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L’alter mondialisation : djihad, résistance ou révolution ?

Sur fond d’inégalité de plus en plus croissante, de disparités criantes entre Nord et Sud et d’équilibre écologique de moins en moins garanti, quoi de mieux que réunir un grand islamologue et un illustre professeur de management pour relancer le débat sur la mondialisation. A l’instigation du collectif Présence musulmane Canada, les professeurs Omar Aktouf et Tariq Ramadan ont été conviés, le 13 mai dernier, à livrer leurs positions sur la globalisation, lors d’une rencontre sous le titre l’alter mondialisation : djihad, résistance ou révolution ?

Agir autrement, combattre l’esprit individualiste et résister au diktat de la pensée néolibérale, telles ont été les principales questions qui ont animé les réflexions de deux grands chercheurs de renommé internationale, Omar Aktouf- professeur de management à HEC Montréal- et Tariq Ramadan- professeur d’islamologie à l’Université de Fribourg, lors d’une conférence consacrée à l’alter mondialisation. Intellectuels engagés et auteurs prolifiques, ils ont plus de trois heures durant invité le public montréalais à réfléchir sur une globalisation en panne d’éthique et de respect des valeurs universelles. Pourrons-nous dire que c’est plutôt notre conscience qui a été exhortée, tout au long de cette soirée du 13 mai, d’évaluer les résultats de la mondialisation et de mesurer ses conséquences sur des pans entiers de notre planète, à coups de chiffres insolents : 3 milliards d’individus vivent avec 2 dollars par jour tandis qu’une vache américaine perçoit 3 dollars par jour de subventions ; certains dirigeants d’entreprises nord-américains encaissent 6000 à 73.000 dollars de l’heure. Au Canada, un citoyen sur six, vit dans un niveau de pauvreté et aux USA, 40 à 60 millions d’habitants sont exclus d’une couverture sociale. Des chiffres qui horripilent, inquiètent et provoquent, issus tout droit des recherches menées par M. Aktouf. L’auteur de la stratégie de l’autruche s’insurge contre un commerce mondial à deux vitesses et souligne que l’alter mondialisation, question qui touche toute l’humanité, est sûrement une résistance et sera certainement une révolution si certains s’obstinent à tirer de la globalisation des profits insensés en condamnent des milliards d’individus à l’exclusion.

La science sans conscience…

« Depuis les années 70, aucun pays pauvre n’est sorti de la pauvreté » rappelle-t-il. « Depuis le dernier tiers du 20ème siècle, le gâteau mondial des richesses rétrécit de plus en plus. D’où le problème néolibéral : comment conserver la part des plus riches et comment faire grossir le gâteau quand celui-ci ne grossit plus ? ». Selon M. Aktouf, nous vivons dans l’ère de la folie financière. L’économie, elle, est morte ! La rationalité, aujourd’hui, signifie injecter l’argent public dans le privé. « Ils finiront sans doute par nous faire payer l’air qu’on respire, à l’heure où certains n’ont aucun scrupule à réclamer la privatisation de l’eau » ironise l’invité de la soirée. L’alter mondialisation, tel que la définit l’auteur du management entre tradition et renouvellement, c’est s’inscrire contre cette mondialisation néolibérale, imposée comme une bouée de sauvetage, dans l’ère de la 5ème période de l’extinction des espèces, qui compte de plus en plus de chômeurs, de pollueurs et de pilleurs de ressources.

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Devant un tel tableau noir, l’islam constituerait-il une alternative ? Réponse de Tariq Ramadan : Oui, il peut contribuer à apporter des réponses éthiques mais la conscience musulmane n’a pas produit d’alternative ! « Il y a des pays musulmans, alliés de la puissance américaine, qui sont à très l’aise avec ce système dominant », observe-t-il. Et d’en faire sienne la pensée de Rabelais : La science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Selon M. Ramadan, il serait lâche au sein de notre propre communauté de ne pas dénoncer ce qui se passe. Et d’ajouter que la critique de la mondialisation passe avant tout par notre propre autocritique et par l’action pour en finir avec un présent situé entre un passé idéalisé et un avenir rêvé. 

Djihad ou effort

« Il faut mettre du sens dans ce que nous faisons. C’est cela la résistance, cette notion de Djihad et d’effort. L’auteur de L’islam en question note que le monde musulman dispose de grandes potentialités de résistance mais ne les exploite pas. Il s’adapte à la mondialisation. Autrement dit, il accepte la domination ; il démissionne. En décembre 2004, Ignacio Ramonet avait signé sur les colonnes du Monde diplomatique « M. Bush finira-t-il également par accepter que les aspects négatifs de la mondialisation (misère aggravée des pauvres, injustices planétaires, rivalités régionales, dérèglements climatiques, etc.) peuvent dégénérer en affrontements si on ne leur oppose pas une concertation multilatérale ? Et qu’une puissance ne peut prétendre à elle seule imposer la loi ? » A ces pratiques américaines dépourvues de morale et de principes de justice et d’égalité, Omar aktouf oppose la stratégie suivante : restituer aux pays pauvres une partie des richesses pillées pendant plusieurs décennies, imposer aux multinationales des taxes au profit de la mise à niveau dans les régions du Sud, sortir de la zone dollar et indemniser l’Afrique suite à deux siècles d’esclavage.

Dénoncer, Agir, combattre les injustices, multiplier de par le monde des sociétés civiles créatrices d’idées, tel nous paraît le scénario de la dernière chance pour que nous ne soyons jamais réduits à répondre de notre passé.

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