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Etat islamique: la duplicité du Qatar et de ses alliés

Jusqu’à présent, le Qatar s’est montré très complaisant, et il l’est encore à bien des égards au niveau doctrinal, vis-à-vis des Frères musulmans et des mouvements islamistes sunnites. L’émirat  a, de longue date, fondé sa politique sur la duplicité, l’ambivalence ou l’ambiguïté, notamment au niveau de sa diplomatie. Il s’est ainsi toujours agi de donner des gages de soutien aussi bien aux acteurs de l’islam politique, des plus violents aux plus légalistes,  qu’aux partenaires occidentaux, dont la tradition démocratique est historique, malgré leurs propres vicissitudes et errements sur les questions liées au monde arabe et à l’islam.

L’attitude du Qatar, aujourd’hui, est autant le résultat de l’idéologie de ses dirigeants, schizoïde d’une certaine manière, que des rapports de force au sommet du pouvoir, entre les tenants de l’ouverture à l’Occident et les partisans d’une vision culturaliste et très exclusiviste de l’islam. À cette aune, l’expulsion récente de septs dirigeants des Frères musulmans[1] peut s’interpréter de deux façons : d’une part, par l’enlisement de l’opposition syrienne et le fait qu’elle ait été à présent supplantée sur le terrain par des organisations islamistes extrêmement violentes, que l’émirat a favorisées d’une manière ou d’une autre, incapables cependant de venir à bout du régime autoritaire et répressif de Bachar al-Assad ; et d’autre part, par la montée en puissance de l’État islamique et l’inquiétude qu’il suscite dans certaines chancelleries occidentales et arabes, avec la crainte qu’il ne déstabilise durablement la région avec son cortège de malheurs, comme l’atteinte à l’intégrité morale et physique des chrétiens d’Orient ou aux musulmans ordinaires.

Le Qatar veut de la sorte ennoblir son image, se racheter après avoir nourri la bête à laquelle se heurtent lui et ses amis en Occident. L’émirat semble vouloir se détacher de l’image qui lui colle à la peau, à savoir être le sponsor des organisations et personnalités associées à la nébuleuse idéologique des Frères musulmans.  D’ailleurs, en expulsant certains dirigeants Frères musulmans, le régime qatari semble non seulement donner quitus au président Abdel Fattah al-Sissi dans sa stratégie d’éradication des islamistes égyptiens mais également autoriser l’idée qu’il existe une passerelle idéologique hautement probable entre appartenance à l’idéologie des Frères musulmans et passage à l’acte violent au nom de valeurs supérieures puisées en un corpus sacré ou sacralisé.

Yûsuf al-Qaradhâwî, théologien officiel de l’émirat, sur son compte twitter en date du 13 septembre 2014,  s’est dit opposé à l’intervention américaine contre l’État islamique. Après avoir souligné qu’il «divergeait complètement, au niveau de la pensée et des moyens (au singulier dans le texte arabe d’origine), avec l’État islamique », s’insurgeant au passage contre le fait que l’interventionnisme américain, entre autres, n’a rien à voir avec  « les valeurs de l’islam », il n’a toutefois ni répondu à une question fondamentale ni levé une contradiction majeure : accepterait-il d’intervenir contre l’État islamique si les Etats-Unis n’étaient pas associés à la coalition éventuelle ? Pourquoi avoir, a contrario, sollicité l’aide des Etats-Unis pour intervenir en Libye en 2011 et en Syrie en 2013, pour désormais tourner casaque aujourd’hui ?

Deux hypothèses explicatives s’offrent à nous : aux yeux du prédicateur, Muammar Khadafi, auteur du Livre vert, n’était plus tout à fait musulman, car il ne lui a jamais été pardonné, d’avoir marginalisé, de son vivant, la Sunna (traditions prophétiques) au profit du seul Coran ; le régime de Bachar al-Assad, qualifié de « nusayrite » (appelation éminemment péjorative référant à la communauté des Alaouites), est considéré comme « plus mécréant que les juifs et les chrétiens[2] ». Y. al-Qaradhâwî apparaît ainsi, à tort ou à raison, bien  plus indulgent avec l’État islamique qu’il ne l’a jamais été avec les chefs d’État Khadafi et Assad.

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La position de l’imam relève plus que jamais de l’improbable position d’équilibriste. Le Qatar n’abrite-t-il pas la plus grande base américaine (le CENTCOM) en dehors des Etats-Unis d’Amérique ? Si offensive devait être menée contre l’État islamique, cette base ne manquerait pas d’être mobilisée. Que feront alors Y. al-Qaradhâwî et ceux des islamistes que l’émirat nourrit ? Au fond, la protestation du théologien est une tentative de démontrer qu’il n’est pas le complice d’attaques « non musulmanes » qui cibleraient ses « frères » de l’État islamique, après avoir essuyé l’opprobr
e d’une partie de ses coreligionnaires lors de ses multiples appels au jihad en Syrie ou en Libye.

 

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