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Explosions, pénuries, instabilité : à Bagdad la situation se dégrade

Des avions de combat américains pilonnant des positions irakiennes, des coupures de courant qui paralysent toute une ville, d’interminables files d’attente devant les stations services : la capitale irakienne a replongé hier dans un chaos qu’elle croyait révolu.

A la tombée de la nuit, la ville fut martelée par l’écho d’explosions sourdes, au moment où l’armée américaine lançait le bombardement aérien le plus important qu’ait connu l’Irak depuis l’annonce de la fin des combats par le président George Bush, au début du mois de mai.

La nouvelle phase de l’offensive américaine contre la « résistance », lancée dans l’espoir d’éradiquer ceux qui infligent à leurs troupes des pertes quotidiennes, ne s’est pas cantonnée à la région de Bagdad. Des raids ont été lancés dans plusieurs villes dont Baqouba, située à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de la capitale. Des avions de chasse et des hélicoptères d’attaque Apache y ont réduit en poussière des bâtiments abandonnés, des murs et des arbres, le long d’une route où les embuscades ont été si fréquentes que les Gi’s l’ont surnommée « l’avenue RPG », du nom du lance-roquettes utilisé par les assaillants. Le commandement américain a quant à lui annoncé avoir lâché des bombes de deux cent cinquante kilos et tiré des obus de cent vingt millimètres sur des sites propices aux embuscades.

Une fois encore, on a vu d’interminables files d’attente devant les stations service de Bagdad, sur presque un kilomètre parfois. « Ce n’est qu’un des aspects de la tragédie que vit notre pays », nous déclare Ahmed, ancien officier de l’armée irakienne aux tempes grisonnantes, qui pour nourrir sa famille, s’est improvisé chauffeur de taxi. Il patiente depuis une heure et n’est qu’à la moitié de la file.

Les difficultés d’approvisionnement sont liées aux coupures de courant générales que connaît la ville depuis deux jours. La question de l’électricité n’est pas à prendre à la légère. Si les Irakiens reprochent en premier lieu aux Américains d’avoir été incapables d’assurer leur sécurité, en particulier pendant les semaines d’anarchie et de pillage consécutives à la prise de Bagdad, les coupures de courant arrivent en seconde place sur la liste des griefs et sont toujours, à l’heure actuelle, une source de colère. « Nous ne pouvons cuisiner, il n’y a pas d’eau et sans chauffage, les nuits sont très froides », nous dit Leila Najim, libraire dans le centre de Bagdad ; « les enfants ne peuvent faire leurs devoirs dans le noir ».

De tels blocages sapent et rendent vains les efforts déployés par les Américains pour gagner les faveurs de la population irakienne et pour isoler une « résistance » de plus en plus active, au sein de laquelle certains opèrent sous le nom de « deuxième armée de Mohamed ». Ce groupe rassemblerait des loyalistes de l’ancien régime, des Irakiens désireux de venger l’humiliation ou des blessures infligées par l’armée américaine, des nationalistes et des militants islamistes.

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Soucieux, et pour cause, de raccrocher son invasion de l’Irak au 11 septembre 2001, le président Bush a fait rajouter les guerriers d’Al-Qaïda à la liste de ses ennemis combattant en Irak. Mais le général Charles Swannack, comandant la 82ème division aéroportée, a laissé entendre hier que ses troupes avaient principalement affaire à des Irakiens fidèles au régime de Saddam Hussein.

Les autorités irakiennes ont annoncé que les coupures de courant étaient dues à des ruptures de lignes à haute tension censées alimenter Bagdad en électricité. La rumeur fait état d’une version différente qui contribue à montrer les forces d’occupation sous un jour encore moins flatteur. Selon elle, ces black-out forcés seraient délibérément provoqués par les Américains pour punir la ville d’apporter son soutien, au moins tacite, à la résistance armée. Hassan Fatah Pacha, Irakien ayant fait ses études aux Etats-Unis, rentré depuis pour éditer un hebdomadaire en langue anglaise, « Iraq Today », nous confie : « le problème fondamental dans ce pays n’est pas que nous avons des ennemis. C’est que nous avions des amis, que nous les avons perdus…et que nous avons maintenant le sentiment d’être devenus des citoyens de seconde zone dans notre propre pays ».

En comparaison de la tension que connaissent le nord et le centre de l’Irak, Bassora et sa région, dans le sud du pays, vivent une paix relative, favorable à la reconstruction civile. A la une des quotidiens, l’armée britannique est quant à elle aux abonnés absents. Les nouvelles des Américains lâchant leur puissance de feu sur les villes du nord sont accueillies avec des haussements de sourcils par les soldats anglais, pour qui la guerre semble finie et qui ne veulent surtout pas être associés à ce déchaînement de violence. Washington a demandé deux fois que les parachutistes anglais montent à Bagdad, et par deux fois, s’est vu opposer un refus poli, mais ferme.

Eric Rendek, de Bagdad.

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