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Le porte-parole en exil des Rohingyas n’ira pas en Europe pour dénoncer le génocide de son peuple

Privé de visa, Habiburahman, une éminente figure en exil des Rohingyas, la minorité musulmane martyre de Birmanie, risque fort d’être privé de parole, alors que la perspective de monter à la tribune du Parlement européen pour dénoncer le génocide subi par son peuple s’est éloignée au fil des jours.

Apatride au Myanmar qu’il a fui en 2000, à l’âge de 19 ans, pour échapper aux terribles persécutions qui le frappaient, il reste, aujourd’hui encore, un éternel apatride en Australie où il trouva refuge en 2009, après un long périple périlleux qui le mena en Thaïlande, puis en Malaisie.

Marqué au fer rouge de l’apatridie, Habiburahman, ce réfugié politique qui redoute plus que tout d’être muselé du fait de l’impossibilité de quitter Melbourne, sa terre d’asile, au risque d’être refoulé à son retour, a plaidé sa cause avec force auprès des autorités australiennes. Mais, jusqu’à présent, ce fut un prêche dans le désert.

« Je suis apatride en Australie depuis de nombreuses années. Ma punition est maintenue vivante pour toujours », a-t-il vivement déploré dans un entretien accordé au quotidien britannique The Guardian, à l’approche d’une tournée imminente en Belgique et en France (respectivement les 26 et 28 février, puis du 1er au 8 mars) pour promouvoir son ouvrage intitulé « D’abord, ils ont effacé notre nom » (Éd. La Martinière).

Un livre auto-biographique dans lequel il relate son parcours personnel douloureux, avec en toile de fond l’effroyable extermination ethnique des Rohingyas, planifiée et mise en œuvre par la junte militaire birmane et les moines bouddhistes ultra-nationalistes, sous le regard complice de Aung San Suu Kyi, qu’il a co-écrit avec la journaliste, auteure et réalisatrice française Sophie Ansel, que nous avons reçue dans l’Esprit d’Actu en septembre 2017.

Désireux de parler au nom de son peuple réduit au silence, après avoir été diabolisé, pourchassé, supplicié et massacré en silence pendant des années, Habiburahman, qui a fondé à Melbourne une association afin de défendre les droits piétinés de sa communauté, ne se résout pas à voir « cette chance de parler pour mon peuple qui continue de souffrir et reste sans voix » se briser sur le récif d’une privation de visa.

Invité à s’exprimer dans l’enceinte du Parlement européen par l’eurodéputée belge Marie Arena, le meilleur porte-parole des Rohingyas, ainsi cruellement bâillonné, ne pourra pas non plus s’entretenir avec des représentants d’Amnesty International. Des lettres de soutien ont été envoyées au président français, Emmanuel Macron.

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« Nous sommes l’indicible », se désole Habiburahman. « En Birmanie, nous ne sommes pas autorisés à dire que nous sommes Rohingya, et on ne peut pas dénoncer ce que nous subissons. On ne peut pas signaler à la police le sort qui nous est infligé. C’est comme si notre bouche était fermée, nos yeux fermés. Nous sommes réduits au rang d’esclaves », s’insurge-t-il.

Interviewée également par The Guardian, Sophie Ansel a insisté sur l’importance capitale que revêt son témoignage : « Il n’est pas seulement nécessaire qu’il soit là, c’est une urgence. C’est un devoir pour ceux qui ont le pouvoir d’autoriser ce voyage en Europe de le faire, parce qu’il n’y a guère d’occasions pour les Rohingyas d’élever la voix et parce que chaque jour qui passe, sans que la communauté internationale agisse, est un jour de plus où les villages sont brûlés, où des familles entières sont forcées de fuir, où des Rohingyas sont violés et tués ».

Un ouvrage à se procurer impérativement !

Nous vous proposons de voir ou revoir, l’intervention édifiante de Sophie Ansel, grande spécialiste de la Birmanie, sur le plateau de l’Esprit d’Actu en septembre 2017.

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