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Un aveu d’impuissance

Le 18 mai 2007 Nicolas Sarkozy, nouvellement élu président de la République française, instaurait le ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire. Ce ministère, qui répondait à une promesse électorale, avait en charge la responsabilité de redessiner les contours d’une identité en « danger », menacée par des femmes voilées, mise en péril par l’augmentation constante de certaines minorités, et surtout par une immigration incontrôlée.

Ce ministère si cher au président de la Président de la République n’allait pourtant pas résister au débat sur l’identité nationale, qui soulèvera un tollé vis-à-vis d’un gouvernement mettant de plus en plus souvent ses pas dans ceux du Front National. Ces analyses d’une rhétorique redoutable et d’une logique implacable instrumentalisaient l’immigration comme source de tous les maux. C’est avec cette même grille de lecture que le ministre de l’Intérieur, Monsieur Claude Guéant, s’est jeté, le 11 septembre 2011, sur l’antenne de RTL, à corps perdu dans une analyse des plus délirantes. Répondant à question de Jean-Michel Apathie sur la situation particulière de l’insécurité à Marseille, le ministre réaffirma de manière laconique : « l’immigration comorienne importante à Marseille est la cause de beaucoup de violence mais je ne peux la quantifier ».

Ce énième dérapage du ministre de l’Intérieur voulait criminaliser toute une communauté qui devenait l’une des origines de cette situation si particulière. Alors que Marseille sera l’une des priorités pour les prochaines élections du Front national, nul doute que le gouvernement, en perte de vitesse, souhaite rassurer un certain électorat en vue de la campagne présidentielle.

Faudrait-il rappeler à Monsieur le ministre que les préjugés racistes ont marqué les années les plus sombres de notre République. Faudrait-il rappeler au ministre que les safaris de deux heures en terre marseillaise ne suffisent pas à cerner les réalités complexes d’une ville étranglée par la misère et les fausses promesses du gouvernement ? Faudrait-il rappeler qu’ils ne doivent point servir de prétexte pour jeter à la vindicte populaire toute une communauté ? Ne fallait-il pas prendre le temps d’analyser les choses, de discuter avec les élus locaux avant de se lancer dans des plaidoiries discriminatoires et racistes ?

En agissant de la sorte, le ministre de l’Intérieur s’est mis volontairement hors du champ républicain. L’instrumentalisation de la haine de l’autre ne peut en aucune manière restaurer l’estime de soi.

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Marseille vous en veut Monsieur Guéant d’avoir tenté de briser cet équilibre, cette solidarité, cette fraternité qui donne à chacun sans enlever à l’autre. Marseille vous en veut d’avoir sciemment humilié et stigmatisé l’ensemble de la communauté marseillaise d’origine comorienne. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion et Marseille ne fera jamais exception. Marseille vous en veut d’avoir jeté dans le cœur de la petite Laïla, Française d’origine comorienne, un sentiment de honte pensant qu’elle avait mal agi du fait de son origine.

La stratégie du bouc émissaire pour cacher un bilan calamiteux en matière de sécurité ne fera pas oublier la diminution des effectifs de police de terrain (parmi les raisons majeures de la montée du sentiment d’insécurité), l’absence d’une vraie police municipale visible, la valse incessante des préfets de police, le manque d’aides de l’Etat pour une ville sacrifiée sur l’autel des promesses de Nicolas Sarkozy. Un bilan désastreux qui ne fera pas oublier que Marseille est affectée par un chômage dépassant les 14%, soit un taux de 40% supérieur à la moyenne, rongée par une précarité insoutenable où 28% des Marseillais vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Ce dérapage est le triste aveu d’impuissance d’un ministre qui ne sait même pas que la communauté comorienne de Marseille est dans son immense majorité française !

Oui ! Le ministère de la Honte n’a pas tout à fait disparu, il œuvre encore à créer des frontières invisibles afin de redessiner une conception de la réalité française bien étrangère de celle que nous connaissons. Oui ! Le silence du président de la République cautionne directement une rhétorique raciste au service des plus basses ambitions électoralistes. Oui ! Ce ministre est celui des petites phrases assassines, de la palabre, de l’impuissance, de la haine. La haine qui rend non seulement aveugle et sourd mais incroyablement bête (Konrad Lorenz).

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