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Tuer de droit

Face à la guerre qui ne dit mot consent, face à la guerre qui ne dit que des mots condescend. Curieusement, un seul mot d’ordre ; trois résonances cependant :

Droits de l’homme.

Droit des hommes.

Hommes droits.

Droits de l’homme. On en appelle au respect des Droits de l’homme, à la justice internationale, on dénonce le crime contre l’humanité, étrange singulier. On mélange pêle-mêle les images, cohue d’une indicible réalité, génocide, shoah, carnage. Le sang ne sera jamais de l’eau, il ne purifie aucune terre. Le sang nourrit la terre sombre, germe de mort portant la vie en sa négation.

On manifeste au nom du Droit international, au nom de l’humanité, d’un principe universel. On oublie que ces mêmes “Droits” sont des armées pour les puissants et des mots pour les faibles. La justice n’a de sens que pour celui qui l’exerce à son profit. Pour l’opprimé elle ne signifie rien, mais a tant de valeur. Le droit n’est pas à la victime mais au coupable, le loup l’enseigna à l’agneau. Le bourreau est un tueur qui bénéficie de la légalité, il ne cesse donc de tuer. Le mal est proportionnel à la force et à l’impunité. Le fort n’a jamais défendu le faible, il l’exploite ou le massacre. Les opprimés ne connaissent la paix et la sécurité que lorsque les seigneurs du temps s’effondrent sous le poids de leur masse. Alors, les victimes deviennent à leur tour des oppresseurs, les tyrans naissent du sein des sacrifiés. Le sang versé enfante des monstres, chimères de vengeance et de violence.

Ces droits que nous invoquons sont ceux des hommes qui les bafouent ; des armes entre leurs mains, des lames à nos gorges. Demander à l’assassin de ne pas tuer, quelle insulte à la dignité. Exiger des complices qu’ils dénoncent est au combien puéril. Sommes nous des enfants que nous ayons besoin de faire la ronde, main dans la main, à quand une chanson pour la Palestine. Et déjà l’impudeur de la charité et de la compassion médiatisée. Attendons-nous la justice de la part de l’injuste, la vérité de la part du menteur, la raison de la part du fou. Rien de juste, de vrai ou de raisonnable en cela.

Quelle impuissance nous domine au point que nous implorions le secours du maître. Tel est l’esclave qui ne connaît de soutien qu’en celui qui l’exploite et l’écrase.

La communauté internationale aurait donc remplacé la Communauté.

Prenons garde, ce n’est pas nous qui médiatisons ces événements, insupportables euphémismes. Prenons garde à n’être point instrumentalisés par l’entremise des médias. Prenons garde à ne pas défendre une cause juste par des voies fausses. A réclamer l’application du bien à qui engendre en réalité le mal. A ne pouvoir penser en dehors de la dialectique impériale. A n’être qu’un rouage de la machine inexorable.

Droits des hommes. On en appelle à l’humanité. L’émotion est exploitable et exploitée. Elle a de particulier, subtile grâce, de soulever les masses puis de les abandonner, sans laisser de trace. L’émotion est l’essence des médias, pas de restriction, les stocks sont inépuisables. Plus les foules s’indignent, plus elles réagissent et plus ceux qui les instrumentalisent se réjouissent. Ils savent que cette énergie est investie à perte ; comme une dérivatif de l’action, l’émotionnellement correct. Nous pouvons toujours clamer le respect des droits fondamentaux, c’est un droit fondamental.

Ailleurs, on vendange au souk les paysans, à plein camion, et les déverse aux manifestations spontanées des capitales. Ceux qui font le décompte de notre émotion se réjouissent de la réussite des opérations : tant de haine canalisée, tant d’envie de tuer anéantie, tant d’espoirs maîtrisés, magie et force des slogans.

Nous voila réunis, satisfaction primaire du nombre, sécurisation instinctive, chaleur qui apaise nos corps et nos âmes. En tête, des politiques, des syndicalistes, des philosophes, des penseurs, derrière, la foule des anonymes, nous. En ces manifestations de la démocratie tous sont rassemblés, rassurés, unis, mais l’ordre de présentation persiste, représentations. Faudrait-il que nous arborions un keffieh comme d’autre leur blanche chemise sur tous les charniers du monde. Dites-moi, qu’ont ils changé ces philosophes, ces donneurs de leçons, si ce n’est leur propre compte. La représentativité n’est que la représentation de soi même, la mise en scène de son ego. Illusions que le printemps balaiera, ne resteront que quelques noms, quelques mots, des lambeaux de tissu noir et blanc accrochés aux branches de nos consciences.

