde. Aujourd’hui, les valeurs vécues et la pensée universaliste de l’émir s’adressent aux éducateurs, aux dirigeants civiques, aux diplomates, aux communautés religieuses et aux militaires.
Notes:
[xxix] Kiser, John W. (2008). Commander of the Faithful. The life and Times of Emir Abd-el-Kader: A story of True Jihad. Rhinebeck, New York: Monkfish Book Publishing.
[xxx] Chtatou, Mohamed. (2024). L’islam, religion de paix et de compassion humaine. Oumma. Récupéré de https://oumma.com/lislam-religion-de-paix-et-de-compassion-humaine/
[xxxi] Khan, Faroque Ahmad. (2009). Commander of the Faithful: The Life and Times of Emir Abd el-Kader: A Story of True Jihad. Journal of the Islamic Medical Association of North America –JIMA-, 42(3), 126-128. Récupéré de file:///C:/Users/hp/Downloads/Book_Review_Commander_of_the_Faithful_The_Life_and%20(1).pdf
[xxxii] Burgess, J. (2009). Commander of the Faithful: The Life and Times of Emir Abd el-Kader, A Story of True Jihad. Middle East Policy, 16(1), 160.
[xxxiii] Marçot, J. L. (2011). Abd el-Kader et la modernité. Studia Islamica, 106(2), 281-300.
[xxxiv] Kiser, John. (2017). A Muslim Healer for Our Time. Washington Institute. Récupéré de https://www.washingtoninstitute.org/policy-analysis/muslim-healer-our-time#:~:text=Abdelkader%20and%20his%20sons%20organized,escorted%20to%20Lebanon%20with%20protection
[xxxv] Cherif, Mustapha. (2016). L’Émir Abdelkader, l’apôtre de la fraternité. Paris : Odile Jacob.
Mustapha Cherif nous invite à redécouvrir la vie de cet homme d’exception, ce visionnaire magnanime, ce maître spirituel qui a su allier rationalité et résistance, foi et réforme. Son œuvre et ses combats sont un modèle pour notre époque troublée. Loin des compromis inconsistants et encore plus des affrontements violents, l’émir Abdelkader a perpétué l’héritage soufi de l’islam, la voie universelle du Prophète, du juste équilibre et du « bel-agir », sans exclusion aride ni concessions faciles. Plus que jamais, il est temps pour nous, hommes et femmes du XXIe siècle, de redécouvrir les enseignements vivants de ce héros moderne.
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