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Zemmour, dis-moi, qui était Zola ?

Un écrivain français. Je sais, mais encore ? Un critique d’art. J’opine, il décrypta d’ailleurs finement le Déjeuner de Manet. Seulement, ce n’est pas ce que j’entendais. Emile Zola était, au temps du romantisme, perçu, bien avant d’être porté au pinacle, comme un étranger. Il était fils d’immigré. Victime de discrimination, il engagea sa plume dans une lutte contre le racisme et la xénophobie. Alors, cher Eric, avant d’enjoindre à tes compatriotes de se fondre dans la masse française, d’être des citoyens effervescents, commence par être fidèle à l’engagement de ceux dont tu te réclames, qui ont contribué à bâtir ton intelligence, en accusant, les partisans de l’identité nationale, les fossoyeurs du vivre ensemble ! Aller, Zemmour, accuse ! C’est ça être français aujourd’hui !

L’auteur du célèbre cycle romanesque « les Rougon-Macquart » est né à Paris, et n’acquiert officiellement la nationalité française qu’à l’âge de 22ans. Ce parisien figurait, aux côtés d’Hugo et Stendhal, parmi les plus grands écrivains français du XIXème siècle. Ce peintre des âmes de l’obscurité avait ce don de décrire, dans de longs paragraphes, avec une parfaite précision chaque objet, paysage et personnage que contenaient ses romans. Une plume magique qui avait le pouvoir d’insuffler une âme à ses récits, de rendre ses personnages vivants, de faire de chacune de ses fictions le miroir de nos propres réalités. De peindre les contours de nos faiblesses et les couleurs sombres de l’âme qui habite en chacun d’entre nous.

De ta condition humaine, Zemmour ! Une bête dominée par ses instincts de conservation. « Hypocrite lecteur ! » (1) déclarait dans le même sens Baudelaire. Sache donc que l’un de ceux qui ont façonné ton identité, et avant même que tu ne le conçoives comme un grand écrivain français, était perçu à l’heure de j’accuse !(2) comme un fils d’immigré d’origine italienne !

Plus encore, il était victime de propos xénophobes. Tenu devant la justice pour diffamation, Emile n’hésite pas à déclarer à son jury : « Et qu’ils sont donc bêtes ceux qui m’appellent l’Italien, moi, né d’une mère française (…). Et, même si je n’étais pas français, est-ce que les quarante volumes de langue française que j’ai jetés par millions d’exemplaires dans le monde entier ne suffiraient pas à faire de moi un français, utile à la gloire de la France ! » (3) J’accuse !, au-delà de l’affaire Dreyfus, visait à dénoncer les suspicions jetés sur les origines de beaucoup de français à son époque. N’est-ce pas Zemmour ?! Que tu veuilles nous donner des leçons sur la littérature française, avec tant d’atone, j’entends bien, mais permets-moi, en revanche, de te rappeler la dignité – dont tu n’as apparemment pas su t’imprégner – de ces auteurs qui ont fait l’honneur de la France !

Devons-nous donc nous assimiler aveuglément pour être citoyen à part entière ? Oui bien sûr, et par la même, faut changer ton prénom ! Oh Eric c’est bon ! Du calme ! Cesse de nous débagouler tes balivernes et billevesées qui n’ont d’égal que la rusticité de ton esprit ! Ce n’est pas la résonnance du nom qui fait la qualité du citoyen ! Mais plutôt l’engagement du citoyen qui fait la qualité du nom ! A l’instar de Zola. Il a dit sa citoyenneté à la lumière de son engagement et de sa production littéraire. Ce fut le cas notamment d’Apollinaire. Lorsqu’en 1914, ce poète, jouissant déjà d’une véritable réputation dans le monde des lettres, fait sa demande de naturalisation, il ne manque pas de manifester une incroyable volonté d’aller sur le champ de bataille servir la France… pour se sentir français !

Un Mouloud engagé vaut mieux qu’un Pierrot inactif ! C’est donc, à mon sens, à l’aune de notre engagement pour le pays que se mesure notre citoyenneté, non selon l’ancienneté sur le territoire ou la connotation du prénom. Autant la chute de Rome, contrairement à ce que tu laisses entendre dans ta mélancolie française, n’est absolument pas la conséquence de l’immigration ou la non-assimilation des noirs et arabes, autant la grandeur de la France ne te doit rien. Ta médiocrité intellectuelle et ton esprit exigu ont au contraire contribué à la rendre plus petite, pis encore, à flétrir son image. De la faute de cuistre comme toi, « la France est atteinte, note Alain Duhamel, par une angoisse collective qui noircit toutes les perspectives. »

En effet, il ajoute plus loin dans l’introduction – qu’il intitule bien avant Zemmour, la mélancolie française – de son livre les peurs françaises : « cette anxiété devant l’avenir, cette crainte du changement, on la retrouve, plus brutales, plus sommaires, mais aussi plus concrètes, plus quotidiennement entretenues par les dérèglements de la société, avec la peur de l’immigration. » Sors donc un peu de chez toi, Eric, cesse de te calfeutrer frileusement dans tes idées abêtissantes, parfois fallacieuses, et prends le temps de tremper ton esprit dans une eau de Jouvence, rajeunir ton intelligence ridée et monotone.

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Tiens, donne-moi la main, je t’emmène au sommet d’une colline spirituelle afin de t’offrir une vue panoramique sur l’Hexagone : Vois-tu ? Une France en couleur à l’image de son drapeau. Tous ces « arabes et noirs », fils d’immigrés uniquement dans ton regard, seront français dans la mémoire de tes descendants. C’est la France de demain ! Multiculturelle. Que tu le veuilles ou pas ! La nostalgie française de demain ouvrira les fenêtres de Rome à tous ceux qui se sont retrouvés le nez face à la porte de ta mélancolie…

Notes :

(1)Charles Baudelaire, les fleurs du mal – Au lecteur.

(2)J’accuse est l’intitulé d’une lettre ouverte au Président de la République écrite par Zola lors de l’affaire Dreyfus publié dans l’Aurore.

(3) Doan Bui et Isabelle Monnin, ils sont devenus français, points.

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