in ,

Yasser Arafat, une vie de combat pour la liberté.

« Ya Djebel ma y hezek errih » !
« Ô montagne, ce n’est pas le vent qui te fera vaciller ! »
(Citation célèbre de Yasser Arafat)

Au cri de « Yasser Arafat, tu ne mourras jamais ! », des milliers de Palestiniens ont déferlé dans les rues de Gaza le jeudi 11 novembre dernier, pour crier leur peine après la disparition du Vieux -tel qu’il était surnommé affectueusement. : ils ont pleuré leur Président, scandé des slogans révolutionnaires , brandi des portraits du raïs décédé et agité le célèbre keffieh à damier noir et blanc que Yasser Arafat a érigé en emblème absolu de la résistance palestinienne.

La vie de Yasser Arafat se confond avec l’histoire du mouvement national palestinien. Il a 30 ans lorsqu’il crée en 1959, le Fatah. Il s’agit de l’acronyme inversé – signifiant « victoire » – de Haraket el-Tahrir el Falestini (Mouvement de Libération de la Palestine).

Dès lors, Arafat, -Abu Ammar de son nom de guerre- entre dans la légende. Il sera élu en 1969 Président du Comité exécutif de l’OLP (CEOLP), instance dirigeante de l’Organisation de libération de la Palestine.

Durant des décennies, Yasser Arafat livrera une guerre sans relâche, un combat acharné pour la liberté. L’écart des forces est abyssal, et Arafat comprend quelques années plus tard que l’heure est venue de déposer les armes.

C’est en 1973 qu’il décide d’infléchir la stratégie armée du Fatah.

Un an plus tard, Arafat obtient au sommet arabe de Rabat la reconnaissance de l’OLP comme le « seul et légitime représentant du peuple palestinien ». Le 13 novembre de la même année, il prononcera son fameux discours aux Nations unies : « Je suis venu porteur d’un rameau d’olivier et d’un fusil de révolutionnaire, ne laissez pas tomber le rameau de ma main ».

Arafat l’homme de paix était né. Mais sa main tendue ne recevra aucun écho de la part des Israéliens. Pourchassés, Yasser Arafat et ses hommes trouveront refuge tour à tour à Beyrouth puis à Tunis, avant de proclamer symboliquement à Alger le 15 novembre 1988 un Etat palestinien indépendant.

C’est en mai 1989 que Yasser Arafat confirme son cheminement vers la paix en déclarant « caduque » la charte de l’OLP qui affirmait que « la lutte armée est la seule voie pour la libération de la Palestine ».

Mais il faudra attendre 1993 et une poignée de main historique à la Maison Blanche entre le raïs palestinien et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin pour que soit signée la Déclaration de principes sur l’autonomie palestinienne, négociée secrètement à Oslo.

Arrêtons nous sur cet évènement, il est sans précédent dans l’histoire moderne : Yasser Arafat sera ainsi parvenu à faire accepter à son peuple un compromis historique, un renoncement extrême, le sacrifice de près de 80% de la Palestine historique ! La paix contre un ultime renoncement, celui de la terre, seul un grand peuple pouvait y consentir. Les Palestiniens l’ont fait.

Seul Yasser Arafat sera parvenu à persuader les siens de la nécessité de telles concessions : Car le raïs était investi de qualités particulières, ce talent si singulier que l’Américain Robert Malley décrit comme un pouvoir inné pour pressentir « mieux que tout autre le consensus et l’équilibre palestinien » .

Porté en triomphe à Gaza dès son retour le 1er juillet 1994, après 26 ans d’exil, son peuple l’acclame alors qu’il vient annoncer qu’il renonce aux trois quarts de la Palestine mandataire !

On mesure alors l’extraordinaire courage d’un peuple profondément épris de paix. Mais aussi l’entière confiance dans laquelle ils tiennent le Vieux. Arafat n’est pas un Président pour les Palestiniens, c’est un guide et un père.

Ce parcours remarquable lui vaudra d’être récompensé quelques mois plus tard par le Prix Nobel de la Paix.

Mais l’euphorie est de courte durée : le processus de paix censé préparer la voie de la réconciliation en vue de la création à terme d’un Etat palestinien se révèle un piège redoutable : pour les Palestiniens, le bilan est terrible Mieux que tout discours, un chiffre en atteste : sept ans après Oslo ; alors qu’Israël n’a concédé aucun retrait significatif, la colonisation a plus que doublé ! Dans le même temps, la paupérisation gagne du terrain et c’est sur le terreau du désespoir et de la misère que prospèrent les mouvements radicaux ; ceux là trouvent dans cette jeunesse palestinienne en proie au désespoir et à une terrible désillusion des candidats aux attentats suicide. .Ainsi que l’écrivait l’écrivain américain Charley Reese, les Israéliens « ont créé leur propre ennemi implacable » en réprimant et en humiliant tout un peuple.

Israël aura trouvé dans l’activisme de mouvements radicaux palestiniens le prétexte pour engager de vastes expéditions punitives qui s’abattent collectivement sur tout un peuple : de représailles en contre représailles, la guerre fait rage, les Palestiniens en paient le prix fort.

