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L’inquiétante incursion terrestre de l’armée israélienne en territoire syrien

48 heures après l’annonce de la chute du régime de Bachar Al Assad, les nouvelles en provenance de Syrie sont inquiétantes. Et ce, non pas à cause du changement qui s’est produit et dont les premiers signes sont plutôt rassurants de l’aveu des observateurs des Nations Unies, mais plutôt à cause de l’intervention militaire israélienne sur le territoire syrien, en violation du droit international.

« L’armée israélienne s’est emparée d’une zone tampon du plateau de Golan en Syrie, en violation d’un accord de désengagement datant de 1974 » nous apprend une dépêche d’Euronews en date du 9 décembre.

Citant une dépêche de l’AFP, le quotidien libanais, proche des milieux maronites, L’Orient-Le-Jour note : « L’avancée des troupes israéliennes en Syrie dans la zone tampon à la lisière de la partie du plateau du Golan occupée et annexée par Israël constitue « une violation » de l’accord de désengagement de 1974 entre Israël et la Syrie, a déclaré lundi le porte-parole de l’ONU » (L’Orient-le-Jour, 9 décembre 2024)

Pire. Deux sources de sécurité régionales avaient déclaré plus tôt à l’agence Reuters que les troupes israéliennes se trouvaient à environ 25 kilomètres au sud-ouest de Damas. Une source de sécurité syrienne avait précisé que l’armée israélienne avait atteint Qatana (à l’est de la zone démilitarisée qui sépare le plateau du Golan occupé par Israël de la Syrie (Le Monde, 10 décembre 2024)

L’armée israélienne a démenti des informations faisant état d’une avancée de chars israéliens vers la capitale syrienne, Damas. « Les informations diffusées par certains médias selon lesquelles les forces armées israéliennes avancent vers Damas ou s’en approchent sont totalement fausses », a déclaré mardi sur le réseau social X le porte-parole de l’armée, Avichay Adraee (Le Monde, 10 décembre 2024)

Une intervention qui viole le droit international

Mais quoi qu’il en soi, la force des Nations unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) a déclaré « confirmer que les forces armées israéliennes sont entrées dans la zone de séparation, se sont déplacées dans la zone et restent présentes au moins dans trois lieux », a indiqué lundi le porte-parole de l’ONU Stéphane Dujarric, qui a ajouté qu’Israël avait prévenu les Casques bleus de l’entrée de ses troupes (L’Orient-le-Jour, 9 décembre 2024)

En réaction à cette incursion de l’armée israélienne en zone démilitarisée, la FNUOD « a informé ses homologues israéliennes que ces actions seraient une violation de l’accord de désengagement de 1974 ». « Il ne doit y avoir aucune force ou activité militaire dans la zone de séparation. Et Israël et la Syrie doivent continuer à appliquer les termes de l’accord de 1974 et préserver la stabilité du Golan » a déclaré le responsable onusien (L’Orient-le-Jour, 9 décembre 2024)

Cette incursion terrestre de l’armée israélienne en territoire syrien fait suite à des attaques aériennes sans précédent contre des cibles militaires syriennes situées dans plusieurs régions dont la capitale, Damas.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, l’armée israélienne « a détruit les principaux sites militaires en Syrie » en menant plus de 300 frappes aériennes dans le pays depuis la prise de Damas par les rebelles et la chute de Bachar Al-Assad dimanche (Le Monde, 10 décembre 2024)

Le ministre israélien des Affaires étrangères Gideon Saar a confirmé ces attaques en déclarant : “Le seul intérêt que nous avons est la sécurité d’Israël et de ses citoyens. C’est pourquoi nous avons attaqué des systèmes d’armes stratégiques, tels que des restes d’armes chimiques ainsi que des missiles et roquettes à longue portée, afin qu’ils ne tombent pas entre les mains d’extrémistes”. (The Guardian, 9 décembre 2024)

La stratégie israélienne

La chute du régime de Bachar Al Assad ne pouvait laisser indifférent l’Etat d’Israël qui s’était accommodé jusque-là d’un régime dont la rhétorique anti-israélienne n’a jamais inquiété véritablement Israël. Ce dernier craint désormais qu’un nouvel Etat émanant de la volonté populaire en Syrie puisse constituer dans l’avenir un adversaire autrement plus redoutable.

C’est ce qui explique les attaques de l’armée israélienne qui ont un double caractère : il s’agit d’abord d’attaques préventives en vue d’empêcher les révolutionnaires syriens de prendre possession des arsenaux de l’armée syrienne. Ensuite, il s’agit d’attaques qui visent à intimider les révolutionnaires syriens pour les dissuader de toute action contraire à la sécurité d’Israël.

En occupant la zone démilitarisée, Israël cherche à créer une zone de sécurité qui pourrait lui servir dans le futur contre toute revendication de la part du nouvel Etat syrien sur le Golan annexé.

