Un mois après le lancement de la guerre contre la bande de Gaza pour, officiellement, anéantir le Hamas et laver l’affront de l’opération du 7 octobre, et une douzaine de jours après le début de ses « opérations terrestres », l’armée d’occupation israélienne est dans l’impasse.
Elle continue de buter sur des combattants palestiniens dont le recours à la stratégie de la guérilla, que lui imposent les conditions de la guerre asymétrique, est en train de créer la surprise. Pour se venger de ses déboires sur le terrain, l’armée israélienne a recours à la multiplication et à l’intensification des bombardements aériens qui se soldent par d’horribles massacres de civils.
Ces crimes de guerre odieux ont fini par retourner l’opinion publique mondiale, y compris dans les pays occidentaux, contre l’Etat colonialiste et raciste d’Israël et ne font que renforcer le vaste élan de solidarité internationale en faveur du peuple palestinien et pour l’arrêt immédiat de la guerre.
Un mois après le lancement de cette guerre qui a désormais tout l’air d’une guerre visant à terroriser la population pour la pousser à l’exode, la situation humanitaire est catastrophique selon toutes les organisations internationales. Mais sur le terrain, l’armée d’occupation israélienne, malgré une puissance de feu inégalée, marque le pas.
Une simple comparaison entre la guerre actuelle avec celle de 2014 pourrait nous éclairer. En 2014, l’armée israélienne qui a lancé sa guerre le 8 juillet est passée à l’offensive terrestre le 18 juillet, soit 10 jours après le lancement de la guerre.
Cette fois-ci, l’armée israélienne a du attendre trois semaines entières avant de se résigner à ce qu’elle a appelé ses premières « opérations terrestres », qui sont montées crescendo non sans avoir enregistrer des reculs durant les trois premiers jours suite aux pertes subies.
La comparaison suffit à faire admettre aux plus sceptiques que le Hamas de 2023 n’est plus celui de 2014. Une nouvelle équation stratégique a fait son apparition dans le conflit israélo-palestinien.
Cette nouvelle donne explique le fait que des généraux israéliens, y compris l’ancien patron du Mossad, n’ont pas hésité à exprimer leur doute quant à la pertinence d’une offensive terrestre, rejoints dans cette analyse par des généraux américains envoyés sur place par l’Administration américaine pour conseiller l’armée israélienne.
Mossoul plutôt que Falouja !
« Mossoul plutôt que Falouja », tel a été en résumé le conseil des Américains. Traumatisés par la bataille de Falouja de 2004, durant laquelle la résistance irakienne qui a transformé la ville en un camp retranché a obligé l’armée américaine à user de moyens indescriptibles pour prendre finalement un immense tas de ruines, l’Administration américaine ne veut pas que l’armée israélienne tombe dans un piège similaire et préfère rééditer le modèle militaire de la bataille de Mossoul (2016) quand l’armée américaine et ses supplétifs irakiens ont alterné des bombardements aériens intensifs et des opérations terrestres graduelles et calculées en vue de déloger les milices de l’ »Etat islamique » qui avaient auparavant pris trop facilement la ville grâce au retrait suspect de l’armée irakienne.
En d’autres termes, le conseil de l’Administration Biden est que l’armée israélienne devrait éviter une opération « bulldozer » à Gaza, qui serait catastrophique pour la population civile, avec le risque de retourner l’opinion publique occidentale contre Israël et de mettre ses alliés occidentaux dans une situation diplomatique intenable.
Par ailleurs, le coût humain d’une telle offensive pour les forces israéliennes dépasserait le seuil que pourrait supporter la société coloniale israélienne.
Pour comprendre la carte de l’évolution de la confrontation sur le terrain dix jours après le début de l’offensive terrestre, il faut se rappeler que la superficie totale de la bande de Gaza ne dépasse guère 360 km2. La bande s’étale sur une longueur d’environ 41 kilomètres et une largeur qui va de 6 à 12 kilomètres.
