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Yémen: Arabie saoudite versus Al-Qaida (1/2)

L’expédition punitive saoudienne au Yémen : un test de la crédibilité du roi Salmane et de la viabilité de la dynastie wahhabite.

 L’expédition punitive saoudienne contre le Yémen, première épreuve de feu ouverte depuis la création du royaume saoudien il y a 86 ans, paraît devoir constituer un test de la crédibilité du nouveau roi Salmane, de la valeur dissuasive du royaume, en même temps qu’un test pour la viabilité de la dynastie wahhabite.

Salmane, un des plus gros collecteurs de fonds pour les djihadistes

Deux mois après son entrée en fonction, la nouvelle guerre du Yémen paraît répondre, sur le plan interne, à un double objectif :

Faire taire les critiques sur l’aptitude du nouveau roi, nullement juvénile, à gouverner alors que des informations persistantes font état d’une lourde pathologie handicapante dont l’octogénaire Salmane pâtirait. Le gazouilleur le plus en vue du Royaume, Moujtahed, réputé pour ses informations corrosives de pertinence, a ouvertement mentionné l’Alzheimer, sans susciter ni riposte, ni sanctions.

Provoquer l’union sacrée autour de la personne du roi et de neutraliser les pulsions vindicatives du prince Mout’ab, le fils aîné du défunt roi Abdallah, brutalement évincé de la course à la succession alors qu’il avait été mis sur orbite par son père en tant de 2me vice premier ministre.

Contrairement aux assertions de la presse occidentale, qui soutenait inconsidérément que Salmane bénéficie d’une « réputation de probité » et d’un « grand respect » (1) au sein de la famille royale, le nouveau roi est en fait âprement contesté, notamment par la branche Al Shammar, en raison de son obstruction, en tandem avec le prince Saoud Al Faysal, ministre des Affaires étrangères, à la politique de libéralisation du royaume menée par son prédécesseur Abdallah.

Propriétaire d’un important groupe de presse « Research and Marketing ltd », l’homme a orchestré pendant plus de trente ans, à travers la totalité des 15 périodiques de son empire médiatique les campagnes de collecte de fonds au profit des « arabes afghans », les ancêtres des djihadistes salafistes, tant en Afghanistan, qu’en Bosnie-Herzégovine, qu’en Tchétchénie, qu’au début du printemps arabe contre la Syrie.

Fondé en 1978 par Kamal Adham, ancien chef des services de renseignements saoudiens du temps du roi Faysal dont il était le beau frère, -l’homme du voyage de l’égyptien Anouar El Sadate en Israël- As Chark Al Awsat, le fleuron de ce groupe de presse, sera la pierre angulaire du dispositif médiatique saoudien à une période charnière du Moyen-Orient à la veille de la chute de la dynastie Pahlévi en Iran et de l’instauration de la République islamique iranienne (février 1979), de la conclusion du traité de paix israélo-égyptien (Mars 1979) et de la guerre des pétromonarchies contre l’Iran, via l’irakien Saddam Hussein (septembre 1979).

À journées faites, sur de pleines pages, As Chark Al Awsat mentionnait, dans la pure tradition de l’économie ostentatoire, les contributions des donateurs dans un style qui incitait à l’émulation. Des annonces reprises, au diapason, par les autres publications du groupe : Arab News, Al Majalla, Urdu News, Arrajol, et Al Iqtissadiyah.

Salmane diluera sa participation dans ce holding, à la mi 2014, dans une démarche symbolique destinée à prendre ses distances avec les collecteurs de fonds des djihadistes au moment où ses anciens compagnons de route faisaient mauvaise presse dans les pays occidentaux par leurs abus, alors que la santé du roi chancelante lui laissait entrevoir les portes du pouvoir.