Ce n’est pas un hasard si Netanyahou vient de rappeler que la partie du Golan annexée « appartient à Israël pour l’éternité ». Dans une conférence de presse à Jérusalem, il a déclaré :  « Aujourd’hui, tout le monde comprend l’importance capitale de notre présence sur le Golan, et non au pied du Golan » avant d’ajouter : « Notre contrôle sur le plateau du Golan garantit notre sécurité, il garantit notre souveraineté » (RFI, 9décembre 2024)

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Netanyahou n’a pas oublié un clin d’œil bien en direction de Donald Trump « Je tiens à remercier mon ami, le président élu Donald Trump, pour avoir répondu à ma demande de reconnaître la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan en 2019 » (RFI, 9décembre 2024) Bien-sûr, Netanyahou a oublié au passage de dire que l’annexion par Israël du Golan reste illégale au regard du droit international.

Il n’est pas exclu non plus qu’Israël, redoutant la perspective d’une transition politique pacifique qui pourrait déboucher sur une future Syrie forte, ait fait le choix d’une intervention militaire qui vise à affaiblir la nouvelle autorité de fait et à favoriser ainsi une nouvelle éclosion de groupes jihadistes ou un chaos qui précipiterait une nouvelle intervention étrangère en Syrie.

Les réactions internationales

La stratégie du pire que semble suivre Israël en Syrie n’a pas pour le moment fait réagir les capitales occidentales qui sont occupées à donner des leçons de démocratie et de droits de l’Homme aux acteurs syriens qui ont débarrassé le pays du régime dictatorial de Bachar Al Assad.

De leur côté, les Nations Unies s’inquiètent de ces développements dangereux qui pourraient contrarier les efforts en vue d’assurer une transition politique pacifique inclusive où toutes les composantes du peuple syrien trouveraient leur place.

« Il est très inquiétant de constater des frappes et des mouvements israéliens sur le territoire syrien. Cela doit cesser », a déclaré l’émissaire spécial de l’ONU pour la Syrie, Geir Pedersen (Le Monde, 10 décembre 2024)

L’intervention militaire israélienne en Syrie est d’autant plus malvenue que l’émissaire des Nations Unies a reconnu qu’il y a des signes encourageants qui attestent que les révolutionnaires syriens sont conscients des défis à relever pour réussir une transition inclusive.

L’émissaire des Nations Unies n’a pas omis le fait que l’organisation Hay’at Tahrir Al Cham (HTC), issue de l’ancienne Jabhat Al Nosra, est toujours inscrite sur la liste des organisations terroristes, ce qui constitue selon lui « un facteur de complication ».

Cela n’a pas empêché l’émissaire onusien, qui est en contact avec Hay’at Tahrir Al Cham, de déclarer :  «Nous devons aussi être honnêtes et voir ce qui s’est passé au cours des neuf dernières années (…) et la réalité jusqu’à présent est que HTC et les autres groupes armés ont envoyé des messages positifs au peuple syrien » (Le Monde, 10 décembre 2024)

M.Pedersen a rappelé qu’il y avait eu, certes, des vols et des pillages dimanche, en particulier à Damas, « mais cela semble avoir cessé et c’est une bonne chose ». Surtout, « ils ont envoyé des messages d’unité et d’inclusion et, franchement, nous avons également vu à Alep et à Hama des choses rassurantes sur le terrain » a-t-il ajouté.

L’émissaire onusien a également souligné le fait important que le chef de HTC Ahmed Al-Charaa, avait mentionné lui-même dans une interview à CNN qu’« ils discutent de la possibilité de démanteler HTC ». Mais « nous devons voir ce qu’ils disent être mis en œuvre sur le terrain », a affirmé M. Pedersen qui a précisé que « le test le plus important sera la manière dont les accords de transition seront organisés et mis en œuvre » (Le Monde, 10 décembre 2024)

Si les capitales occidentales sont restées jusqu’à présent silencieuses face aux provocations israéliennes, la Ligue arabe et plusieurs pays arabes du voisinage comme le Qatar, l’Arabie saoudite, le Koweït, l’Irak et la Jordanie ont dénoncé l’intervention israélienne et ont appelé au respect de l’intégrité territoriale de la Syrie.

Mais la réaction la plus remarquable est venue de la Turquie qui a un intérêt direct et aussi la volonté et les moyens de peser sur le cours des évènements dans la Syrie voisine . « Désormais, nous ne pouvons permettre que la Syrie soit à nouveau divisée. (…) Toute attaque contre la liberté du peuple syrien, la stabilité de la nouvelle administration syrienne et l’intégrité de son territoire nous trouvera contre elle aux côtés du peuple syrien », a déclaré mardi le président turc, Recep Tayyip Erdogan, lors d’une intervention télévisée ( Le Monde, 10 décembre 2024)

 

 

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One Comment

  1. La maison, dite blanche, trouvait normal que les minorités commandent la majorité en Syrie et personne ne parle du droit de la majorité.
    Maintenant que la majorité retrouve son droit de gérer la Syrie, cette même maison, dite blanche, veut diviser la Syrie pour que la majorité soit éparpillée et devient , à son tour, des minorités.

    Seul un monde de minorités convient à la maison dite blanche.

    Deux solutions se posent, pour la maison dite blanche, une diplomatique, diviser la Syrie, une autre militaire, un génocide pour diminuer le nombre chez la majorité.

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