Et demain, parce qu’il y aura toujours des lendemains, faute d’avoir dénoncé les vrais coupables, eux tous, nous tous. Faute d’avoir défendu de vrais idéaux il en sera comme il en était. Jusqu’à quand ? Jusqu’au prochain massacre, entre deux tueries ordinaires, jusqu’à la prochaine vague d’émotion.

Voyeurisme intolérable, pornographie de l’information hard live, regarder en boucle l’agonie. Comble de la superficialité se souhaiter la bonne année ainsi qu’à tous les palestiniens, écoeurement de la banalité. Nous ne sommes pas tous des Palestiniens, pas plus que nous n’étions des Juifs Allemands. Nous sommes des nantis, ayant des droits, celui de vivre et de manger, de travailler et de sacrifier quelques week-ends à une juste cause.

Quelle trouble solidarité ! Leur souffrance serait-elle une caution de notre confort ? Leur résistance donnerait-elle du sens au vide de notre bien-être matériel ? Vivrions-nous là par procuration un héroïsme disparu de nos factures ? Un vent de liberté, un souffle de jihâd rafraîchissant la sécheresse de nos meublés. De la vie insufflée par la mort, étrange paradoxe, impudeur, association mensongère. Je ne suis pas un Palestinien, je suis son frère, lui souffre, moi pas.

Je m’interroge : Qui l’emporte ? La force du complot ou la lâcheté de ceux qui tournent le dos ? Où commence le cynisme et où s’arrête-t-il ? A qui sert cette cristallisation ? A quoi sert cette exploitation de symboles accumulés ? Des interrogations entraînant un sombre dégoût, un âpre désarroi. Du bruit, de la fureur masquant notre trouble métaphysique. Des questions qui dérangent ? Il sera banni celui qui trouble la fête. Désigner les objets réels avant de les combattre. Désigner les vrais coupables et non ceux que la vindicte populaire montre du doigt. Désigner les vrais enjeux quelques soient les implications de nos intérêts et de nos égoïsmes.

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Dans l’enthousiasme et l’indignation y a-t-il encore un temps pour la réflexion.

Hommes droits. Qui appelle à la rectitude ? On convoque les intellectuels pour défendre la paix. On ne dénonce pas une guerre, on la gagne ou on la perd.

Que sont les mots face aux armes si ce n’est des aveux d’impuissance. Que sont les mots lorsqu’ils défendent une cause juste avec des arguments faux. Les mots n’ont d’autres poids que celui du vent lorsqu’ils ne plaident avec justesse. Que tous les intellectuels, les buveurs de mots, les plumes noires à force d’encre, que tous s’unissent sur le discours actuels, que tous invoquent ce Droit plus que divin, cette justice révérée des hommes… tant de fracas et tant d’éclat n’auront aucun effet. Lorsque le mur s’effondra il n’y avait que des invités. Un mirage n’engendre jamais de réalité.

Comme Moïse du sein d’Israël sous le joug de Pharaon, un jour, grain de sable dans le désert, un Prophète est né qui seul s’est dressé. Qui, seul, a refusé les alliances. Qui, seul, a porté le discours de Dieu Seul. Qui, seul, a suivi une autre voie. Qui, seul, a voulu un autre monde. Si parfois dans son désarroi, en ce qui lui semblait une impossible mission, il s’abaissait à ne serait-ce que caresser l’idée d’un accommodement, alors Dieu le rappelait à l’ordre, sèchement. Il n’y a pas de faiblesse qui ne soit compromission Il n’y a pas de mission qui ne soit pour Dieu, en Dieu, par Dieu.

Puis, nous le savons mes frères, il n’y a pas d’idéal qui ne soit trahi. Par la guerre nous avons conquis, par la force nous avons humilié, par la loi des hommes nous avons asservi les hommes Qui n’a pas de mémoire n’a pas d’Histoire. Amnésie sélective dit-on ; aurions nous été les représentants de Dieu sur cette Terre, qu’aurait donc eu Dieu comme argument pour nous en retirer le gouvernement. Et l’Andalous, et les Balkans, les avons-nous conquis ou perdus ? Et l’Afghanistan…qui se souvient ? A présent, encore, réclamerions-nous le droit divin pour cette terre martyre ? N’est-ce point là l’argument de l’occupant ?