C’est dans ces circonstances très douloureuses que se produit l’ultime provocation d’Ariel Sharon qui fait son entrée sur l’Esplanade des Mosquées entouré d’une armada de policiers. Sharon, c’est le général Bulldozer, l’ennemi intime d’Arafat qui a tenté en vain de l’assassiner à maintes reprises. Sharon est l’homme au parcours jalonné de massacres , depuis la sinistre unité 101 dont il fut le commandant et qui s’est particulièrement illustrée dans les massacres et le nettoyage ethnique des Palestiniens, jusqu’aux tueries de Jénine, en passant par les massacres de Sabra et Chatila.

Mais avant cela, il y eu l’échec de Camp David, une paix manquée dont les Israéliens comme les Américains veulent faire porter la responsabilité entière à Yasser Arafat. Que s’est-il passé à camp David ?

Publicité
Publicité
Publicité

La légende du « refus d’Arafat » a été battue en brèche par le principal négociateur américain, Robert Malley. Dans la New York Review of Books (1), il précise qu’ « il n’y a jamais eu stricto sensu de proposition israélienne ! » offrant ainsi un démenti formel au mythe des « offres généreuses de Barak ». Malley fait l’aveu de concessions palestiniennes majeures : qu’on en juge, il est question de « l’idée d’une annexion par Israël d’un territoire comprenant l’essentiel des colonies » ! (2)

Akiva Eldar, l’éditorialiste du grand quotidien israélien Haaretz explique que les prétendues « propositions généreuses » d’Israël ne peuvent pas être étudiées puisque « personne n’a vu le texte qui les résume parce que ce texte n’existe pas » ! (3)

Enfin, le journaliste du Monde, Sylvain Cypel a réalisé le compte-rendu minutieux des pourparlers qu’il a suivis pas à pas. Il contredit l’une des contrevérités les plus criantes développée par le duo Barak/Clinton : contrairement à ce que ces derniers ont affirmé à l’envi, Arafat n’a jamais obtenu la restitution de Jérusalem-Est à Camp David. En effet, ce sont des villages alentours qui avaient été proposés pour constituer la capitale d’un futur Etat palestinien. Cypel explique ainsi que « Rattachés à la bourgade d’Abou Dis, les Palestiniens pourraient y installer leur capitale et l’appeler El Qods » (nom arabe de Jérusalem, NDLR). Il rapporte le commentaire désabusé d’un négociateur palestinien, conscient d’avoir été floué « On discute de Paris occupé, on vous rend Créteil, vous n’avez qu’à l’appeler Paris ! ».

Mais la plus grande supercherie réside dans le partage des terres qui ne consacre aucune continuité territoriale, ce qui interdit toute possibilité de constituer à terme un Etat viable tant sur le plan politique qu’économique. En effet, Sylvain Cypel rapporte que « leur proposition prévoit de couper la Cisjordanie en trois morceaux avec des passages routiers entre eux, « protégés », mais sous souveraineté israélienne, sans accès palestinien au Jourdain. Trois bantoustans rétorquent les Palestiniens ».

Le chercheur israélien Menahem Klein résume ainsi la situation qui prévalait « Ces propositions étaient inacceptables pour les Palestiniens, parce qu’elles revenaient à former un Etat palestinien coupé en plusieurs morceaux par les colonies juives et totalement dépendant d’Israël pour le contrôle de ses frontières ».

Conclusion ? C’est une journaliste israélienne, Tanya Rayhnart qui trouvera les mots justes déclarant « Force est donc de conclure qu’à Camp David, Barak n’avait pour but ni la réconciliation ni fin du conflit » (5)

Mais la magie de la répétition a ceci de singulier qu’elle permet de faire de légendes et de mythes des vérités historiques.

Si les puissants réécrivent l’histoire, ils s’attachent aussi trop souvent à imposer leurs propres normes et volontés au mépris du droit des peuples à l’autodétermination. Ainsi donc, les Etats-Unis jouent là un jeu pervers. Censés constituer des « parrains » objectifs du processus de paix, ils prennent fait et cause pour les Israéliens. Ces derniers, confortés par ce soutien indéfectible ne sont guère enclins aux concessions. Pourquoi donc concéder le moindre pouce de territoire quand nul ne vous y contraint ? Dès lors, le puissant a toute latitude pour demeurer seul maître de son destin et de celui du faible. C’est alors que le droit de la force se substitue à la force du droit.

Parce qu’il fut un homme hors du commun, Yasser Arafat a hissé haut les couleurs de la Palestine. Confiné depuis trois ans dans sa Muquata cernée par les chars israéliens, il a incarné jusqu’à son dernier souffle ce résistant irréductible et sans peur qu’il fut toute sa vie. Comme l’a rappelé récemment l’ancien ministre des affaires étrangères français Roland Dumas qui l’a bien connu, Yasser Arafat entre dans l’Histoire par la grande porte.

Les Palestiniens ont eu raison de le dire : Arafat, l’homme est mort, mais Arafat le symbole lui survivra toujours. Il incarne pour son peuple l’espoir jamais éteint de liberté.

Notes :

1) New York Review of books, 9 août 2001

2) New York Times, 10 juillet 2001

3) Haaretz, 16 novembre 2000

4) Sylvain Cypel, « Camp David, une impossible négociation », Le Monde 28, 29 et 30 décembre 2000

5) Tanya Reinhart « Détruire la Palestine, ou comment terminer la guerre de 1948 » (page 45). Editions La Fabrique.

Publicité
Publicité
Publicité

Laisser un commentaire

Chargement…

0
Le Coran du musée du Palais du Topkapi à Istanbul (Turquie)

Voyages aux sources du Saint Coran (partie 2/4)

« Frère Jocelyn »