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Checkpoint de Cisjordanie: Victoire pour des travailleurs palestiniens

Les travailleurs palestiniens qui passent par ce checkpoint tôt le matin offrent un spectacle étrange à tout point de vue. Ceux qui passent à l’aube ont souvent l’air stressés, affairés, fatigués et repliés sur eux-mêmes. « Une heure ou deux passées dans le poste de contrôle c’est plus difficile que toute une journée de travail » me dit un des travailleurs le lundi matin. Mais lundi dernier ce n’était pas le cas.

Suite à la grève entamée la veille par des milliers de travailleurs de Tulkarem, Naplouse et Jénine qui avaient décidé de ne pas traverser en Israël pour protester contre la manière dont ils sont traités au checkpoint, on les a vus déambuler l’air victorieux, sourire aux lèvres. Ils disaient que c’était comme si par magie un mur avait disparu ; la manière dont ils étaient traités dans le poste de contrôle s’est soudain améliorée. Les points d’inspection, tout à coup, fonctionnent efficacement, et les gardes traitent les femmes et personnes âgées avec respect – exactement ce qu’ils réclamaient au cours de leur grève de la veille.

Les travailleurs rassemblés hors du poste, dans l’attente de leurs employeurs qui viennent les emmener à Tel Aviv et dans le centre d’Israël en minibus semblaient calmes et satisfaits. "Tout ça grâce à la grève !" me dit un homme avec qui je converse. Mais personne ne s’emballe. « Deux semaines, un mois, deux mois … – et tout redeviendra comme avant. Jusqu’à la prochaine grève » me dit A., un habitant de Jénine. Les autres personnes à qui nous avons parlé sont du même avis.

Les travailleurs palestiniens savent sans doute de quoi ils parlent. Il y a quatre ou cinq ans, ils ont fait grève une journée, refusant de retourner. Des milliers de travailleurs ont perdu la valeur d’une journée déjà mal payée dans le centre d’Israël, parce qu’ils refusaient d’endurer l’humiliation quotidienne au poste de contrôle. A l’époque ils me disaient que les améliorations seraient sans doute permanentes. Quelques années plus tard, ils ressentent que sans une grève tous les x mois, la situation se détériore à chaque fois. A ma connaissance, c’est le seul checkpoint où les travailleurs ont organisé une telle grève, et à deux reprises.

« Nous travaillons dur toute la journée, nous rentrons à la maison dans la soirée, nous ne voyons pas nos gosses, nous allons dormir, et à deux ou trois heures du matin il faut se lever pour aller faire la queue au checkpoint. Ils ne nous laissent même pas le temps de rêver » dit N., un travailleur de Tulkarem. La plupart de ceux que nous avons interviewés ont voulu rester anonymes. La veille, un Palestinien de Bethléem qui avait été interrogé par la chaîne israélienne Channel1 a perdu son boulot à Jérusalem. Personne ne veut prendre ce risque.

« Une employée joue avec ses cheveux, l’autre bavarde au téléphone »

Le checkpoint Sha’ar Ephraim, entre Taybeh et Tulkarem, a été privatisé en 2006. Il est sous la responsabilité du Ministère de la Défense, mais dans la pratique il est géré par des garde de sécurité privés d’une compagnie appelée « White Snow ». Il y a 16 points d’inspection dans le terminal mais le ministère e la Défense n’en finance que neuf. Les travailleurs se plaignent que la compagnie de sécurité essaie de tirer davantage de profit à leurs dépens en n’ouvrant que six, cinq, et parfois quatre points d’inspection – ce qui ne fait qu’allonger les files d’attente.

Selon un certain nombre de travailleurs et selon Rachel Afek de ‘Machsom Watch,’ une organisation israélienne qui visite assez souvent le poste de contrôle, neuf points d’inspection sont insuffisants pour absorber l’important trafic de piétons, 6 à 9 mille personnes qui passent entre 4 et 6 heures du matin (heures d’ouverture du checkpoint). Le lundi matin les travailleurs disent que 9 à 12 points d’inspection fonctionnaient.

Environ 40.000 travailleurs palestiniens autorisés entrent en Israël chaque jour, selon des sources diverses, tandis que 40.000 autres, non autorisés, passent par d’autres circuits moins officiels. Ils arrivent de tous les coins de la Cisjordanie, administrée dans son entier par Israël. Les colons israéliens, eux, peuvent entrer et sortir de Cisjordanie sans la moindre difficulté ni inspection.

