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Tunisie : les élections municipales ont favorisé l’éclosion des listes indépendantes

Loin de la France où la plupart des médias dépeignent une Tunisie désenchantée, qui n’aurait pas pris la pleine mesure de l’enjeu démocratique majeur que revêtent les élections municipales de ce dimanche 6 mai, Tawfik Mathlouthi, un observateur avisé de la politique tunisienne et visage familier d’OummaTV, a accepté d’apporter son éclairage sur Oumma depuis Tunis, à la lueur de sa parfaite connaissance du terrain.
Alors que cinq millions d’électeurs seront convoqués aux urnes pour élire leurs conseils municipaux et confier les clés des 350 communes qui maillent le territoire national aux candidats dignes de leur confiance, Tawfik Mathlouthi bat en brèche l’idée selon laquelle ce scrutin local historique – le premier scrutin libre depuis la chute du despote Ben Ali et à la résonance nationale – ne susciterait aucun engouement. Il ne cache pas d’ailleurs son étonnement devant la propagation de cette contre-vérité dans l’Hexagone.

Après avoir sillonné le pays de long en large, il peut attester qu’une grande effervescence règne dans les villes et les villages à l’approche de cette échéance électorale cruciale, notamment parmi la jeune génération tunisienne, animée d’une conscience politique extraordinaire, qui s’investit sans compter pour prendre son destin en main et servir au mieux les intérêts de ses concitoyens.
« Contrairement à ce que les médias français affirment, les Tunisiens ont parfaitement compris ce qui se jouera dimanche dans les isoloirs », nous a confié Tawfik Mathlouthi, joint au téléphone. « Ce que j’ai pu constater sur le terrain, et avec une immense joie, c’est un formidable regain d’intérêt pour la politique à l’échelle locale, pour les affaires de la cité », a-t-il précisé.
A la veille d’une élection à un tour fébrilement attendue, après moult atermoiements, qui a vu fleurir une kyrielle de listes indépendantes, signe d’une vitalité politique sans précédent, le créateur de Mecca Cola brosse un tableau plus lumineux que celui qui se donne à voir dans la presse française, même s’il pronostique avec lucidité une poussée de l’abstention protestataire.
Evoquant la défiance généralisée envers les grands partis politiques et les hommes ou autres caciques qui sont à leur tête depuis trop longtemps, notamment envers les deux poids lourds Ennahda et Nidaa Tounès qui redoutent de voir ces élections sonner comme un cinglant désaveu, il assiste, avec un enthousiasme d’autant plus grand, au magnifique engagement citoyen de la population tunisienne.
« Il est frappant de constater que dans les petites communes, les Tunisiens, femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, se mobilisent comme jamais ! », s’est-il exclamé. «  Les petits candidats indépendants, souvent très jeunes, dans la vingtaine et la trentaine, et néophytes en politique, battent la campagne, tractent sans relâche sur les marchés, aux carrefours des villes, font du porte-à-porte, j’ai moi-même été ainsi démarché, soucieux du bien-être de leurs concitoyens. Ils veulent être acteurs de leur vie quotidienne et jouer un rôle à l’échelle locale », insiste-t-il, heureux que ce scrutin local insuffle un souffle nouveau en Tunisie, face à la « corruption, au népotisme et aux petits arrangements entre amis » qui polluent encore et toujours la noblesse de l’exercice de la politique.
S’il y a une avancée démocratique essentielle que Tawfik Mathlouthi tient à saluer, c’est bien celle que représentent l’existence même de l’Instance Supérieure Indépendante pour les Élections (ISIE), basée à Tunis, et son travail remarquable pour veiller au bon déroulement d’élections libres, pluralistes, honnêtes et transparentes, en dépit « des haines et des rancoeurs qu’elle cristallise », comme il le déplore grandement. La rançon du succès, en somme…
« Grâce à l’ISIE, de jeunes candidats indépendants, totalement inconnus du grand public, ont pu avoir accès aux médias de manière équitable », se réjouit-il, en songeant d’ores et déjà aux deux échéances électorales décisives pour l’avenir de la Tunisie qui se profilent à l’horizon : les législatives et la présidentielle en 2019.
Propos recueillis par la rédaction d’Oumma.
 

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2 commentaires

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  1. C’est très bien d’avoir des jeunes et des nouveaux visages, mais l’histoire nous apprend qu’il n’y a pas de vrai changement dans une société sans une éducation politique approfondie de ceux qui portent un mouvement politique, une analyse des différentes catégories sociales et une avant-garde politique et intellectuelle en état de formuler un programme alternatif de société, structurel, économique, social, idéologique, culturel et bien sûr politique. Allah ne change le gouvernement d’un peuple que quand ce peuple a d’abord changé lui-même, ce qui nécessite du courage, ce que les Tunisiens ont montré, mais aussi une analyse approfondie des réalités et des choses qu’il va falloir changer. Sinon le mouvement social devient changement de personnes et non pas révolution culturelle.

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