Gouverneur de Ryad pendant 50 ans, il a fait office de ministre occulte de l’Information du Royaume, protecteur de tous les prédicateurs salafistes venus cherchés refuge au royaume, en même temps qu’un mécène de la presse arabe. Les fastes et frasques de ses fréquents séjours parisiens à sa résidence de l’Avenue Foch, de même que les prodigalités dont les journalistes libanais ont largement bénéficié en témoignent tout comme les conditions scabreuses de l’acquisition de la radio parisienne « Radio Orient », par le publiciste libanais Raghid Chama’a, avant de tomber dans l’escarcelle du milliardaire libano- saoudien, Rafic Hariri. Chargé de régler les querelles domestiques au sein de la famille royale, Salmane a siégé au Conseil de famille qui a ordonné la décapitation des « Roméo et Juliette d’Arabie », en 1987. (2)

Le verdict de Moujtahed

Moujtahed qui a tenu en haleine le royaume par ses révélations sur les frasques et manigances de la famille royale saoudienne dans la phase crépusculaire du règne du roi Abdallah, ne s’est pas résolu au silence à l’avènement de son successeur le roi Salmane. Bien mieux, faisant preuve d’audace, il a accordé une interview à un périodique du Golfe « Affaires du Golfe »; un dialogue mené par Riham Rifa’at.

Ci joint son verbatim :

« Mout’ab : fils de l’ancien Roi Abdallah, a été rétrogradé lors du remaniement ministériel qui a marqué la promotion du nouveau Roi. 2me vice président du Conseil, c’est à dire 3eme dans l’ordre de succession, il a été rétrogradé au rang de simple ministre en charge de la garde nationale. Il vit « DANS UN GRAND ETAT DE VENGEANCE ET PLANIFIE POUR CELA ». Personne ne sait exactement ce qu’il trame. Il boycotte le Conseil de Sécurité et de Politique » du Royaume, présidé par le ministre de l’Intérieur. Des assassinats ou des attentats ne sont pas à exclure. Tout est possible avec Mouta’b. En commençant par une guerre médiatique qu’il peut déclencher dans les médias relevant de son camp contre Mohamad Ben Nayef, celui a lui a succédé en tant qu’héritier du prince héritier… jusqu’aux assassinats ou attentats voire des affrontements armés avec l’autre camp » assure Moujtahed.

Toutefois, les revers enregistrés par l’Arabie saoudite dans son expédition punitive contre le Yémen (mars-avril 2015) a contraint Salmane à mobiliser la Garde Nationale pour la protection des frontières du royaume, replaçant Mout’ab au centre du jeu politique saoudien.

Fondée par le défunt roi Abdallah, la Garde nationale est constituée de près de 100.000 combattants exclusivement recrutés au sein des rugueux guerriers tribaux. Tenue en suspicion par le clan Sideiry au pouvoir à Riyad en ce qu’il s’agit d’une création d’Abdallah, chef du Clan Al Shammar, elle était traitée comme un détachement supplétif d
e l’armée gouvernementale. L’intervention de la Garde nationale dans la guerre du Yémen signe l’échec de l’armée traditionnelle relevant de l’autorité du ministère de la Défense placée sous l’autorité du clan Sideiriy depuis près de 60 ans.

Sur le plan bilatéral : Arabie versus-Al Qaida, un conflit de légitimité sur fond de contentieux territorial

La guerre saoudienne contre le Yémen est en outre destinée à purger le conflit de légitimité qui oppose la dynastie wahhabite au fondateur d’Al Qaida, Oussama Ben Laden, yéménite de naissance, ancien sujet du royaume, en même temps que de couper définitivement court aux velléités yéménites de revendiquer la restitution des trois provinces yéménites annexées par l’Arabie saoudite dans la décennie 1930.

Périmètre hautement stratégique, cette zone à forte charge symbolique est le lieu d’immersion présumée d’Oussama Ben Laden, abritant de surcroît en Arabie saoudite la plus importante base de drone dans le secteur, en charge de la traque des djihadistes d’Al Qaida dans la péninsule arabique.

