La France discute aujourd’hui des effets positifs de la colonisation et se couvre ainsi de ridicule aux yeux du monde qui ne peut plus la comprendre ! Ce débat nécessite quelques commentaires sur le contexte dans lequel il se déroule et sur le fond idéologique qu’il représente.
Le contexte est celui, international, d’une effervescence des arabes et des musulmans, qui se sentent justement victimes de généralisations et de stigmatisations. Sur le plan national, ce ras-le-bol est partagé par les musulmans de la population française et par les étrangers qui résident sur notre sol. Il s’est traduit par trois semaines de violences dans quelques citées.
Contrairement à ce qui a été suggéré par le Ministre de l’Intérieur, ces mouvements « n’étaient pas organisés ». Monsieur Sarkozy a employé cette expression sachant pertinemment que le « bon peuple » traduirait logiquement que« les islamistes sont derrière tout cela », escomptant un amalgame entre islamistes et musulmans, entre musulmans et étrangers. Cet amalgame n’a pas tardé à être formalisé par Monsieur Alain Finkielkraut. Manque de chance, le Ministre est démenti par ses propres services, les Renseignements Généraux qui, dans un rapport rendu public en décembre 2005, affirment que le mouvement traduit un malaise identitaire très fort, fruit de l’absence de l’Etat social trop tourné vers la lutte anti-terroriste et désertant l’action sociale.
L’Etat socia lne peut pas vivre sans l’Etat policier. Cette absence coupable d’actions sociales efficaces est commune à la droite et à la gauche. Elle est le préalable à la loi sur les effets positifs de la colonisation. En effet, à quoi bon développer des infrastructures urbaines destinées aux descendants directs de ceux qui, il n’y a pas si longtemps, ne savaient ni lire ni écrire et qui savaient à peine se tenir debout – ceux là même auxquels nous apportâmes les effets positifs de notre occupation et qui nous chassèrent.
Dire que la France a apporté la construction de routes comme exemple d’effets positifs, c’est feindre de croire qu’il n’y avait pas de routes avant la colonisation. Comme si les algériens d’alors, ne se déplaçaient pas. La France a peut-être apporté quelques routes asphaltées construites au prix du sang et des vies des colonisés, obligés de travailler pour l’occupant. Dire que la France a alphabétisé les populations colonisées c’est accorder fort peu d’intérêt à ces langues arabe et berbères parlées par tous et quelques fois écrites. C’est oublier que l’alphabétisation s’est faite au seul profit de l’occupant qui propageait sa propre langue afin de pouvoir commander plus facilement aux populations autochtones.
Nous ajoutons l’injure à l’agression puisque nous expliquons implicitement que nous apportons une civilisation là où il n’y en avait pas. La culture arabe, la culture berbère, la culture chrétienne, la culture juive qui cohabitaient fort bien, n’étaient pas des civilisations, cela tombe sous le sens. Dire que la France a apporté le progrès c’est exactement faire le même raisonnement que les américains qui occupent aujourd’hui l’Irak sous prétexte d’apporter la Liberté.
Nous sommes prisonniers d’une tendance intellectuelle forte qui souligne notre « cécité mentale » : Nous feignons de croire que l’Afrique du Nord n’était ni peuplée ni civilisée puisque nous avons apporté la civilisation. Cette pensée fait de nous les parents proches de ceux qui, au début du 20ème siècle affirmaient sans rire que la Palestine était « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ».
Il est temps que la France reconnaisse, au delà de la repentance nécessaire, qu’elle cherchait en Algérie son propre développement économique et la stabilité de son régime républicain, puisque l’armée, encore largement royaliste à l’époque de la conquête algérienne, menaçait la stabilité de la République.
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