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Tariq Ramadan : « J’ai reçu le soutien du PEN American Center présidé par Salman Rushdie »

En 2004, Tariq Ramadan est embauché par la prestigieuse université catholique Notre Dame, près de Chicago, à la fois comme professeur d’études islamiques, et comme professeur de religion, conflit et promotion de la paix. Un visa de travail et de résident lui est d’abord accordé en mai, puis retiré en juillet, alors que le déménagement de la famille Ramadan a pris le chemin de l’Amérique et que ses enfants sont inscrits dans une école de l’Indiana. Tariq Ramadan reçoit pour toute explication une référence au « Patriot Act », la législation adoptée après le 11 septembre 2001 et qui durcit les conditions d’entrée dans le pays. A la même période, l’ancienne vedette pop Cat Stevens, devenu Yusuf Islam, se voit lui aussi refuser l’entrée sur le territoire américain.

Depuis cette interdiction, Tariq Ramadan a reçu une quarantaine d’invitations pour participer à des conférences sur le sol américain. Il a alors demandé un visa de visiteur. Pas de réponse. L’Union américaine des libertés civiles (American Civil Liberties Union), les écrivains du PEN American Center, présidé par Salman Rushdie, l’American Academy of Religion, l’American Association of University Professors viennent de déposer une plainte contre la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice et Michael Chertoff, le responsable de la Sécurité intérieure.

– Pourquoi une plainte si tardive, l’affaire remonte à 2004 ?

– Dès le refus de m’accorder un visa, l’ACLU a pris contact avec moi. Mais comme le secrétaire d’Etat Colin Powell en personne avait demandé un réexamen de mon interdiction d’entrée, nous avons attendu. Malheureusement il ne s’est rien passé. Je n’ai jamais eu d’explications. On m’a signalé que comme j’avais renoncé à mon poste d’enseignant à Notre Dame – et pour cause – il n’y avait plus de raison d’étudier mon cas ! Entre temps, j’ai reçu au moins une quarantaine d’invitations pour participer à des conférences aux Etats-Unis.

– On vous a refusé un visa de résidence, mais pouvez-vous bénéficier d’un visa de visiteur ?

– J’ai fait la demande à l’ambassade américaine à Berne en septembre 2005. Puis un haut fonctionnaire du département de la sécurité intérieure est spécialement venu de Washington pour me poser des questions en Suisse en décembre 2005.

– Quel genre de questions ?

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– Sur le terrorisme, si je connaissais telle ou telle personne, sur la situation en Irak. J’ai toujours la même position sur l’Irak et la Palestine : la résistance est légitime, mais les moyens utilisés par la résistance ne le sont pas. On m’a dit qu’une demande de visa pouvait prendre deux jours ou deux ans. Dans mon cas, il fallait plutôt compter deux ans. Je me suis dit que ça suffisait.

– D’où cette plainte lancée par l’Union américaine des libertés civiles contre le « Patriot Act », et relayée par le New York Times.

– Le « Patriot Act » est très contesté. Il viole un amendement de la Constitution qui garantit la liberté d’expression. L’ACLU, comme les autres associations qui ont déposé cette plainte, et notamment Salman Rushdie, président du PEN, considèrent que je n’ai jamais eu le moindre lien avec le terrorisme. Ces associations estiment que le refus de m’accorder un visa est une « exclusion idéologique ». Et exclure des gens du pays à cause de leurs idées “biaise et appauvrit le débat politique aux Etats-Unis“, déclarent-ils. Les plus grands journaux, comme le Time, le Washington Post, le New York Time, m’ont toujours apporté leur soutien.

– Vous étiez à Strasbourg vendredi dernier, que s’est-il passé ?

– Je devais donner vendredi 27 janvier une conférence organisée par Présence musulmane Est. Elle a été annulée. Une nouvelle fois, je suis interdit de salle. Derrière cette manœuvre, on constate des pressions des Renseignements généraux français. Ce n’est pas la première fois.

Propos recueillis par Ian Hamel

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