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Face aux fermetures des comptes bancaires des mosquées, les recommandations du CFCM

Introduction. 

Pour de nombreuses mosquées, les collectes de dons, notamment à l’occasion de la prière hebdomadaire du vendredi ou du mois de ramadan, sont des sources de financement indispensables. 

Ces collectes sont effectuées dans les mosquées, à leur profit ou au profit d’autres mosquées en construction et peuvent générer des dépôts d’argent liquide. Ces dépôts sont à l’origine des difficultés que rencontrent certaines mosquées avec leurs banques. 

Ces difficultés peuvent évoluer vers une décision unilatérale de fermeture par la banque du compte bancaire de son client y compris après une relation de confiance de quelques décennies. Raison pour laquelle, il est aujourd’hui utile et nécessaire de mettre en place des moyens pour collecter des dons à même de minimiser la part que représente l’argent liquide. 

Les banques sont amenées à mettre en œuvre scrupuleusement de nombreuses mesures prises par les pouvoirs publics pour prévenir, à juste titre, toutes les opérations illégales et le blanchiment d’argent. L’une des difficultés auxquelles sont confrontées les banques est le contrôle de l’origine de l’argent liquide déposé par les associations. Ces dernières elles aussi ont du mal à obtenir des justificatifs auprès des donateurs, notamment lorsqu’il s’agit de petites sommes.

A travers ce guide de bonnes pratiques, nous proposons quelques pistes pour améliorer les conditions de collecte de dons et de les entourer de davantage de transparence et de précautions à même de rassurer à la fois les donateurs et les institutions bancaires. Toute suggestion, proposition ou bonne pratique est la bienvenue.    

  1. Dépôt d’argent liquide et mouvement bancaire : que dit la loi ?

Depuis 2016, Tracfin (Traitement du Renseignement et Action Contre les circuits Financiers clandestins) est l’organisme chargé de la lutte contre le financement du terrorisme et contre la fraude. Les banques sont donc tenues de signaler à Tracfin tous les mouvements de dépôts et de retraits dont le montant, sur un mois calendaire, dépasse 10 000 euros. Certaines banques peuvent procéder à un signalement à partir de sommes très inférieures à 10 000 si elles l’estiment nécessaire. 

La banque devra signaler tous les mouvements d’argent dans les 30 jours et devra, à cette occasion, fournir à l’organisme Tracfin des informations comme l’identification de la personne physique ou morale concernée. Elle devra mentionner la date des opérations ainsi que le numéro du compte bancaire concerné.

  1. Les associations gestionnaires de mosquées victimes de discrimination ?

Ces dernières années, les comptes bancaires de nombreuses associations musulmanes, notamment les gestionnaires de mosquées et lieux de culte, ont été clôturés à l’initiative unilatérale de leurs banques et parfois sans préciser la raison de la fermeture. Certaines banques mettent en avant leur volonté de se conformer à la règlementation en vigueur. Elles estiment que certaines pratiques des associations musulmanes, notamment en matière de collectes de dons leur compliquent cette mise en conformité et craignent des sanctions de l’administration financière à leur égard. A titre d’exemple, la banque postale, accusée de ne pas avoir mis en œuvre toutes les procédures de contrôle préconisées par l’administration fiscale, s’est vue infligée une amende de quelques millions d’euros.

Constatant que les collectes de dons n’est pas propre aux lieux de culte musulmans et que les autres cultes ne font pas état de telles fermetures, certains y voient une discrimination à l’égard du culte musulman. La réalité des choses est sans doute plus complexe pour la ramener au seul constat de discrimination. 

En date du 25 novembre 2011, le CFCM avait sollicité Mme la Défenseure des Droits, Claire HEDON, sur la question de la fermeture autoritaire et abusive des comptes bancaires de plusieurs associations gestionnaires de lieux de culte. En réponse, Mme la Défenseure des Droits dans un courrier daté du 6 décembre 2021 a apporté les précisions suivantes:

Afin que ses services puissent intervenir auprès des institutions bancaires, il convient à chaque association concernée de saisir la Défenseure des Droits par lettre simple non timbrée libellée à l’adresse suivante « Défenseur des Droits -Libre réponse 71120 – 75342 Paris Cedex 07 ». Ces saisines doivent être accompagnées des pièces suivantes :

-La convention d’ouverture de compte

-Les trois derniers relevés de compte

-Le courrier de la banque informant l’association de la fermeture de compte

-Les échanges, le cas échéant, entre la banque et l’association cliente suite à cette clôture.

En réponse à la sollicitation du CFCM, le Gouverneur de la Banque de France, M. François VILLEROY de GALHAU a apporté les précisions suivantes :

Chaque établissement bancaire est libre de déterminer sa politique de gestion des risques et peut accorder ou non, au plan individuel, l’ouverture d’un compte et les services bancaires qui peuvent lui être attachés.

Cependant, cette liberté trouve sa limite dans la procédure de “droit au compte” instituée par la règlementation au profit de toute personne physique ou morale domiciliée en France qui ne parvient pas à se faire ouvrir un compte auprès d’une banque.

La Banque de France assure la mise en œuvre de cette procédure en désignant un établissement qui est alors tenu d’ouvrir un compte, doté de services bancaires de base, au profit du demandeur.

Pour cela, les responsables d’associations dépourvues de compte bancaire peuvent se rapprocher des équipes de la Banque de France présentes dans tous les départements qui leur apportera l’aide nécessaire afin de mettre en œuvre cette procédure.

