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L’affaire du « hidjab » et l’idée de l’assimilation des musulmans en France

Abu Bakr Haroun est un intellectuel de culture anglophone résidant aux Etats-Unis qui s’intéresse de très près au fait musulman en France. Dans ce texte, il dénonce à travers l’affaire du voile un processus d’assimilation qui ne dit pas son nom.

Lorsqu’on suit les débats autour de l’assimilation et de l’intégration des musulmans en France, on ne peut pas échapper à la conclusion qu’elles signifieront, pour certains, l’abandon de leur spécificités culturelles et la négation de leurs identités religieuses.

Il est possible qu’un processus d’intégration repose en partie sur des principes et des pratiques égalitaires. Il est même possible que tout le monde en tire des bénéfices mais il faut que ce processus respecte les valeurs intrinsèques de chacun et prenne en compte les différences immuables propres à l’Autre. Or l’intégration à la française va dans le sens contraire : elle exige de toutes les composantes de la société qu’elles renoncent à leurs particularités, se fondant dans un moule à l’image de la masse. Or la masse est en mutation constante…

Ne perdons pas de vue non plus que l’intégration et l’assimilation, deux notions que je mélange ici, ne vont pas conduire à l’élimination du racisme et de l’islamophobie en France et c’est cela le souci principal.

Il est évident que l’on ne peut pas être parfaitement intégré ou assimilé dans un système hiérarchique lorsque l’on reste au bas de l’échelle, relégué à des rôles subalternes. Avec un certain type d’intégration, le racisme et les préjugés de classes ne disparaîtront pas, le mépris de l’Islam perdurera et la xénophobie, inhérente au système, survivra. Ces caractéristiques du système intégrant seront alors intégrées par ceux-là même que le système rejette. Autour de nous, nous pouvons déjà en voir des exemples.

En fait, la disparition du racisme n’implique et n’impose rien d’autre que l’acceptation d’autrui tel qu’il est et exige la métamorphose du raciste lui-même. Et l’intégration ou l’assimilation de l’Autre n’est pas nécessaire à cette transformation.

Les Musulmans ne croient pas en « l’essentialisme racial » ou culturel. C’est à dire nous ne croyons pas qu’un peuple doit sauvegarder un patrimoine génétique ou culturel parce qu’il est d’une « essence » supérieure aux autres. Ce sont les Nazis qui ont eu cette idée terrible. Au contraire, tout en ordonnant la préservation de la religion que Dieu a donnée à notre ancêtre Adam et qu’il a transmise à tous les prophètes, l’Islam facilite la cohabitation, le métissage et l’échange des bons éléments issus de toutes les cultures.

Ces échanges entre cultures qui cohabitent sont tout à fait naturels et enrichissants pour tous.

L’islam n’est pas fondamentalement contre l’intégration ou l’assimilation. Il insiste simplement sur la sauvegarde de certaines valeurs. Ainsi l’Islam rejette le modèle d’intégration des Français. S’assimiler veut dire, pour beaucoup en France, adopter la vision du dominant et du dominateur, comme d’ailleurs, les Gaulois colonisés par les Romains l’avaient fait en leur temps. Logiquement, cela implique l’incarnation, pas seulement des bons aspects de la culture dominante, mais aussi de sa bêtise, son athéisme, ses vices et ses complexes racistes.

C’est à dire que l’intégration dans une société qui reste raciste signifie que l’on commence par se haïr soi-même, par avoir honte de son nom, de sa couleur ou de ses cheveux, par regarder l’Africain ou l’Asiatique comme inférieur, par disparaître dans un métissage frénétique, par être un peu gêné par les mœurs et apparence de ses parents, par critiquer la religion ou telle ou telle coutume sans posséder les éléments analytiques pour le faire, par laisser entendre, avec une fierté mal déguisée, que tout le monde te prend pour un Italien ou un Espagnol.

