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Interview exclusive de Bertrand Delanoë pour Oumma.com

A chaque campagne électorale, rares sont les formations politiques qui incluent dans leurs listes des candidats issus de l’immigration (notamment des pays du Maghreb) en position éligible, qu’en est-il de votre liste exactement ?

Il y a parfois cette tendance à l’instrumentalisation des français issus de l’immigration qui consiste à les intégrer dans des listes sans pour autant leur donner la possibilité d’être éligible. Je suis favorable au droit de vote des étrangers dans les élections municipales et je n’ai jamais tout au long de ma carrière politique eu recours à ce genre de pratique. Aujourd’hui ces enfants de la seconde génération frappent eux-mêmes à la porte de la politique et ils le font dans une période de grand renouvellement de ce personnel politique grâce à la parité et à la limitation du cumul des mandats. Le contexte est donc favorable et il l’est plus encore quand vous mettez en place une politique visant à développer la démocratie locale qui constitue une formidable école de la citoyenneté. Ce sont ces trois facteurs plus notre volonté politique qui expliquent la présence sur nos listes de candidats issus de l’immigration en position éligible. Je prendrai par exemple le 20ème, où nous avons une candidature d’origine maghrébine. Il y en a d’autres bien entendu.

 

Ne constatez-vous pas une plus grande participation des enfants issus de la seconde génération de l’immigration qui aspirent à participer d’une manière active à la vie de leur cité ?

Cette plus grande participation des enfants issus de la seconde génération de l’immigration se vérifie d’autant plus que les habitants sont en mesure de pouvoir participer pleinement à la vie de la cité. Les conseils de quartier, les CICA, le militantisme associatif que nous allons encourager la création de maisons des associations, de boutiques citoyennes sont tout autant de possibilités de prise de parole, d’engagement qu’il nous faudra en permanence valoriser et rendre accessible à cette génération. Ce n’est pas toujours facile car la démocratie locale ne se décrète pas mais la charte de partenariat que j’ai proposée aux associations parisiennes et dont les modalités de mise en œuvre seront discutées lors des états généraux de la participation, vise à rendre cette démocratie locale effective, concrète et ouverte à tous.

 

La variable religieuse de l’intégration des populations originaires de l’immigration n’a-t-elle pas été sous-estimée ces dernières années ? En respectant le compromis laïque que la loi a instauré entre L’Etat et les religions (neutralité religieuse mais garantie de la liberté et l’exercice du culte) ; quel doit être le rôle des maires pour pouvoir favoriser la construction de mosquées et lieu de culte décent ?

Les pouvoirs publics nationaux se sont attachés depuis plusieurs années à créer les conditions d’un dialogue avec les représentants des différentes communautés religieuses dont l’islam. Il est vrai que les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux mais il y a des avancées significatives qui contrastent avec l’absence de toute politique digne de ce nom à Paris ce qui tend à créer un sentiment d’abandon pour les Parisiens de confession musulmane. Je souhaite à la fois que nous ayons un dialogue régulier au niveau parisien avec les représentants des différentes confessions et je considère qu’il est du devoir du maire de Paris de favoriser l’exercice effectif du culte.

L’accès au logement Paris via les organismes HLM est rendu particulièrement difficile pour les populations dont le nom est à consonance étrangère. Que pouvez-vous faire pour lutter contre ces discriminations ?

A travers votre question sur la discrimination, vous posez également celles de l’arbitraire et du clientélisme. En effet l’attribution des logements sociaux s’est faite dans l’opacité laissant ainsi la porte ouverte à toutes les formes de discrimination, tout en introduisant le doute sur un service public qui concerne les plus démunis. A cette première réalité, il faut également ajouter la pénurie de logements sociaux notamment ceux prévus pour les moins favorisés ce qui se traduit par des listes d’attente qui pour certains peuvent aller jusqu’à 15 ans et qui favorise l’existence d’un « marché du sommeil » avec des familles de 5/6 personnes entassées dans des logements exigus, dégradés dans lesquels les enfants sont trop souvent exposés au saturnisme. Par rapport à ces réalités choquantes dans une ville comme la notre, je propose de mettre en place à l’image de ce qui a été fait dans les arrondissements de gauche des commissions d’attribution des logements, de fournir un effort significatif en matière de construction de nouveaux logements sociaux et de mettre en place un plan pluriannuel d’éradication du saturnisme. Il va de soi que toute discrimination doit être combattue sans faiblesse.

 

Les mairies sont confrontées au cas des populations étrangères qui s’installent dans leur commune ? Quelle politique est-elle souhaitable sur ces questions ?

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Les étrangers qui s’installent dans Paris sont des parisiens à part entière et doivent être considérés comme tels. Cela veut dire qu’ils ne doivent pas souffrir de discrimination et c’est ce que devrait permettre la mise en place des commissions d’attribution des logements sociaux ou des crèches qui fonctionneront en toute indépendance et transparence. De la même manière la mise à disposition d’interprètes de façon systématique dans les mairies d’arrondissement pour faciliter l’accès aux services publics ainsi qu’un effort accru dans l’apprentissage de la langue française devrait également permettre à chacun d’être un parisien à part entière. La mise en place d’un conseil des résidents étrangers vise à instaurer un dialogue constructif avec les représentants de ces résidents étrangers et à favoriser une meilleure prise en compte de leurs besoins.

 

Banlieues et quartiers difficiles : après 20 ans de ’’politique de la ville’’, quelles solutions préconisez-vous pour inverser la dégradation et redonner l’espoir ?

Quand on parle de politique de la ville à Paris, on fait référence à des quartiers précis. Quand on intervient à cette échelle, la première manière de lutter contre la dégradation consiste à impliquer les habitants dans la recherche des réponses que ce soit par l’intermédiaire des conseils de quartier ou en favorisant le développement des associations. La deuxième réside dans une conception plus décentralisée de l’exercice des responsabilités au profit des mairies d’arrondissement qui grâce à une plus grande connaissance des réalités du terrain et à une relation plus étroite avec les habitants, seront en mesure d’apporter des réponses car la lutte contre la dégradation d’un quartier ne se limite pas au lancement de grands programmes mais réside également dans la capacité à répondre rapidement à des problèmes ou à des demandes concrètes. Une politique de la ville qui repose sur une implication plus grande des habitants et une responsabilité plus importante des mairies d’arrondissement ne peut que gagner en pertinence et efficacité surtout lorsque tous ceux qui pèsent sur le devenir d’un quartier, des écoles, les sociétés HLM, les services de la voirie, la police, les Parcs et Jardins… sont en mesure de travailler ensemble à cette échelle ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

 

Les sondages vous sont particulièrement favorables à la gauche plurielle dans la grande majorité des arrondissements à Paris, pour vous ne s’agit-il plus maintenant que de remporter le grand chelem des arrondissements ?

Il est important de respecter les électeurs qui eux-seuls dans l’urne lors du premier tour et du second tour décideront. Nous leur proposons un projet, une alternance démocratique.

 

Vous êtes proche d’une certaine manière de la culture musulmane en raison de vos racines tunisiennes, quel regard portez-vous sur la communauté musulmane de France ?

A travers cette expérience que je peux avoir de la culture musulmane, j’ai la conviction qu’elle constitue une chance et un atout pour la France et pour Paris. Notre capacité à prendre en compte sa réalité et à lui donner toute la place qui lui revient, participera à la réussite du projet de ville que nous proposons de coproduire avec les Parisiennes et les Parisiens.

Propos recueillis par Saïd BRANINE

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