Roos Chaï : “Protéger les Palestiniens, c’est un devoir juif”

Dans un contexte où les voix juives critiques d’Israël sont souvent marginalisées, l’artiste  Roos Chaï fait partie de celles et ceux qui refusent l’amalgame entre judaïsme et sionisme politique. Signataire de l’appel « Pas notre nom », elle dénonce la dérive idéologique du gouvernement israélien et réaffirme, avec force, que la défense de la vie et de la justice constitue le cœur du judaïsme. Dans cet entretien, elle revient sur les raisons de son engagement, sur les menaces qu’elle a reçues, et sur la création de son collectif Sun Heat, destiné à lutter contre la haine et les discours islamophobes dans les médias. Un témoignage fort, empreint de courage et d’humanité.

Compte-rendu de l’entretien avec Chaï

« Sauver une vie, c’est sauver l’humanité »

Signataire de l’appel « Pas notre nom », rédigé par un collectif de Juifs et Juives de France, Chaï a choisi de s’exprimer publiquement au nom de sa foi et de sa conscience. Pour elle, dénoncer les crimes commis par Israël relève d’un impératif spirituel et moral :« C’est profondément juif que de sauver une vie. Le judaïsme n’a rien à voir avec le sionisme politique. » L’artiste déplore que la voix des Juifs opposés à la politique israélienne soit étouffée et invisibilisée. Dans un contexte de censure et de polarisation, elle estime qu’il est devenu vital de rappeler les valeurs fondamentales du judaïsme : le respect de la vie, la mémoire des souffrances passées, et la responsabilité collective envers les opprimés.

Les valeurs du judaïsme au cœur de son engagement

Pour  Roos Chaï, le judaïsme repose sur des valeurs universelles : « Celui qui sauve une vie, sauve l’humanité. » Elle évoque aussi la mémoire des persécutions subies par le peuple juif, qu’elle met en parallèle avec la souffrance actuelle du peuple palestinien. « Nous devons, en tant que Juifs, protéger les populations opprimées, la veuve, l’orphelin et l’étranger. Aujourd’hui, c’est notre devoir de protéger les Palestiniens et la Terre sainte, qui est la Palestine. » Cette vision, profondément humaniste, relie foi, mémoire et solidarité. Pour elle, le silence face à l’injustice serait une trahison spirituelle.

« Netanyahou contribue à la montée du fascisme »

Roos Chaï accuse le gouvernement israélien, et en particulier Benjamin Netanyahou, de trahir les valeurs juives et d’alimenter l’antisémitisme par ses politiques :« Netanyahou participe à la montée d’un fascisme, d’un racisme d’État et d’un suprémacisme. Il parle au nom de tous les Juifs, mais il ne représente pas notre identité. » Elle dénonce une usurpation de l’identité juive :« Le judaïsme a été détourné de ses fondements spirituels pour justifier des crimes. On nous a volé notre voix. »

Menaces et intimidation : le prix du courage

Depuis la publication de sa signature,  RoosChaï dit avoir reçu des menaces et des insultes. Elle raconte avoir été qualifiée d’« antisémite » ou de « négationniste du 7 octobre », simplement pour avoir évoqué la responsabilité du gouvernement israélien dans les événements. Malgré la peur, elle refuse de se taire : « C’est abject de se taire. Nous, Juifs de France, devons parler pour dire que ce qui se passe n’est pas fait en notre nom. »

Sun Heat : un collectif contre la haine et l’islamophobie

En parallèle,  Roos Chaï a fondé le collectif Sun Heat – « chaleur frappante » –, un appel du cœur destiné à lutter contre la haine, notamment islamophobe, dans les médias et sur les réseaux sociaux « Il faut mettre de la lumière sur les discours de haine. Seules les paroles éclairées poursuivront les coupables. » Sun Heat rassemble des artistes, des citoyens et des juristes pour agir en justice contre les propos racistes et discriminatoires.  Roos Chaï y voit une continuité de son engagement spirituel :« La justice et la charité sont au cœur du judaïsme. Défendre nos frères et cousins musulmans, c’est leur rendre la justice qu’on nous a jadis refusée. »

Une voix juive libre et solidaire

À travers son engagement, Roos Chaï incarne une parole rare et nécessaire : celle d’une artiste juive qui revendique la solidarité avec les Palestiniens au nom des valeurs mêmes du judaïsme. Sa voix s’élève contre la confusion entretenue entre foi et idéologie politique, et rappelle une vérité universelle : « Défendre la vie, la justice et la dignité humaine, c’est le cœur du judaïsme. »