Les assimilés parmi les musulmans, mêmes pratiquants ont, invariablement, commencé par ce rejet de soi. Ceci se manifeste quelques fois par une préférence pour le mariage avec « une belle blonde » ou « un converti » ou par une tendance à critiquer, à modifier, ou faire des apologies de notre religion, par le fait de ne plus vouloir parler sa langue maternelle, ou la cribler, en conversation, avec des mots ou des tournures françaises pas nécessaires mais tout à fait superflus, par le fait de porter un foulard avec un pantalon serré, par tous autres petits signes traduisant une aliénation de leur nature fondamentale et de leurs conflits internes.

Réfléchissons. Est-ce que le complexe d’infériorité et l’auto flagellation qu’impose l’assimilation, vont assurer notre salut, notre acceptation par les autres ?

Si l’on examine le passé, pas si lointain d’ailleurs, on n’est pas rassuré !

Oublions, pour le moment, le sort des Harkis, (Algériens qui ont combattu aux cotés des Français pendant la guerre de l’Algérie) depuis leur arrivée en France..

Et considérons, à sa place, les péripéties des Juifs allemands, plus précisément, le niveau de leur assimilation au moment de l’Holocauste. En général ils étaient bien intégrés dans la population allemande et même à l’échelle de l’Europe. Beaucoup étaient réputés riches, pas comme les « arabes » de la France, pauvres… Beaucoup étaient créateurs d’emplois ni assistés ni dépendants. Ils avaient jeté leurs kippas pour les transformer en « petite antenne parabolique » discrète, avaient oublié les couvre-chef de leur femmes pour les remplacer par des perruques, avaient contribués de façon tout à fait remarquable au développement intellectuel du continent… en somme presque irréprochables. Et qu’ont-ils obtenus ?

L’assimilation n’a pas sauvé ces Juifs, allemands ou français des camps de la mort.

Ainsi quand on regarde l’épopée de ces Juifs (ou de ces Gitans longtemps méprisés et même réduits en esclavage dans l’empire austro-hongrois,) on comprend qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans la mentalité des certains Européens.

Après ce constat, nous devons aussi nous poser la question suivante « Sommes-nous assimilables ? ».

Il est évident que l’on ne peut pas rester Musulman et espérer une assimilation dans la société française où le cadre juridique est d’origine chrétien et un certain prosélytisme de la laïcité est pratiquée par l’Etat. Je veux dire par là, qu’il y aura toujours risque d’entrave à la libre expression des droits octroyés par Dieu, comme par exemple, la polygamie ou le port du foulard.

Il est ainsi évident que certains aspects de l’idéologie de l’Etat sont, et seront, en conflit avec les fondements de notre foi.

C’est pour cette raison que plus on s’éloigne de l’Islam et plus facile est l’assimilation. Ainsi, certaines personnes venant de Casablanca ou d’Alger ou de Tunisie ou de Turquie sont déjà profondément occidentalisées. La transposition à Paris ou Marseille n’est vraiment pas un choc culturel.

Plus les parents sont, au fond d’eux même, convaincus que les Français représentent un modèle à imiter, plus l’assimilation sera facile. Ainsi, on parle des prédispositions présentes au sein de la communauté musulmane ou, franchement, il y a, dans le cas de certains, plus de haine envers son voisin algérien ou marocain à cause de ses origines ou de son rang social qu’envers la société qui ferme toujours ses portes. Beaucoup veulent être intégrés.

La réalité est que bon nombre sont en France, mais en périphérie, pas vraiment en France, confinés dans des ZUP , en marge, et ne désirant qu’une chose, être admis en tant que Français.

Mais la condition des Français n’est pas à convoiter ou à accepter sans un examen minutieux. Il y a du bon et du mauvais.

Beaucoup de français sont perdus, athées ou agnostiques, sans véritable repères, portés par tous les vents qui soufflent des Etats-Unis ou d’ailleurs. Leur culture tant vantée, dans l’esprit populaire et confinée à certains mets, vins et pièces de musées et dans les livres. Cette culture reste enfermée dans le passé. Le présent n’est qu’imitation de courants venus de l’extérieur.

Leurs familles explosent. Les couples se déchirent. Les vieux sont abandonnés et beaucoup d’immoralités sont permises.

Les valeurs humaines, bien exprimées dans un système sociale et éducatif très développé, se perdent à plusieurs autres niveaux.

