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Guerre en Ukraine : questions de crédibilité

War between Russia and Ukraine, Ukraine flag and tank

Le point de vue de Pascal Boniface

Aucune éclaircie en vue sur le front ukrainien. Un relatif statu quo après l’échec russe de parvenir à Kiev et l’échec de la contre-offensive ukrainienne de reconquérir le Donbass, auxquels s’ajoutent les inquiétudes sur l’engagement à long terme de Washington, l’absence d’alternative à Vladimir Poutine à espérer à Moscou, et des Européens qui restent, malgré tout, assez soudés entre eux et solidaires de Kiev.

Qu’est-ce qui est en jeu en Ukraine ? Dans le discours occidental, il s’agit avant tout de nos valeurs. Nos valeurs, bien sûr, puisqu’il y a une guerre d’agression, il faut la nommer telle qu’elle est : une conquête de territoires par la force dans laquelle, de surcroît, des crimes de guerre documentés ont été commis.

Mais ce n’est pas uniquement pour défendre nos valeurs que nous sommes engagés aux côtés de l’Ukraine, il faut le reconnaître. Sur d’autres territoires, dans d’autres conflits, nos valeurs sont également mises en cause et nous ne disons rien, ou peu de choses, et surtout nous n’agissons pas.

C’est tellement visible sur le conflit israélo-palestinien. La promptitude des chancelleries occidentales à condamner les crimes de guerre – inadmissibles – commis par l’armée russe en Ukraine, la régularité avec laquelle ils sont évoqués dans les médias, contrastent avec la timidité de la dénonciation des crimes de guerre sur Gaza, qui sont de surcroît commis sur une population civile soumise à un blocus et à une famine organisée.

Combien de minutes d’images sur les chaînes d’info permanente, combien de « unes » de journaux sur l’Ukraine ? Combien sur Gaza ?

Les États occidentaux n’ont pas le même investissement pour aider des pays autres que l’Ukraine, qui font pourtant également face à des conquêtes territoriales ou à des crimes de guerre.

Cela s’explique par le fait que ce conflit se déroule sur le continent européen. Mais aussi parce que la Russie est un rival géopolitique.

Dans le conflit en Ukraine, les Occidentaux agissent également par intérêt. Car si les valeurs qu’ils défendent sont de principes universels – violation du droit international, violation des droits humains, de crimes de guerre, etc. – pourquoi autant d’émotions concernant l’Ukraine et autant d’indifférence sur le Nord Kivu, le Soudan, la Birmanie, etc. ?

Il n’est pas honteux d’avoir des intérêts. D’ailleurs, si on ne les assume pas, il se crée un climat de soupçons autour des motivations de notre positionnement. Certes, les Occidentaux se mobilisent pour défendre leurs valeurs, mais également pour défendre leurs intérêts mis en cause en Ukraine. Et c’est avant tout pour cela qu’ils s’opposent à la Russie.

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C’était tout ce que je développais dans le premier chapitre de mon livre publié le 30 août 2023 Guerre en Ukraine, l’onde de choc géopolitique (Eyrolles, août 2023). Mais le débat sur ce point a été largement occulté dans l’espace médiatique, un peu moins sur les réseaux sociaux.

Les pays occidentaux ont fourni des efforts conséquents pour aider l’Ukraine afin de défendre leurs intérêts. Ils consacrent des sommes importantes tout en subissant le contrecoup économique de la guerre, comme le reste du monde. Ils ont abandonné des avoirs importants en Russie – qui ont fortement aidé Vladimir Poutine qui a pu redistribuer à des obligés, anciens ou nouveaux, 100 milliards d’avoirs abandonnés par les Occidentaux – ne voulant pas apparaître, notamment face aux accusations de Volodymyr Zelensky, comme complices de l’effort de guerre russe.

Cet engagement s’accompagne de multiples déclarations indiquant que la crédibilité occidentale est mise en jeu dans cette guerre. De ce fait, il leur est impossible de rester sans rien faire, et ils ne peuvent accepter un cessez-le-feu dans les conditions actuelles, comme le demandent les pays du Sud.

Un cessez-le-feu, à l’heure actuelle, signifierait le maintien de conquêtes territoriales opérées par la Russie depuis le 24 février 2022 et même depuis 2014 puisque la souveraineté de la Russie sur la Crimée n’est pas reconnue.

À force de répéter à de multiples reprises que leur crédibilité stratégique était en jeu, les pays occidentaux ont transformé une déclaration de principe en réalité factuelle. Si la guerre s’arrêtait dans les conditions actuelles, l’Occident aurait perdu une grande partie de sa crédibilité stratégique à ses propres yeux, auprès de la Russie et à l’égard du reste du monde, y compris de la Chine. Ils veulent donc maintenir leur soutien à l’Ukraine pour ne pas entamer cette crédibilité et que l’Ukraine ne tombe pas dans l’escarcelle de la Russie.

Jusqu’où les Occidentaux sont-ils prêts à aller ? Le problème, c’est que si les choses continuent ainsi, la guerre risque de durer longtemps. L’idée selon laquelle il faudrait franchir un pas pour aider l’Ukraine se répand. Il s’agirait non pas de maintenir le statu quo actuel, mais de gagner la guerre et ainsi de récupérer les territoires que l’Ukraine a perdus en envoyant des troupes occidentales pour inverser le rapport de force, tant en termes d’équipements militaires que d’un point de vue démographique.

L’idée de « préparer la guerre si l’on veut la paix » et de ne pas renoncer à cette option progresse donc. Mais, très souvent, à préparer la guerre, on obtient difficilement la paix.

Lire la suite sur le site de l’IRIS

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