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Prix Nobel de sciences : le rôle mésestimé des femmes, épouses ou proches collaboratrices

Comme chaque année, la première semaine d’octobre a été marquée par l’attribution des célèbres prix Nobel, encore très majoritairement remis à des hommes. Nombreuses sont pourtant les femmes à avoir œuvré dans l’ombre d’un « nobélisé ».
Difficile d’entrer dans les coulisses des laboratoires et des carrières, parfois tortueuses, des lauréats du prix Nobel, mais en parcourant les biographies des uns et des autres, on croise souvent des noms féminins, d’épouses ou d’assistantes, sans qui les découvertes récompensées auraient été beaucoup plus difficiles, voire impossibles.

Depuis sa création en 1901, le Prix Nobel a été décerné à 46 femmes et 814 hommes.

Ce fossé est encore plus important dans les disciplines scientifiques où seulement 16 femmes ont été récompensées en plus d’un siècle, après Marie Curie.
Plusieurs raisons sont pointées du doigt, différentes selon les périodes historiques. Tantôt l’inaccessibilité du domaine scientifique pour les femmes, tantôt le contexte de la guerre froide, l’absence de réseaux, de propositions émanant de femmes ou un entre-soi trop grand entre femmes et hommes dans tous les domaines récompensés par le prix.
Parmi celles qui sont restées dans l’ombre d’un « grand chercheur », citons Clara Haber, épouse de Fritz (qui obtint le prix Nobel de chimie en 1918 pour ses travaux sur l’ammoniac). Première femme à obtenir un doctorat de chimie à l’université de Breslau, elle a contribué aux travaux de son mari, traduisant ses articles en anglais, tout en étant cantonnée à la vie familiale.
C’est aussi le cas de Mileva Maric, brillante étudiante qui rencontra Albert Einstein lors de leurs études à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Des lettres attestent de leurs échanges sur les travaux de physique d’Albert, mais elle dut, elle aussi, se consacrer à sa vie de famille jusqu’à leur séparation.
L’un des exemples les plus flagrants d’ « oubli » du comité Nobel est celui de Lise Meitner, collaboratrice d’Otto Hahn (prix Nobel de chimie en 1944), qui joua un rôle majeur dans la découverte de la fission nucléaire. Juive autrichienne, elle dut fuir l’Allemagne nazie en 1938 et refusa ensuite de participer à la construction d’une bombe atomique.
Autre femme, assistante « utile », Jocelyn Bell, qui découvrira le premier pulsar (une étoile qui émet des signaux très régulièrement).  Découverte pour laquelle son directeur de thèse, Antony Hewish, obtint le prix Nobel en 1974.
Rosalind Franklin, Chien-Shiung Wu et tant d’autres femmes « oubliées du Nobel » seront écartées. Parfois citées, quand elles ne seront pas tout bonnement ignorées, les femmes se retrouvent souvent à devoir partager leurs prix. Moins représentées parmi l’ensemble des lauréats, elles le sont largement plus pour les prix « divisés » en deux ou trois parts.
S’il y a de plus en plus de femmes distinguées par un prix, les heureuses élues le sont le plus souvent dans des catégories « non scientifiques » (littérature et paix), souvent perçues comme moins prestigieuses que les sciences ou l’économie.
Il faut dire que le monde de la science n’est pas exempt de clichés sexistes. On se souvient du cas récent du prix Nobel de médecine 2001, Tim Hunt, qui avait défrayé la chronique durant l’été 2015 par des propos qui avaient créé l’émoi, même s’il s’était ensuite excusé avant de démissionner.
La minimisation des contributions des femmes dans les sciences a d’ailleurs été théorisée : c’est l’« effet Matilda », nom donné par une historienne américaine des sciences, Margaret W. Rossiter, au déni et à la minimisation des contributions des femmes à la recherche.
L’histoire des prix Nobel compte plusieurs cas où des femmes ont été écartées, que ce soit au stade des propositions ou de la récompense elle-même. La plupart des débats ayant abouti à ces exemples sont encore sous le sceau du secret, car les archives des comités Nobel ne sont ouvertes que 50 ans après les délibérations.
Un effort a été réalisé par les comités Nobel depuis les années 1990. Il fut notable dans les années 2000, mais il reste insuffisant pour toutes ces femmes « de l’ombre » dont la contribution à l’humanité restera méconnue. Chacune à leur manière est une véritable source d’inspiration. Elles sont des exemples, tant par leur persévérance que par leurs travaux, leur courage, leur talent, ou encore pour certaines, leurs engagements politiques.

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