En effet, ce n’est pas nous qui n’avons pu maîtriser la modernité mais eux, incapables de développer un modèle de société adapté aux défis de l’urbanisation, de la sexualité, de l’être humain en général et des transformations socio-économiques sans cesse plus rapides.

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Et nous devrions nous intégrer à tout cet ensemble ? Et ils disent que l’abandon du foulard sera un pas vers l’assimilation ou l’intégration tant souhaité par certains. Mais je ne le crois pas

Regardez autour de vous. Le fait que des centaines de milliers de jeunes femmes arabes ou africaines diplômées ne portent pas le foulard ne change en rien les pratiques d’embauches de votre banquier, de votre Maire, de la SNCF… Ces filles, qui veulent se croire intégrées, assimilées, mais ne sont toujours pas acceptées dans certains bureaux, certaines boutiques ou entreprises dans bon nombre de régions du pays.

Ceux qui essaient de nous faire comprendre qu’être moins étrangère nous sortira des ghettos de la vie française doivent nous expliquer d’abord pourquoi aucune des assimilées n’arrivent pas à devenir présentatrice du JT de 20 heures. Comment, même clope au bec et dans un pantalon moulant, elles n’arrivent pas à franchir certaines portes de l’establishment français, ? Les « marcheurs de l’assimilation » doivent nous expliquer comment porter l’uniforme des laïcs nous rayera de la liste de chômeurs ?

Et ne prenez surtout pas les cas de Zidane ou de Djamel comme le signe de l’intégration. En fait, du point de vu sociologique, les inférieurs peuvent rester, comme c’était le cas aux Etats-Unis avant la réussite du mouvement pour les droits civils, indéfiniment emprisonnés dans les rôles de sportif, d’acteur et de chanteur, bouffons de leurs maîtres.

Aussi, il est inutile de regarder le cas des Belges, Polonais ou Portugais qui nous ont précédés. Encore, considérons le cas des Etats-Unis. Chaque vague d’immigration, italienne, juive, irlandaise a simplement construit une identité de blanc et a essayé de se démarquer du sol en poussant les « nègres » et les amérindiens plus vers le bas. Soulignons que la plupart n’ont rien fait contre l’oppression des « gens de couleur ».

Il y aura, bien entendu, à un certain niveau de la société, des profs, médecins et même, depuis peu, des préfets « issus de l’immigration ». Mais le besoin de la société française, toujours en transition de sa phase industrielle et agricole vers l’instauration d’une économie de service, a besoin d’une source de main d’œuvre peu qualifiée avec des ouvriers mal rémunérés s’entassant au bas de l’échelle de la société de service. Ils restent utile en temps de croissance et embarrassants au moment de toute éventuelle contraction économique.

Ce gisement sera toujours assujetti à l’élasticité de la demande pour les emplois, toujours avec un taux de chômage plus élevé que la moyenne nationale.

Intégrés ou pas, c’est le rôle que la société française a réservé à certains immigrés incapables de se fondre dans la masse des autochtones.

Qu’est-ce donc la signification des appels à l’enlèvement du foulard s’il ne changera point les choses ? Il est simple : ayant l’intention d’envoyer un message fort à un électorat dont deux tiers s’avoue racistes, le symbole du foulard a été choisi.

Mais n’oublions pas que « travailler » le costume des « Autres » faisait partie du répertoire des mesures hégémoniques connues en Europe.

Rappelons encore le cas des juifs qui nous ont précédés en tant que minorité religieuse

Le quatrième Conseil de Latéran en 1215 sous le Pape Innocent III a prescrit la manière que les Juifs devaient s’habiller. Pour les distinguer des Chrétiens bien entendu. Leurs vêtements sont vite devenus les stigmates de leur avilissement et le Juif était ainsi devenu le prisonnier ambulant des symboles de son identité ethnique.

En 1553, sous le Pape Jules, les Juifs ont été forcés à porter des chapeaux jaunes et ainsi, on l’imagine, devinrent objets de raillerie.

