L’épisode de guerre en cours entre Palestiniens et Israéliens se distingue des précédents par l’audace dont a fait montre la résistance palestinienne dans la conception et la conduite des opérations du 7 octobre et l’ampleur inimaginable des pertes humaines, politiques et psychologiques infligées à l’Etat d’Israël en quelques heures.
Quels que soient le degré de férocité de la riposte israélienne, l’importance des dommages qui affecteront la ville de Gaza et ses habitants ou l’étendue du soutien apporté par l’Occident à l’Etat d’Israël, la cause palestinienne en est déjà sortie victorieuse.
Quel sens, dès lors, accorder aux propos d’un Netanyahou frappé d’hébétude et répétant sans cesse : « Nous gagnerons cette guerre » ? Il l’a incontestablement perdue, et ce qu’il fera ne relèvera pas de l’art militaire, mais de la réaction irraisonnée d’une bête blessée. Ce ne sera pas une guerre, mais une vengeance aveugle, cruelle, inhumaine, dont les effets médiatiques se retourneront contre lui et son gouvernement extrémiste.
Même s’il ne devait rester en vie qu’un Palestinien et une Palestinienne après la riposte apocalyptique annoncée par les responsables israéliens, la cause palestinienne renaîtra de ses cendres, repoussera des gravats de l’Apocalypse et se reconstituera comme elle l’a fait après la dernière guerre en date, l’avant-dernière ou les précédentes en remontant jusqu’à 1947.
Ce que le monde a constaté en revanche après chaque épisode de guerre israélo-palestinienne, c’est que la résistance palestinienne apprenait de ses expériences et de ses échecs pour revenir à l’assaut mieux organisée et mieux outillée. C’est ce qu’elle a fait le 7 octobre et refera cycliquement, car ses buts de guerre ne sont pas d’anéantir les Israéliens comme le souhaite Netanyahou pour les Palestiniens, mais d’obtenir ses droits historiques entérinés par le droit international, en la forme de résolutions de l’ONU et d’Accords bilatéraux.
Le 13 novembre 1974, Yasser Arafat prenait pour la première fois la parole devant l’Assemblée générale de l’ONU, réunie à New York sous la présidence de l’Algérie. Après un bref rappel de l’histoire de la Palestine entre 1917 (Déclaration Balfour) et 1947 (résolution de l’ONU partageant la Palestine en deux Etats souverains), il prononça devant la communauté internationale sa fameuse phrase : « Je suis venu ici tenant d’une main le rameau d’olivier et de l’autre mon fusil de combattant. Ne laissez pas le rameau vert tomber de ma main ». Dans ce discours, Yasser Arafat avait reconnu, pour la première fois aussi, le droit à la coexistence des deux peuples au sein d’un Etat commun, démocratique et laïc.
Ceux qui, dans la suite des temps, ont apposé leur signature sur les Accords d’Oslo (1993-1995) qui ont esquissé les limites des deux Etats, ont tour à tour été assassinés par Israël, tandis que la « communauté internationale » et le « droit international » n’allaient avoir d’yeux et de soucis que pour les intérêts d’Israël.
Dans l’intervalle, les Palestiniens se radicalisaient autour du « fusil du combattant » à Gaza ou rongeaient leur frein à Ramallah, en cultivant le « rameau vert » comme on cultive du cannabis autorisé ici et prohibé là. Les territoires que leur avaient concédés les Accords d’Oslo se rétrécissaient d’un jour à l’autre, alors que l’arrogance et les provocations israéliennes se multipliaient sous le regard complice de la « communauté internationale ».
La croyance chère à l’extrême droite israélienne, selon laquelle la force est supérieure à la foi en une cause légitime et légale, a été une nouvelle fois démentie sur cette terre biblique où le frêle David remporta jadis son combat contre Goliath. La force militaire, dont se prévalaient David Ben Gourion et ses successeurs pour nier les droits palestiniens, vient d’être discréditée à jamais.
Si les Israéliens veulent vraiment gagner la guerre contre les Palestiniens une fois pour toutes, ils ont le choix entre deux solutions : les éradiquer jusqu’au dernier ou convenir avec eux de la reprise du processus de paix balisé par les résolutions de l’ONU et les Accords d’Oslo.
Si la première est impossible, il leur reste la seconde. Mais les Palestiniens peuvent être à l’origine d’une autre issue au conflit : rendre le sommeil et la vie impossibles aux Israéliens en Palestine. Le nouveau cours pris par l’histoire depuis quelques jours donne de la vraisemblance à un tel scenario. Ils partiront alors d’eux-mêmes.
Il reste que les vrais coupables dans l’affaire palestinienne, les responsables de l’impasse actuelle et du sang qui coule quotidiennement en Palestine et Israël sont le radicalisme sioniste, dopé par le complexe de Massada, et la lâcheté de la « communauté internationale » qui a renié ses engagements, manqué à sa parole et forfait à sa signature.
Cela explique, dans ce dossier et d’autres, pourquoi de plus en plus de pays non-occidentaux cherchent les solutions à leurs problèmes dans l’émergence d’une nouvelle « communauté internationale » et d’un « ordre international » qui soit à l’usage de tous, contrairement à celui mis au point par l’Occident qui, à titre d’exemple, dit sur un même sujet « oui » aux Ukrainiens et « non » aux Palestiniens. Encore que ce qui a sauvé l’Ukraine jusqu’ici n’est pas tant le « droit international » que l’argent et les équipements mis inconditionnellement à sa disposition par l’Occident.
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