Matrice de la culture arabe, son foyer de civilisation, ce pays, placé selon son étymologie à droite sur le chemin du pèlerinage de la Mecque, n’a jamais été colonisé. Situé à la pointe sud-ouest de la péninsule arabique, frontalier de l’Arabie saoudite au Nord, et du Sultanat d’Oman à l’Est, le Yémen possède une façade maritime d’une longueur de 1.906 km de côtes et couvre une surface de 527.970 km², soit presque autant que la France.

Via ses trois îles, -Kamran, Perrin, et Socotra- il commande l’accès à la mer Rouge par le détroit de Bab El-Mandeb, et l’île de Socotra (la plus grande des îles) dans l’océan Indien. Signe de l’importance stratégique de la zone, le Royaume Uni, du temps du protectorat britannique sur l’Arabie du sud, avait fait du port d’Aden, la grande ville du sud Yémen, la place forte de la présence britannique à l’Est de Suez pour la sécurisation de la route des Indes.

La militarisation des voies maritimes figure d’ailleurs parmi les objectifs de Washington dans cette zone de non droit absolu qui relie la Méditerranée à l’Asie du Sud-est et à l’Extrême-Orient par le canal de Suez, la mer Rouge et le golfe d’Aden. À lui seul, le golfe d’Aden représente 660 000 kilomètres carrés, mais la zone de rayonnement des pirates de Somalie s’étend désormais jusqu’aux Seychelles, soit deux millions de km2. Les côtes somaliennes courent sur 3700 kilomètres, relevant de trois États, mais le plus souvent hors de toute juridiction. Vingt mille navires empruntent cette autoroute maritime chaque année, transportant le tiers du ravitaillement énergétique de l’Europe.

L’Éthiopie, pays africain non musulman, a été désigné par les États-Unis pour faire office de « gendarme régional » dans la Corne de l’Afrique, à l’instar d’Israël pour le Proche orient. Toutefois l’échec de l’Éthiopie à mater la rébellion du régime des tribunaux islamiques a conduit l’alliance occidentale à mettre en place un dispositif de lutte contre la piraterie maritime s’articulant sur trois volets États-Unis, Union européenne et OTAN.

En 2009, 168 actes de piraterie ont été recensés, dont douze navires et deux cents cinquante otages détenus sur la côte somalienne au 1er décembre dernier. Le dispositif international est déployé depuis Djibouti (golfe d’Aden) et les Seychelles (sud océan Indien), qui constituent les principales bases de soutien des opérations maritimes et aériennes d’anti-piraterie. Une vingtaine de bâtiments de guerre croisent en permanence dans le golfe d’Aden et patrouillent le long des côtes somaliennes.

Le contentieux territorial

Outre le conflit de légitimité qui oppose les disciples de Ben Laden à la dynastie wahhabite, l’intervention saoudienne au Yémen, la 3ème de son histoire, vise à couper définitivement court aux velléités yéménites de revendiquer la restitution des trois provinces yéménites annexées par l’Arabie saoudite dans la décennie 1930.

Ces trois provinces -Assir Jizane et Najrane avaient été annexées dans la pure tradition israélienne, par l’Arabie saoudite en 1932, annexion ratifiée par l’accord de Taëf de 1934. Le Yémen s’oppose à la reconduction pour vingt ans de cet accord arrivé à expiration en 1992. L’expulsion de près d’un million de travailleurs yéménites d’Arabie saoudite en 1990 pour l’alignement de Sana‘a sur l’irakien Saddam Hussein dans son contentieux territorial avec le Koweït, a conduit le gouvernement yéménite, dans l’espoir d’obtenir une aide économique saoudienne, à mettre une sourdine à ses revendications territoriales, au grand dam d’une fraction de l’opinion yéménite.