« De notre point de vue, le problème est que chacun doit passer dans une courte période de temps, et avec cette pression il y a les mouvais traitements de la part des gardes » dit S., un travailleur palestinien qui est entré en Israël pratiquement tous les jours depuis 17 ans. « Les gardes engueulent les personnes âgées, retardent arbitrairement des gens pendant une heure, une heure et demie – sans aucun motif. Vous arrivez auprès de l’employée et là elle décide de réarranger sa coiffure, elle ne vous adresse pas la parole, et vous voilà bloqué. Un autre se met à parler au téléphone. Ou tout d’un coup, en plein milieu des heures de pointe, ils ont un changement d’équipe et tout le monde doit attendre ».

« Le vendredi, [le checkpoint] n’ouvre qu’à 5 heures du matin, et l’attente est encore plus longue. Quand vous arrivez vous n’avez aucun moyen de savoir combien de temps vous allez y passer. Les gens se poussent, ils s’injurient. De l’autre côté (palestinien) des ambulances attendent et pour emmener quelqu’un, au moins une fois par semaine. Ces dernières années plusieurs personnes sont décédées ici même ».

 

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Faire grève est la seule option

Personne n’a organisé la grève de dimanche et personne ne s’y attendait. Un groupe de travailleurs entrés dans le checkpoint, quelque part entre les deux premiers des huit carrousels métalliques par lesquels ils doivent passer, se sont fâchés des retards et ont spontanément déclaré la grève. Des milliers de travailleurs qui attendaient à l’extérieur les ont rejoints. Des milliers de personnes ont perdu un jour de paie et sont rentrés chez eux vers 7 heures du matin après avoir négocié avec des représentants de l’armée et de « White Snow », qui ont promis d’améliorer les conditions de passage.

« Nous n’avons pas de syndicat, nous n’avons pas de dirigeants, nous n’avons pas de mère ou de père qui aille leur parler » explique S. Mais dès que certains ont décidé [de faire grève], tout le monde a approuvé. Et voyez – aujourd’hui on passe en douce. Si tous les jours étaient comme ce
lui-ci, je pourrais me lever à 4 ou 5 heures au lieu de 3 heures 30. Vous imaginez la différence que ça peut faire ? »

« Tout le monde s’est joint à la grève parce que chacun sait que c’est la seule façon de faire pression sur la compagnie privée » dit N. de Tulkarem. « Si nous ne passons pas le checkpoint ils ne gagnent pas d’argent, et donc, si nous refusons tous ensemble, ça marche très bien, au moins pour un temps. Vous comprenez, ils savent que personne ici ne veut qu’il y ait de grabuge. Les gens qui viennent ici sont des travailleurs, munis de cartes d’identité magnétiques. Un fauteur de trouble passerait la barrière, pas le checkpoint. Alors pourquoi nous traitent-ils ainsi ? Quand vous étranglez les gens, ça détruit leur vie et ça ne fait que les rendre plus furieux encore. Quand ils laissent passer les gens, ils veulent vivre en paix ».

« Il ne faut pas perdre de vue que celui qui utilise ce checkpoint a déjà subi des vérifications d’antécédents par le Shin Bet pour avoir un permis d’entrée. Chaque jour ils doivent subir des contrôles supplémentaires à ce checkpoint : vérification de l’identité biométrique, fouille des sacs, fouilles corporelles, de tout » dit Rachel Afek de Machsom Watch. « Ces gens font ça chaque jour pour gagner leur vie. Pourquoi n’ouvrent-ils pas davantage de points d’inspection ? Pourquoi le checkpoint ne reste-t-il pas ouvert toute la nuit » ?

Il fait encore noir dehors quand nous parlons à des travailleurs. Ils se réunissent dans une petite cafétéria qui vend du café, du thé et des pâtisseries. Certains sont assis dans l’unique abri du checkpoint, bien trop petit pour abriter les milliers de persones qui passent ici chaque jour. D’autres prient en groupe, certains allument de petits feux pour avoir chaud.

L’afflux des travailleurs ne se tarit pas pendant plusieurs heures, mais finalement la file rétrécit. Ils retrouvent leur moyen de transport pour une autre journée de labeur dans les villes israéliennes. Les employeurs n’attendent pas. Il y a toujours quelqu’un d’autre prêt à prendre la place d’un retardataire bloqué dans le checkpoint.

Le lundi matin les travailleurs de Tulkarem, Jénine et Naplouse sont allés au travail la tête haute, fiers de leur petite victoire contre l’establishment. La seule question porte sur la durée de cette victoire-ci.

* “White Snow,” la compagnie de sécurité privée qui administre le checkpoint, a refusé de répondre à nos questions, nous renvoyant au porte-parole du ministère de la Défense. Celui-ci n’avait toujours pas donné suite au moment de cette publication. Leur réponse sera publiée dès réception, si réception il y a.

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Traduction :Info-Palestine.eu – AMM

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