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Azzam Tamimi : « Je suis opposé à un boycott de la Suisse »

Issu d’une grande famille palestinienne, Azzam Tamimi, 54 ans, dirige à Londres l’Institut de la pensée politique islamique. Il est également rédacteur en chef d’Alhiwar TV. Contrairement à l’affaire des caricatures au Danemark, il estime que les pays musulmans ne doivent pas s’en prendre à la Suisse. Car le gouvernement a toujours manifesté son hostilité vis-à-vis de « l’initiative populaire » contre la construction des minarets.

Joint par téléphone à Bahreïn trois jours après le vote à 57,5 % contre l’édification de nouveaux minarets dans la Confédération, Azzam Tamimi parle d’une voix posée, mais il est choqué. Le rédacteur en chef d’Alhiwar TV, se dit même « désespéré ». « Jamais je n’aurai imaginé que le peuple suisse puisse prendre une telle décision ! ». Toutefois, Azzam Tamimi estime que les pays musulmans ne doivent pas sanctionner la Confédération helvétique.

En mai 2008, la venue de cet intellectuel palestinien en Suisse n’était pas passée inaperçue. Azzam Tamimi avait été invité à Genève dans le cadre de manifestations commémorant le soixantième anniversaire de la « Nakba » (la « catastrophe », pour les Palestiniens, correspondant à la création d’Israël), organisées par le Collectif urgence Palestine. La presse suisse avait violemment reproché à Azzam Tamimi ses déclarations en 2004 à la BBC : sacrifier sa vie pour la justice en Palestine est « une noble cause. C’est le chemin le plus direct pour plaire à Dieu. Je le ferais si j’en avais l’occasion », avait-il affirmé. Il ajoutait qu’Israël est « un Etat créé sur des terres volées à mon père, à mon grand-père, à ma mère ».

On apprenait alors qu’Azzam Tamimi, né en 1955 à Hébron, était l’un des interlocuteurs privilégiés du Département fédéral (ministère) des Affaires étrangères, servant d’intermédiaire entre la Suisse et le Hamas. Le Collectif urgence Palestine avait alors pris ses distances avec celui que la presse présentait comme « l’apôtre des attentats suicides ». En revanche, Hafid Ouardiri, ancien porte-parole de la Grande Mosquée de Genève, et directeur de la Fondation de l’Entre-Connaissance à Genève, estimait que plutôt que de juger Azzam Tamimi sur ce qu’il a pu dire dans le passé, « il faut écouter ce qu’il déclare aujourd’hui ».

On peut rappeler qu’en 2006, un autre membre de la famille Tamimi, Tayseer Tamimi, imam de la mosquée d’Hébron, et chef de la Cour suprême islamique dans les territoires palestiniens, avait déclaré à « Oumma.com », au moment des manifestations dans les pays musulmans contre le Danemark, que « les autorités politiques européennes doivent voter des lois qui interdisent dorénavant les attaques contre le Prophète. Ces provocations ne doivent plus se reproduire. La liberté d’expression s’arrête là où les droits des autres sont bafoués ».

Les pays musulmans ne risquent-ils pas de s’en prendre à la Suisse comme ils l’ont fait pour le Danemark après l’affaire des caricatures du Prophète ?

Ce vote est désolant, mais nous savons que le gouvernement suisse était hostile à cette initiative populaire. Le gouvernement du Danemark, en revanche, ne s’était pas excusé. Il se tenait même aux côtés de ceux qui caricaturaient le Prophète. Les pays musulmans ne devraient pas boycotter la Suisse. En revanche, il n’est pas exclu que des musulmans, qui se sont sentis méprisés par ce vote, décident de ne plus venir passer des vacances dans la Confédération. Ou hésitent à l’avenir à acheter des produits fabriqués en Suisse.

Vous êtes donc opposé à des sanctions contre la Suisse ?

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Oui. Je ne souhaite pas que la situation s’envenime, que le monde musulman s’enflamme comme cela s’est passé à l’encontre du Danemark. Je demande à ce qu’il n’y ait pas de débordements.

Vous vivez en Europe, avez-vous été surpris par ce vote ?

Ça a été pour moi un jour de deuil. Je n’aurai jamais pensé que le peuple suisse puisse prendre une telle décision. Le gouvernement suisse n’aurait jamais dû accepter cette initiative populaire. Il ne faut pas laisser des partis extrémistes utiliser la démocratie pour tuer la démocratie. Que va-t-il se passer si demain une initiative populaire demande l’expulsion des musulmans de Suisse ? On ne doit jamais faire de concessions aux extrémistes.

Quel jugement portez-vous sur ces initiatives populaires, qui peuvent être demandées par des citoyens suisses ?

On ne devrait pas pouvoir remettre en cause les valeurs portées par la démocratie. Nous devons, au contraire, nous mettre debout tous ensemble pour barrer la route aux extrémistes, aux partis nazis. Au-delà du résultat désolant de l’initiative populaire, la Suisse va y perdre beaucoup architecturalement. Les minarets lui auraient apporté de la beauté.

Propos recuillis par Ian Hamel

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