Israël et l’Arabie saoudite sont deux des plus grands colonisateurs de la planète. Pour Israël, une colonisation de l’ordre de 20 fois la superficie de la Palestine, alors que l’Arabie saoudite, sous la bannière de la firme Ben Laden, la firme familiale du fondateur d’Al Qaida, se tournait vers l’Afrique et l’Asie pour s’assurer des terres arables pour parvenir à son auto-suffisance alimentaire. Israël, un des plus gros pollueurs de la planète, est à la tête des pays qui contrôlent les terres dans les pays pauvres, avec les États -Unis, la Grande Bretagne et la Chine. Selon cette étude de « The Journal of the National Academy of Sciences of the United States », 90 pour cent de ces terres se trouvent dans 24 pays situées pour la plupart en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

L’Arabie saoudite, elle, a mis sur pied une société publique pour financer les entreprises privées du royaume qui achètent des terres à l’étranger. Elle s’est tournée vers l’Afrique, en raison de sa proximité avec le Royaume.

La firme saoudienne « Haïl Hadco » loue ainsi des milliers d’hectares au Soudan avec pour objectif d’en cultiver 40.000, alors que le groupe Ben Laden, spécialisé dans les travaux publics, s’est engagé en Asie à la tête d’un consortium, espérant, à terme, gérer 500 000 hectares de rizières en Indonésie, dans le cadre d’un projet agricole de 1,6 million d’hectares comprenant la production d’agro-carburant.

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Le Yémen, un pays de perdition dans la terminologie saoudienne

Le Yémen, dans la terminologie saoudienne, est désigné par le terme de « Qaidat Al Hallak », la base de perdition, un jeu de mot par réf&eacu
te;rence à Al Qaida qui a fait du Yémen une de ses plate formes opérationnelles : un « lieu de débauche » en raison du nombre de femmes saoudiennes qui ont fui leur pays pour se rendre au Yémen . « La vie et la mort sont deux voies inconciliables, sauf pour les saoudiennes qui ont opté pour la fuite vers le Yémen. Certaines d’être elles ont fait le choix de la mort au prétexte du djihad dans la base de dépérissement, Qaidat al Hallak, qui a fait du Yémen sa base de combat. Sous prétexte d’un faux sentiment d’amour, elles ont franchi la frontière en compagnie de leurs amants en vue de contracter mariage au-delà des frontières» (3).

Wafa Al Shihri, pionnière en la matière, est la première et la plus célèbre des femmes à avoir emprunté ce chemin. Dénommée Haygar Al Azédi, elle a mis à profit la fameuse tempête de sable qui plongé, en 2009, Riyad, en plein jour, dans l’obscurité la plus totale, pour s’échapper en compagnie de la grande dame d’Al Qaida, Mayla Al Qassir, afin de rejoindre son époux, Said al Shihri, adjoint au chef d’Al Qaida au Yémen, tué aux combats en 2013. Elle sera suivie par Wafa Yehya en compagnie de ses enfants, puis par Arwa Baghdadi, en compagnie, elle, de ses enfants, son frère et de sa belle sœur. Un chemin qu’emprunteront par la suite May Al Tolq et Amina Al Rached, en compagnie de six enfants, appâtés pour leur transfert vers le Yémen par la perspective du mariage.

Suprême insulte, les opérations d’exfiltration des saoudiennes vers le Yémen se sont faites par l’intermédiaire des non saoudiens, des nationaux arabes. Ainsi en mars 2013, une étudiante saoudienne originaire de la région de Khamis Machit, a été interceptée alors qu’elle s’apprêtait à se rendre au Yémen, à la suite à l’arrestation de cinq passeurs de diverses nationalités arabes, dont le chauffeur de bus qui la transportait vers l’université. Le même mois, une saoudienne a tenté de franchir la frontière avec le Yémen en compagnie d’un homme marié qui lui avait promis le mariage, une fois la frontière franchie, en dépit de ses liens conjugaux. En avril 2014, enfin, un yéménite d’âge mûr a tenté de mettre le grappin sur une jeune saoudienne de vingt ans, en vue de la transférer vers le Yémen et l’affecter aux combattants d’Al Qaida.

