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Terrorisme et grands médias : 1 mort à Boston vaut plus que 100 à Bagdad

Dans les écoles de journalisme et la plupart des rédactions de la presse généraliste, une technique d’écriture est prescrite pour attirer le lecteur ou l’auditeur : il s’agit de la « loi du mort-kilomètre ». En clair, selon les enseignants et les rédacteurs en chef qui en assument l’application, le « public » est censé s’intéresser aux décès selon l’éloignement géographique de l’évènement. Cas pratique : 1 mort à 1 kilomètre ou 10 morts à 10 kilomètres pourraient ainsi, selon les praticiens de cette coutume, retenir particulièrement l’attention. Il ne s’agit pas nécessairement là d’informer le citoyen sur un sujet d’actualité d’intérêt général mais, pour l’essentiel, de garantir un audimat performant et convoité par l’industrie médiatique.

Une autre règle, non formulée explicitement et tout autant cynique, vient contredire cet usage : on pourrait la qualifier de « loi du mort occidental ». Vu de Paris, Londres ou Washington, la mort brutale d’un Européen ou d’un Américain dans le monde sera  toujours plus fructueuse à couvrir -aux yeux des responsables de l’information- que celle de dizaines de non-Occidentaux.

« L’attentat » survenu hier à Boston illustre tristement cette pratique. Les chaînes d’information françaises ont réalisé des « éditions spéciales » afin d’en dramatiser le récit journalistique. 3 morts et plus de 130 blessés : pour les familles de victimes, le caractère tragique est indéniable. Mais pourquoi consacrer autant d’heures au sujet alors que des centaines de citoyens sont fauchés, chaque année, par le terrorisme sans que BFM TV ou France 24 ne daignent leur consacrer un sonore de 10 secondes ?

Les chiffres, les faits

En 2008, l’Université de Maryland et un centre dénommé « le Consortium national de recherche sur le terrorisme » (lié au gouvernement américain) ont réalisé un travail colossal : donner à voir, sur Internet, l’ensemble des données relatives aux « incidents terroristes »survenus dans le monde depuis 1970. Le terrorisme est ici défini comme « l’usage illégal de la force et de la violence par un acteur non-étatique afin d’atteindre un but politique, économique, religieux ou social ».

Un site interactif permet ainsi de consulter des graphiques, affinés selon le pays visé ou le type d’attaque utilisée (bombe, assassinat politique, kidnapping). La base couvre, à ce jour, la période allant jusqu’à 2011, soit une quarantaine d’années d’actes terroristes référencés.

On peut ainsi apprendre que les Etats-Unis sont le 16ème pays le plus impacté sur son sol par le terrorisme (2347 « incidents »), loin derrière la Colombie (7180), l’Irak (6475) et l’Inde (6114).

Si l’on se réfère à la « nationalité » visée par les terroristes, les Américains sont davantage ciblés (6ème de la liste, 4960 « incidents ») mais viennent encore après les Colombiens, Irakiens, Indiens, Péruviens et Salvadoriens.

En prenant en compte le nombre de victimes (morts et blessés), la place des Américains chute notablement dans la liste. Un classement détaillé des actes terroristes commis sur le sol américain permet ainsi d’observer un nombre extrêmement faible de citoyens directement touchés, hormis-évidemment- pour les attentats de 2001 et celui d’Oklahoma City en 1995.

Si l’on compare le nombre respectif d’incidents (sur 17622 au total) depuis 1970 entre trois pays (Etats-Unis, Colombie, Irak), le graphique suivant est éloquent.

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Inutile d’effectuer une comptabilité précise et macabre. En affinant simplement la recherche, on obtient, par exemple, ce graphique pour la courbe du nombre de morts (de 1 à plus de 101 « fatalities » par attentat) du terrorisme en Irak (sur 7807 actes terroristes depuis 1970).

Même recherche pour la Colombie, à partir de 7453 attentats recensés.

Voici ce que l’on peut constater en appliquant le même filtre (courbe du nombre de morts -de 1 à plus de 101- lors d’actes terroristes) pour les 2362 incidents survenus aux Etats-Unis.

En décembre 2012, Max Fischer, bloggeur au Washington Post, soulignait déjà -en s’appuyant sur un rapport annuel produit, celui-ci, par l’Institut pour l’économie et la paix- que l’Irak était le premier pays impacté par le terrorisme tandis que les Etats-Unis étaient l’un des moins touchés. Moins de 3% des attaques commises sur le sol américain entre 2002 et 2011 ont été réalisées par des groupes islamistes. A l’inverse, les trois principaux groupuscules à commettre des actes terroristes ont été le « Front de libération de la Terre », le « Front de libération animale » et la nébuleuse anti-avortement. Plus éloquent : pour 2011, voici le classement des pays les plus ravagés par le terrorisme.

Il faut sauver la soldate Haïm

Ce mardi, la correspondante d’I Télé et de Canal+ à Washington, Laurence Haïm, a évoqué, avec son style régulièrement partisan, une« Amérique confrontée à la guerre en Afghanistan » (notez le choix du mot « confrontée »),détestée par « une partie du monde  au Moyen-Orient » (suivez mon regard) et dont la société aurait connu, depuis le 11-Septembre, une « israélisation » de son fonctionnement. Message en filigrane : les Américains comme les Israéliens se seraient habitués à une « menace terroriste » dont les protagonistes auraient implicitement le même profil extrémiste.

Peut-être faudrait-il proposer à la journaliste-chantre de l’axe Washington-Tel Aviv de partir en reportage à Bagdad afin de lui faire découvrir ce qu’est « l’irakisation » de la vie quotidienne.

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