A “Oumma” le débat de la semaine portait sur le sens de la prédestination, il n’y a là, je crois, aucune coïncidence. Il fut d’une seule opinion répondu que l’homme est libre, il n’y a là, je pense, aucun hasard. Nul ne semblât mettre cette réflexion en rapport avec les événements de cette fin d’année ; comme une censure collective, une évacuation de Dieu hors champ. Ce qui se passe ici bas est une affaire d’hommes, de méchants et de bons.

Elle sera donc résolue par les hommes, au nom de principes humains, des droits de l’homme, de la justice humaine, de la lutte contre le crime de l’humanité…Dieu, pour nous les musulmans, semble occulté, sauf à l’invoquer, imprécations ou supplications. Face à l’horreur et à la puissance, face à l’impuissance de nos sentiments, le voici évacué de la scène, nécessairement. Ce dieu que nous ne concevons qu’en fonction de notre propre conception de ce qui est bien et mal est momentanément mis à l’écart, il reviendra quand tous ira mieux …ou pire.

En réalité. Dieu gouverne ses possessions dans le bien et pour le bien mais nous n’en n’avons que peu de science. A cette fin, il utilise le mal comme un repoussoir. Il repousse les hommes par les hommes et aucune injustice ne perdure tout comme aucune justice ne dure faute d’homme pour la soutenir.

Que demain une armée d’hommes et de femmes assoiffés de Dieu et de Sa vérité se lève et que tous marchent vers ce lieu, de toutes parts, et qu’il en soit alors le centre. Que des millions d’âmes nues se dressent et ainsi avancent, quelle armée s’y opposera, quelle terre les rejettera ? Puis, dites-moi mes frères, qui prendra alors le pouvoir ? Quel droit fera-t-il régner ? Quel sombre ordre imposerons-nous alors ? Faut-il encore rappeler quels despotes gouvernent les pays de musulmans et combien d’autres guettent l’occasion. Quel idéal défendent nos réalités ? Pousserions-nous la roue d’un tour, qu’inexorablement elle écraserait alors l’autre, lui en bas et nous en haut.

Il y a des vérités que nous ne voulons pas entendre : serions nous un peuple de victimes et eux de bourreaux. Dieu repousse les hommes par les hommes. Non pas le mal par le mal, mais le mal par moins de mal et moins de bien par plus de mal. Mais jamais il ne repousse le bien par le mal. Où sont donc les hommes de bien ? Où sont les porteurs de la vérité ? Où sont ceux qui ne veulent aucun pouvoir ? Où sont ceux qui refusent la vengeance ? Où sont ceux qui honorent le vaincu ? Où sont les hommes et les femmes de bonne volonté, ceux qui ne veulent rien de ce monde mais tout de l’autre ? Où sont les hommes droits ?

Si je refuse de marcher au pas d’une armée sans combats, de béatifier les simplismes en nos prières collectives ; aurai-je été de ceux qui fuit ou tremblent ?

Défendre une cause juste n’est pas toujours la défendre avec justesse. Défendre les droits de l’homme ne m’engage que dans la rue, défendre les Droits de Dieu m’engage dans ma vie. Le Droit de Dieu est autre, qu’ont donc les musulmans à invoquer d’autres dieux, d’autres droits. Le Droit de Dieu s’exerce contre celui qui le professe, il impose sans contrepartie. La vraie noblesse n’est pas richesse. La vraie grandeur n’est pas puissance. La vraie parole n’est pas mots mais action véridique.

Il y a tant de vérité dans le désespoir, il y a tant d’espoir dans la vérité. Un jour des ténèbres surgit la lumière.

Or, Dieu ne change la situation d’un peuple que lorsqu’il a modifié lui-même ce qui le caractérisait. L’on voudrait que les ténèbres soient lumières, aucun vœu ne brise l’ordre des choses. Si la facilité suit la difficulté c’est que dans l’ordre des choses le mal précède le bien. Je vis et je vois, je témoigne de mon cœur et de ce que j’examine. Je ne veux pas blesser, juste éveiller. Je ne veux ni condamner ni blanchir, il y a tant d’ombres et de lumières mêlées. Je veux dire en toute sérénité que la vérité nous échappe si nous ne prenons pas le temps de la réflexion, le temps d’intelligence qui fait d’une action un acte.

Dr Al ’Ajamî.

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