L’étouffoir saoudien génère des fugueuses de tous acabits, tous azimuts en ce que les voies du Djihad Al Nikah peuvent emprunter divers chemins aussi bien vers le nord, la Syrie, que vers le sud, le Yémen, que vers l’Ouest où la sœur du prince Walid Ben Talal, Sara Bint Talal, une princesse de sang royal a quêté.

Le redéploiement d’Al Qaida au Yémen, un camouflet à ses anciens parrains


Al Qaida a procédé à une décentralisation de son mouvement dans une démarche symétrique à la nouvelle doctrine américaine de la furtivité, conférant une large autonomie aux commandements régionaux, en application de la nouvelle stratégie du « combat disséminé » mise en œuvre avec succès par le Hezbollah libanais contre Israël, en 2006.
Depuis la reprise des hostilités à grande échelle au Yémen, « Al Qaida » a ainsi procédé à la réunification des deux branches opérant dans la zone, l’Arabie saoudite et le Yémen, pour lancer, en 2008, « Al Qaida pour la Péninsule arabique », s’attaquant aux objectifs stratégiques, l’ambassade de États-Unis, en 2008, et un centre de sécurité d’Aden où étaient détenus des membres de son organisation, en juin 2010 en vue de peser sur la pulsion séparatiste des sudistes yéménites et contribuer à délégitimer le pouvoir central.

Al Qaida dispose en outre d’une filiale strictement somalienne « les fameux chebab » (les jeunes), qui se sont signalés à l’opinion internationale par un raid meurtrier sur l’Ouganda, le 11 juillet 2010, faisant une soixantaine de morts, et de deux raids particulièrement meurtriers contre le Kenya, en 2013 et 2015. Et d’une légendaire branche maghrébine, faisant la jonction opérationnelle entre le Monde arabe et le Monde africain, « Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ».

Résultante d’un processus de scissiparité, AQMI est la transformation, en janvier 2007, par intégration dans le réseau de Ben Laden du Groupe salafiste algérien pour la prédication et le combat (GSPC), fondé lui-même en 1998 par dissidence du Groupe islamique armé (GIA). Officiant généralement dans les déserts algérien, malien, nigérien et mauritanien, Al Qaida a mis à profit la porosité des frontières pour étendre son théâtre d’opérations dans la zone désertique du Sahel.

L’implication d’Al Qaida dans le conflit inter-yéménite, son environnement somalien et leur prolongement sahélien a retenti comme un camouflet à ses anciens partenaires, l’Arabie saoudite et les États-Unis, en même temps qu’elle a souligné la dérision de la stratégie américaine dans son objectif majeur, « la guerre mondiale contre le terrorisme », la mère de toutes les batailles.

Al Qaida au Yémen est en fait un retour aux fondamentaux du conflit de légitimité qui oppose le chef du mouvement à la famille Al Saoud. Oussama Ben Laden se considère détenteur d’une légitimité glanée sur les champs de bataille d’Afghanistan, qui a eu pour effet de valoriser la position saoudienne auprès de ses alliés américains, un rôle que lui dénie la famille Al-Saoud.

Bénéficiant d’une audience certaine tant au sein de l’Islam asiatique (Afghanistan Pakistan) que de l’Islam africain (Sahel subsaharien), Oussama Ben Laden a longtemps souffert d’un handicap majeur au sein du noyau historique de l’Islam -le monde arabe- du fait de son passé d’agents de liaison des Américains dans la guerre anti soviétique d’Afghanistan (1980-1990), détournant près de cinquante mille combattants arabes et musulmans du champ de bataille principal, la Palestine, alors que Yasser Arafat, chef de l’OLP, était assiégé à Beyrouth par les Israéliens avec le soutien américain (juin 1982). S’il peut se targuer d’avoir contribué à précipiter l’implosion d’un « régime athée », l’Union soviétique, ses censeurs lui ont reproché d’avoir privé de leur principal soutien militaire, les pays arabes du « Champ de bataille », l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), l’Égypte, la Syrie, l’Irak, ainsi que l’Algérie, le Sud Yémen, le Soudan, la Libye et la Somalie.

