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La politique mortelle des apprentis sorciers d’Israël

La bande de Gaza vient d’être frappée par des raids meurtriers qui ont occasionné la mort d’un nombre indéterminé de civils palestiniens. La « communauté internationale » désapprouve et pointe la « disproportion » des moyens engagés. Désapprouver, en langage décodé, ça veut dire : « Tout de même, faites un peu attention, les gars. ». Ça ne vaut surtout pas remise en cause de la politique israélienne.

Mais quelle est au juste, cette politique ? Pourquoi ces raids aujourd’hui ? Samedi 10 juin, le Président Mahmoud Abbas doit prendre un décret sur l’organisation d’un référendum portant sur la reconnaissance implicite d’Israël. Le Hamas s’oppose violemment à cette opération. Il sait que le mot d’ordre de paix reste immensément populaire dans les territoires occupés. Il sait qu’il y a de très fortes chances qu’une réponse positive soit donnée par les Palestiniens.

Il le sait d’autant plus que le document des prisonniers, signé par des personnalités représentatives de l’ensemble de la classe politique palestinienne, apporte son appui au référendum. Il sait aussi que les Palestiniens qui lui ont confié le pouvoir ne l’ont pas fait pour qu’il fasse régner son ordre moral ou qu’il les engage dans une guerre permanente, sans issue. Ils l’ont choisi en raison de l’incapacité du Fatah à faire aboutir les négociations en vue de l’établissement d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967.

Il sait que les Palestiniens ne reprochent pas au Fatah d’avoir choisi la voie de la négociation mais de ne pas avoir su la mener. Il sait que les Palestiniens, dans leur écrasante majorité, sont opposés à une vision sacrificielle du monde et que leur désir, somme toute banal, est de vivre libres dans un Etat souverain. Ils sont tellement attachés à la paix qu’ils ont accepté d’en payer par avance le prix exorbitant du renoncement à tout jamais à 78 % de leur patrie historique. Le Hamas, en dépit de son succès électoral, est à rebours de cette tendance profonde. Il essaie, sans succès, d’imposer ses vues à la population en appliquant une stratégie de la tension avec le Président élu, y compris en agitant le spectre d’une guerre civile.

Le document des prisonniers et l’annonce du référendum ont constitué pour lui de sérieux revers mais, en dehors de diatribes verbales, il n’a pas les moyens de s’y opposer. Le massacre de Gaza est un cadeau du ciel pour le Hamas. Il repousse aux calendes grecques toute velléité de retour à une forme quelconque de négociation et signe peut-être même l’arrêt de mort du référendum. Cadeau du ciel ? Plutôt cadeau de l’allié objectif israélien qui n’a cessé, en savonnant la planche des gouvernements issus du Fatah, d’assurer sa promotion !

Le Hamas n’a sans doute pas conscience de ce que son accession au pouvoir doit aux stratèges de l’ombre israéliens. Ses militants sont très probablement sincères dans leur désir de mettre fin aux souffrances de leur peuple. Il ne doit cependant plus ignorer qu’il n’est plus aujourd’hui qu’une arme de destruction massive, une de plus, dans l’arsenal d’Israël.En réalité, Israël ne veut pas de la paix. Il en a administré à maintes reprises la preuve devant une « communauté internationale » sourde ou complice.

Il a balayé d’un revers de main les propositions de paix et de normalisation offertes par la Ligue Arabe en 2002 et réitérées en 2005. Il s’oppose à tout dialogue, quelle que soit la couleur du « partenaire » palestinien aux affaires. Il a séquestré un président élu, Yasser Arafat, pendant trois ans au mépris des règles les plus élémentaires du droit. Il n’a cessé d’humilier son successeur, Mahmoud Abbas, alors qu’il en réclamait deux ans plus tôt l’intronisation comme premier ministre.

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Il a été jusqu’à kidnapper des prisonniers palestiniens d’une prison de Jéricho, zone en principe autonome. C’est à cette aune qu’il faut comprendre sa perception du référendum comme une menace. Israël s’est en effet senti en « danger de paix ». Il refuse la perspective de devenir un état banal, en paix avec ses voisins, coopérant avec son environnement. Il refuse d’abdiquer son rôle de gendarme d’une région pétrolière, rôle dont il a sans doute été investi par l’allié états-unien.

Le maintien de cet ordre suppose, non seulement l’abandon de l’idée de paix, qui suppose l’égalité, mais aussi l’abandon du primat du droit. Personne ne pouvant ignorer totalement l’opinion internationale, il convenait dès lors d’écarter du pouvoir des Palestiniens se revendiquant du droit international et leur substituer des dirigeants au registre suffisamment effrayant pour que la sympathie pour la cause palestinienne cède le pas à la peur, et donc à la mise entre parenthèses de la légalité au nom de la survie du monde occidental.

Israël s’inscrit dans la logique mortelle de la guerre des civilisations. Il contribue de manière déterminante à la réalisation de cette sinistre « prophétie ». Tout, dans sa stratégie, indique son obsession de la simplification : ne plus voir dans les Palestiniens un peuple qui réclame la protection du droit mais l’avant-garde d’une horde verte prête à déferler sur le monde. Qu’importe que la horde verte n’ait pas d’existence en Palestine. Il met tout en œuvre, tel un démiurge, pour la susciter.

C’est la paix du monde qui est menacée dans cette minuscule contrée. C’est le sens même de l’Histoire qui est contrarié. Nos nations sont de fait plurielles, métisses. La cohésion de nos sociétés occidentales si colorées ne tient que par la conviction que le droit est le même pour tous. Cette conviction est déjà mise à mal par les discriminations, la réticence face à la mise au jour de mémoires conflictuelles. Sur ce malaise peuvent prospérer des tendances centrifuges, mettant en danger le « vivre ensemble ».

Il faut d’urgence redonner au droit ses lettres de noblesse et l’appliquer d’abord à cette terre du Proche-Orient sur laquelle sont braqués des millions de regards, sans doute parce que l’issue de la crise dont elle est le siège a valeur de symbole aux yeux de ceux qui s’interrogent sur la réalité de leur intégration dans le monde occidental. Y imposer la justice équivaut à délivrer un message d’une force incomparable à ceux qui s’interrogent sur le sens de ce mot dans nos banlieues.

A l’évidence, Israël ne l’entend pas de cette oreille. La « communauté internationale » doit donc choisir : céder encore et toujours à l’entêtement meurtrier de dirigeants persuadés de bénéficier d’une immunité d’ordre divin et laisser se déliter le tissu social de nos villes, ou rappeler ces dirigeants à la règle commune au moyen de sanctions vigoureuses et regagner ainsi la confiance de millions de citoyens dans les valeurs de la République.

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