L’armée israélienne a cherché à pénétrer le territoire de la bande de Gaza par trois axes : un premier axe au nord-ouest, un second au nord-est et un troisième au centre-est. La particularité commune de ces trois axes est qu’ils s’adossent à des zones agricoles pratiquement inhabitées qui ne constituent aucun enjeu militaire pour la résistance palestinienne, et où il est facile pour les blindés israéliens d’avancer d’autant plus qu’ils sont constamment couverts par l’aviation et l’artillerie.
Déboires sur le terrain
Durant les premiers jours de l’opération terrestre, les forces israéliennes ont ainsi pu avancer trois kilomètres au nord et 5 kilomètres au centre sans rencontrer une grande résistance. Mais dès qu’elles ont commencé à se rapprocher des zones habitées dans les faubourgs de Beit Lahyia, de beit Hanoune et de Jabalyia au nord et de Juhr Eddik au centre-est, elles ont été, comme c’était prévisible, la cible des combattants palestiniens qui sortent de sous terre ou des bâtiments endommagés, armés de roquettes Yassine 105 (une copie locale du RPG 7 fabriqué dans les ateliers de la résistance).
En une semaine, l’armée de l’occupant a perdu plusieurs dizaines de chars Merkava, de véhicules d’infanterie Panther et des engins de génie militaire qui ont pour tâche de déblayer le terrain pour les unités d’infanterie.
Les premières pertes humaines sont également importantes, même si l’armée israélienne n’a reconnu depuis le début de l’opération terrestre qu’une trentaine de tués, dont plusieurs officiers et un lieutenant-colonel qui commandait un bataillon de chars et plusieurs centaines de blessés. Quoi qu’il en soit, les pertes subies par l’armée israélienne ont poussé les unités engagées sur les trois axes à reculer et à demander à l’aviation et à l’artillerie de pilonner les secteurs « contaminés » avant de revenir à la charge avec les blindés.
La presse israélienne, citant des experts militaires, est bien obligée de déplorer un « bilan décevant » des premiers jours de l’opération terrestre.
Au dixième jour de l’offensive terrestre, l’armée israélienne semble avoir effectué quelques avancées sur les trois axes cités en y ajoutant un quatrième axe au sud est dans les faubourgs de Khan Younes où les forces israéliennes avancent sous la couverture de l’aviation et de la marine. Les blindés israéliens du bataillon de reconnaissance de la brigade Golani sont arrivés jusqu’au littoral par le centre qui constitue le ventre mou sur une largueur d’une dizaine de kilomètres et cherchent à remonter vers le camp Echatai’.
Cependant, l’objectif d’encerclement de la ville de Gaza semble encore lointain tant l’armée israélienne n’arrive pas à stabiliser des têtes de ponts conséquentes dans les quatre axes où des combats acharnés continuent de se dérouler.
Et même si l’armée israélienne finissait par encercler la ville de Gaza, ce résultat ne constituerait pas en soi une victoire militaire significative, étant entendu que l’enjeu militaire n’est pas tant l’encerclement de la ville que sa prise ou sa capitulation.
Or, même à supposer que les bombardements arrivent à vider la ville de l’essentiel de ses habitants, les assaillants seront devant un défi plus imposant et plus coûteux que les avancées de colonnes blindées sous couverture aérienne : celui de devoir se battre contre des milliers de combattants qui ont élu domicile dans les tunnels et qui peuvent jaillir à tout moment pour cibler les blindés et les fantassins.
Cette perspective est d’autant plus inquiétante que les généraux israéliens ne semblent pas avoir un plan pour la suite. Le ministre israélien de la Défense a évoqué une première étape de trois mois pour venir à bout de cette ville symbole, qui est en train de devenir sous nos yeux la nouvelle Stalingrad, et d’une seconde étape de neuf mois pour « sécuriser » le territoire !
L’absence d’un plan réaliste, aussi incroyable soit-elle, devient une source d’inquiétude pour leurs alliés américains qui n’hésitent plus à le faire savoir à leurs protégés.