Son autorité de
ce fait s’est heurté sur la scène arabe au charisme d’authentiques dirigeants à la légitimité avérée aux yeux de larges factions du monde arabo musulman, Cheikh Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, le mouvement chiite libanais, auteur de deux exploits militaires contre Israël (2000, 2006), et le Hamas, le mouvement sunnite palestinien, dont l’incomparable avantage sur Oussama Ben Laden a résidé dans le fait qu’ils n’ont jamais déserté, eux, le combat contre Israël, l’ennemi principal du monde arabe. Le mouvement sunnite palestinien a toutefois pâti de son alignement sectaire sur les pétromonarchies sunnites lors de la séquence du « printemps arabe » désertant ses anciens compagnons d’armes, tout comme la branche militaire d’Al Qaida, du fait de sa connivence avec Israël dans le Golan, depuis 2014.

La destruction par ses alliés talibans des Bouddhas de Bâmiyân (4), dans le centre de l’Afghanistan, en 2001, en aliénant à l’Islam près d’un milliard de bouddhistes, a accentué cette suspicion à son égard. Cet acte prend d’autant plus de relief rétrospectivement que les musulmans font, à leur tour, l’objet d’une stigmatisation avec le projet d’un petit groupe intégriste chrétien de Floride de brûler 200 exemplaires du Coran, le livre sacré des musulmans, samedi 11 septembre, date du 9eme anniversaire des attentats aux États-Unis.

Oussama Ben Laden est apparu rétrospectivement comme le dindon de la farce de l’affaire afghane, dans sa version anti- soviétique, dans la mesure où elle a abouti a enfoncé l’allié des pays arabes du champ de bataille, l’Union soviétique, et a renforcé le partenaire stratégique d’Israël, les États-Unis.

Cinquante mille arabes et musulmans, enrôlés sous la bannière de l’Islam, sous la houlette d’Oussama Ben Laden, officier de liaison des Saoudiens et des Américains, combattront en Afghanistan l’athéisme soviétique dans une guerre financée partiellement par les pétromonarchies du Golfe à hauteur vingt milliards de dollars, une somme équivalent au budget annuel du quart des pays membres de l’organisation pan arabe (5).

En comparaison, le Hezbollah libanais avec un nombre de combattants infiniment moindre, estimé à deux mille combattants, et un budget dérisoire par rapport à celui engagé pour financer les arabes afghans, aura provoqué des bouleversements psychologiques et militaires plus substantiels que la légion islamique dans le rapport des forces régional.

Le raid du 11 septembre 2001 est ainsi apparu rétrospectivement comme une mesure de représailles à cette duplicité en même temps qu’une tentative d’entraîner les États-Unis, par la riposte qu’elle ne manquerait pas de susciter, dans une guerre d’usure dans le bourbier afghan. Telle est du moins l’une des interprétations ayant eu cours dans les milieux politiques arabes sur les motivations profondes d’Oussama Ben Laden sur le choix des objectifs de l’attentat du 11 septembre 2001.

L’implantation d’Al Qaida pour la péninsule arabique au Yémen pourrait avoir un effet déstabilisateur sur le royaume, qui « ne sera pas à l’abri d’un effondrement, en cas de chute du régime yéménite », a averti le 17 juillet 2010, le ministre yéménite de l’enseignement supérieur, Saleh Basserrate, déplorant l’absence de coopération de l’Arabie dans le règlement des difficultés économiques du pays (6).

L’alerte a été jugée suffisamment sérieuse pour conduire le Roi Abdallah à engager ses forces dans les combats du Yémen, à l’automne 2009, aux côtés des forces gouvernementales. L’implication d’un membre de l’entourage familial du Prince Bandar Ben Sultan, fils du ministre de la défense et ancien président du Conseil national de sécurité, dans la réactivation des sympathisants d’Al Qaida tant en Syrie qu’au Nord Liban, dans la région du camp palestinien de Nahr el Bared, a donné la mesure de l’infiltration de l’organisation pan islamiste au sein des cercles dirigeants saoudiens, en même temps qu’elle fragilisait le Royaume vis-à-vis de ses interlocuteurs tant Arabes qu’Américains.