  1. Nouer des relations de confiance avec sa banque.

L’une des principales recommandations, et sans doute la plus importante, est de maintenir des liens de confiance avec sa banque à même de rassurer celle-ci sur l’origine des fonds déposés. Il faut prévoir des rendez-vous réguliers avec son conseiller financier et anticiper tout changement de gestion au sein de l’association. Si celle-ci entreprend un projet nécessitant des collectes plus fréquentes avec des montants plus élevés, il faut en parler à sa banque en lui fournissant tous les documents et explications nécessaires. Il faut prendre en compte les craintes de sa banque et leurs apporter des réponses qui la rassurent. Un changement brusque non anticipé et non expliqué pourrait créer un climat d’incompréhension, voire de suspicion.

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  1. Comment limiter au maximum les dépôts d’argent liquide.

Les moyens de paiement en ligne se développent et se généralisent d’une manière rapide. Il convient les associations musulmanes en fasse bon usage, notamment dans la collecte des dons. 

Outre les virements automatiques lorsqu’il s’agit de dons réguliers ainsi que les chèques bancaires, l’utilisation d’un terminal de paiement par carte bancaire peut s’avérer une bonne solution. 

Les frais inhérents à ces moyens ne doivent pas être un frein. D’une part, ces frais sont raisonnables (il faut compter près de 40 euros/mois pour la location du terminal et autour de 0,5% de commission pour les transactions. D’autre part, ces moyens procurent une sécurité et une transparence inestimables, un gain précieux du temps et une simplification indéniable de la gestion du compte. 

Il convient également de déposer l’argent collecté immédiatement et d’une manière régulière. Laisser s’accumuler les montants des collectes avant de les déposer, pourrait être source de nombreuses difficultés et un manque de lisibilité sur les sommes déposées. 

Une autre solution pour limiter les dépôts d’argent liquide pour une mosquée est décrite dans le paragraphe suivant. Elle nécessite une solidarité entre les mosquées de France.  

  1. Procédure de collecte de dons entre mosquées

La collecte effectuée dans les mosquées au profit d’autres mosquées en construction a toujours été un moyen de financement de nouveaux projets. Il est essentiel qu’elle puisse se faire dans la transparence totale et qu’elle ne bouleverse pas les habitudes de la mosquée bénéficiaire notamment en matière de dépôt d’argent liquide. Nous l’avons vu plus haut, c’est ce bouleversement qui est souvent à l’origine de la dégradation des relations entre l’association et sa banque. La procédure décrite ci-après, adoptées depuis des années par de nombreuses mosquées, a fait ses preuves. 

Description de la procédure 

  1. Les associations désignées ci-après par « association hôte » qui demandent l’organisation d’une quête dans une autre mosquée désignée ci-après par « mosquée d’accueil » doivent être clairement identifiées et leurs projets bien définis. Il faut éviter, sauf cas très exceptionnels, des collectes au profit d’associations enregistrées et l’étranger et se limiter dans tous les cas à l’espace de l’Union européenne. 
  2. Une association gestionnaire d’une mosquée doit tenir un registre dans lequel sont consignées les différentes quêtes organisées en son sein. Ce registre doit faire apparaître les informations liées au projet bénéficiaires des quêtes :

– Dossier identifiant l’association hôte porteuse du projet : Déclaration à la préfecture et au Journal Officiel, sa direction, ses références bancaires, noms et identités de ses responsables présents à la quête.

– Dossier identifiant le projet à financer : Achat, construction, avancement des travaux,

– Date de la quête, somme collectée, copie du chèque libellé.

– La somme collectée lors de la quête doit être comptée par l’association gestionnaire de la mosquée d’accueil, en présence des représentants de la mosquée hôte.

  1. L’association gestionnaire de la mosquée d’accueil libelle un chèque l’ordre de l’association hôte correspondant à la somme exacte de la collecte effectuée. Elle procède également à un dépôt de la somme collectée, accompagné d’un PV précisant la nature des dons collectés (nombre de pièces, de billets,…). La part que représentent les chèques et le paiement par CB doit être indiquée dans ce PV. Tout doit être consigné dans le registre des quêtes et acté avec rigueur.

Si l’association hôte est enregistrée dans un autre pays de l’union européenne (cela doit rester une exception qu’il faut éviter), la somme collectée doit être transférée sur le compte de l’association via un virement de banque à banque. 

Adopter une telle procédure garantirait :

– Une grande transparence dans la gestion des dons des fidèles et éviterait toutes les suspicions qui pourraient entacher les quêtes.

– Les membres de l’association hôte partent avec un chèque et non avec des espèces. Ainsi, ils seront en sécurité et protégés contre tout soupçon.

Par ailleurs, il serait utile, voire nécessaire de pouvoir coordonner les quêtes organisées au sein des mosquées et mettre en place un système d’échange de rendez-vous au profit des mosquées de France.

Ce système pourrait inclure des accords entre les mosquées permettant l’organisation des quêtes au profit de chacune d’elles sans forcément leur présence physique. Cela pourrait générer des économies importantes de frais de déplacement. Bien entendu, la présence de l’association hôte a parfois l’avantage de mieux expliquer le projet et de renforcer les liens entre les responsables des mosquées.

La procédure crée de fait une gestion supplémentaire à l’association hôte. C’est le petit prix de solidarité à payer pour que les mosquées de France se protègent mutuellement. La gestion de l’argent liquide généré par les nombreuses collectes organisées par une mosquée se trouve ainsi répartie entre les différentes mosquées. Les mosquées ayant permis une collecte au sein de leurs locaux se trouvent protégées également face à tout soupçon.  

Mohammed MOUSSAOUI

Président du CFCM

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