Massacres prémédités
Les massacres prémédités de civils qui se succèdent ces derniers jours illustrent l’impasse militaire dans laquelle se trouve l’armée israélienne, dont les chefs semblent désormais parier sur ces horribles massacres pour pousser à l’exode les 400 000 civils qui sont restés dans le nord de la bande de Gaza.
Militairement parlant, ils semblent se résigner à la perspective peu glorieuse qui consiste à enterrer sous un déluge de bombes ou à gazer les tunnels qui abritent plusieurs milliers de combattants palestiniens, dès lors que tout indique qu’ils sont incapables de les affronter dans une bataille terrestre ouverte.
Cette sordide perspective arrangerait bien de nombreuses capitales occidentales et arabes, tant le Hamas constitue aujourd’hui le grain de sable qui pourrait faire échouer le processus de normalisation israélo-arabe sur lequel parie l’Empire américain pour jeter les bases d’un nouvel ordre régional sous sa botte.
Bien-sûr, un tel ordre régional ne peut se construire que sur les décombres du peuple palestinien, que tout le monde cherche à forcer d’accepter un misérable bantoustan, sous la direction du non moins misérable Mahmoud Abbas ou son éventuel successeur le sinistre Dahlane.
Mais entre ces souhaits aussi irréalistes qu’abjects et les surprises que réserve une histoire pleine de souffrances, d’espérances et de luttes, qui pourrait parier sur la force diabolique du mal quand la Justice trouve enfin sur son chemin des hommes qui ont compris que le droit ne vaut rien sans la force censée le protéger ?
Dans son message émouvant d’amour et de respect pour le peuple palestinien, Aleida Guevara-March, la digne fille du leader anti-impérialiste Che Guevara, a lancé un appel non seulement à tenir bon face à l’armada colonialiste et fasciste israélienne mais à vaincre.
La victoire, à laquelle pense la militante internationaliste, ne doit pas être entendue au sens conventionnel. Les combattants palestiniens, dans leur pluralité, ne sont pas engagés dans une guerre conventionnelle dans laquelle la victoire signifie la neutralisation des capacités offensives de l’ennemi et sa capitulation. Mais dans la guerre révolutionnaire, l’équation est différente. Il s’agit d’empêcher l’ennemi d’atteindre ses objectifs politiques.
Si Israël ne gagne pas, il perd. Or, même s’il arrive à détruire le Hamas, Israël ne serait pas dans la posture d’un vainqueur parce qu’en plus du déshonneur, il faudrait qu’il se prépare à affronter dans moins de dix ans une autre génération de combattants tant que la cause – à savoir la colonisation – est toujours là.
En revanche, si les combattants palestiniens ne perdent pas, elle gagne. Or comment peut-on parler de perte, si cette dernière ne saurait être dans tous les cas que momentanée ? Et comment la nouvelle Stalingrad peut-elle perdre quand sa résistance fait trembler l’ordre régional, douter les alliés les plus fidèles d’Israël et attirer autant de sympathie dans le monde, y compris dans les milieux juifs pacifistes qui refusent qu’on massacre des enfants en leur nom ?
Par esprit de vengeance, Israël a mis la barre trop haut en fixant comme but à sa guerre l’anéantissement du Hamas. Mais la vengeance est mauvaise conseillère. Le peuple palestinien est un espoir, l’espoir qui se nourrit de la foi et de l’espérance que, quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finira par se lever.
C’est écrit dans le cosmos. C’est écrit dans les cœurs de ceux qui croient et dans les versets coraniques que psalmodient les combattants dans leur pluralité, avant d’aller défier la mort.
Pour la Justice et pour la Patrie, reproduisant ainsi, dans le cadre de leur tradition propre et avec leur langage à eux, la geste épique de tous les chevaliers du monde, par-delà les frontières géographiques, historiques et culturelles.
Les Palestiniens ont légué à l’humanité en héritage l’impératif politique de résister à l’injustice et le devoir moral de solidarité avec tous ceux qui luttent pour leur droit à la vie et à la dignité.
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