Mais, au milieu du 19éme siècles le Czar Nicolas I, a pris la position contraire, prohibant les Juifs de porter leur costume traditionnel. La finalité du décret était leur assimilation, c’est à dire l’effacement de l’essence visuelle de l’Autre. Son déguisement ou son enfermement dans un carcan de signes vestimentaires étaient fondamentalement étrangers à sa propre définition de soi. Ce ne sont que quelques exemples du périples des Juifs dans le domaine vestimentaire.

Nous connaissons le sort des Musulmans et autres après la reconquête de l’Espagne par les Chrétiens. Il était interdit aux femmes de porter le voile. Il y a, sur ce site même, un document qui parle des décrets de l’époque et l’on sait bien que leur soumission ne leur a pas épargné des expulsions, des tueries et autres conversions forcées.

De même, des décrets promulgués dans les colonies esclavagistes des Antilles avaient aussi pris le soin de travailler les habillements de populations subordonnées. Il était précisé telle ou telle étoffe, la longueur de la jupe,etc. Se conformer à toutes ces règles n’a pas amélioré la condition des Antillais !

Il y a, inévitablement, un lien entre le droit de fixer la façon dont l’Autre se présente au monde et son statut dans le monde. Comment doit-on réagir ?

Dieu Tout Puissant, dans la sourate 7 verset 27 du Saint Coran commande « O fils d’Adam, ne vous laissez pas duper par le Diable comme vos pères et mères, qu’il a fait chasser du Paradis. C’est lui qui, en les dépouillant de leurs vêtements, a fait apparaître leur nudité »

Nous sommes dans une situation où nos filles et nos femmes, nos sœurs, nos mères, seront obligées, de dévoiler ce que Dieu leurs a ordonnées de dissimuler entre autre leur chevelure, qu’elles ont évidemment choisi ici par pudeur et par la crainte de Dieu de cacher. Comment doit on réagir ?

Parlant des pressions que les musulmans subiront , Dieu dit dans le Coran (sourate 5 verset 48) « .. ne suis pas leurs penchants pour négliger la vérité que tu as reçue ». Selon l’islamologue Marcel Boisard dans L’Islam Aujourd’hui , « Les causes de l’incompréhension de l’Occident à l’égard de l’Islam sont nombreuses et complexes.

Elles s’appuient essentiellement sur des motivations religieuses, historiques, psychologiques, culturelles et éducatives et, maintenant à nouveau, sur des considérations politiques et socio-économiques. » En somme, les incompréhensions ne vont pas se volatiliser du jour au lendemain.

Boisard écrivait au début des années 1980. Les motivations politiques, elles, sont toujours d’actualité et le racisme est toujours là. L’Islam, comme la religion chrétienne ou le Judaïsme, est né dans l’oppression et le mépris. Il suffit de se souvenir de notre Prophète Abraham (la paix soit sur lui) jeté dans le fourneau, de la persécution de Jésus et de la vie de Muhammad (la paix et la bénédiction de Dieu sur lui).

Ces religions, à leur naissance, subissaient le ridicule et la violence. Mais la foi de ceux que Dieu a choisis n’a pas diminué. Le Coran est orné d’exemples comme ceux des prophètes (Hud, Lot, Yunus, etc.) qui ont vécu parmi des peuples mécréants, méchants, meurtriers.

Ce que l’on vit en France actuellement est une oppression à laquelle on doit résister.

Résister c’est non seulement suivre l’exemple des prophètes mais aussi celui de tous les fidèles, de nos aïeux, qui ont souffert dans leur chair, de l’exil, de la faim, des critiques des gens bornés, des complots des hypocrites et, ce, sans fléchir.

Cette expérience nous a fourni les arguments et les moyens spirituels de résister et de se montrer solidaires face aux défis du moment. Car rien dans l’histoire de la culture qui s’oppose à notre religion ne laisse à croire que céder aux pressions pourra améliorer le sort qu’ils nous réservent.

Commençons alors à nous organiser à tous les niveaux et à soutenir ceux et celles qui luttent pour un monde ou nous ne seront pas obligés, comme certains assimilés, à avoir honte de nous-mêmes ou de cette religion noble que Dieu a donné aux fils d’Adam.

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