Cheikh Maher Hammoud, Mufti sunnite de la Mosquée « Al Qods » de Saida, (sud Liban), a ouvertement accusé le Prince Bandar depuis la chaîne trans-frontière Al Jazira, samedi 26 juin 2010, d’avoir financé des troubles au Liban particulièrement contre les zones chrétiennes de Beyrouth dans une opération de diversion, sans que cette déclaration ne soit démentie ou le dignitaire poursuivi en justice, conduisant l’Amérique à déclarer « non grata » Bandar, l’ancien enfant chéri de les États-Unis, le « Great Gatsby » de l’establishment américain.

Fait significatif, l’un des responsables d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique n’est autre que l’imam radical Anwar Al-Aulaqi, un homme que les Américains désignent comme responsable de la stratégie de communications d’Al Qaida à destination du monde anglophone, via le site en ligne « Inspire ». Yéménite né aux États-Unis, il a revendiqué comme disciple l’auteur de l’attentat avorté du vol Amsterdam Detroit le 25 décembre 2009, illustration symptomatique de la confusion régnant dans les rapports entre les États-Unis et le monde musulman et l’instrumentalisation américaine de l’Islam dans son combat contre l’Union soviétique. Il figure désormais comme objectif prioritaire de la doctrine Obama.

L’ancrage d’une organisation essentiellement sunnite, excroissance du rigorisme wahhabite, sur le flanc sud de l’Arabie saoudite, porte la marque d’un défi personnel de Ben Laden à ses anciens maîtres en ce qu’elle transporte sur le lieu même de leur ancienne alliance la querelle de légitimité qui oppose la monarchie à son ancien serviteur.

Sur fond d‘épreuves de force américano-iranien à l’arrière plan du contentieux nucléaire iranien, les disciples d’Oussama Ben Laden, yéménite d’origine, saoudien de nationalité déchue, ont choisi de livrer bataille sur la terre des ancêtres du fondateur de leur mouvement.

De porter, dans l’ordre symbolique, leur bataille décisive contre la monarchie saoudienne, qu’il considère comme un renégat de l’islam, l’usurpateur saoudien des provinces yéménites, dans un combat retourné dont le terme ultime devrait être le rétablissement de la légitimité du label d’une organisation en perte de vitesse au sein du Monde arabe, au profit du nouveau acteur régional Da’ech, excroissance pathologique de l’éradication des assises du pouvoir sunnite en Irak du fait de l’invasion américaine de l’ancien capitale de
l’empire abbasside, en 2003.

RÉFÉRENCES

1- Sur ce lien Salmane et sa réputation de probité 

2- Cf à ce propos « Radio Orient, un pavillon de complaisance dans une zone de non droit », in Hariri de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres par René Naba Harmattan 2011.

3- Sur la fuite des femmes saoudiennes vers le Yémen 

4- Les Bouddhas de Bâmiyân étaient deux statues monumentales de bouddhas debout, excavées dans la paroi d’une falaise située dans la vallée de Bâmiyan du centre de l’Afghanistan, à 230 kilomètres au nord-ouest de Kaboul et à une altitude de 2.500 mètres. Le site tout entier est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le « grand Bouddha » (53 mètres) daterait du Ve siècle, le « petit Bouddha » de la seconde moitié du troisième siècle. Les statues ont aujourd’hui disparu après avoir été détruites en mars 2001 par les talibans.

5- Mikaël Awad, politologue égyptien, intervention sur la chaîne trans-frontière arabe «Al Jazira» 2 février 2010 émission « al Itti1jah al Mouakess », le sens contraire».

6- Cf. « L’appel au secours du Yémen à l’Arabie saoudite », éditorial de Abdel Bari Atwane, directeur du journal pan arabe « Al Qods al Arabi » paraissant à Londres, en date du 17 juillet 2010

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