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Selon un rapport parlementaire, Claude Covassi, l’espion du Centre islamique de Genève, ne serait qu’un affabulateur

Les services secrets suisses n’ont jamais demandé à Claude Covassi de chercher à compromettre Hani Ramadan, le directeur du Centre islamique de Genève. Ils ne lui ont pas non plus demandé de se convertir à l’islam pour la bonne raison que Claude Covassi n’était pas un agent infiltré mais un simple indicateur de police. Telles sont quelques-unes des conclusions d’un rapport rendu la semaine dernière par la Délégation des commissions de gestion du Parlement suisse.

Claude Covassi, 37 ans, que Oumma.com a rencontré à plusieurs reprises, notamment durant sa fuite en Egypte l’année dernière, ne serait finalement qu’un manipulateur. Toutefois, les services secrets ne sortent pas non plus indemnes de ce rapport d’une soixantaine de pages. Pourquoi ont-ils utilisé les informations d’un personnage aussi peu fiable, condamné pour abus de confiance, et qui, apparemment, n’a jamais travaillé de sa vie ?

En février 2006, le Genevois Claude Covassi fait une révélation fracassante dans « La Tribune de Genève ». Il assure que le Service d’analyse et de prévention (SAP), les services secrets intérieurs de Suisse, l’ont chargé non seulement d’espionner Hani Ramadan, le directeur du Centre islamique de Genève, mais de le piéger en fabriquant de fausses preuves contre lui. A savoir, créer artificiellement un lien entre Hani Ramadan et des réseaux djihadistes qui recrutent des volontaires pour partir se battre en Irak.

Affirmant que sa vie est en danger, Claude Covassi s’enfuit, d’abord en Espagne, puis en Egypte. Oumma.com le retrouve au Caire. L’homme est sympathique, ouvert. Il affirme que les services secrets lui ont demandé en 2004 de se convertir à l’islam afin de mieux espionner les musulmans à Genève. Mais au fil des jours, sa conversion serait devenue sincère. « Je me suis vite senti minable d’espionner des gens qui se montraient aussi attentionnés avec moi. Hani Ramadan est l’homme qui m’a le plus aidé dans la vie », nous déclarait-il.

L’affaire est suffisamment exceptionnelle pour sensibiliser les médias du monde entier. Claude Covassi ne révèle-t-il pas que des services secrets occidentaux seraient capables de créer de faux documents afin de compromettre certaines personnalités musulmanes ? Les accusations de liens avec le terrorisme ne risquent-elles pas dorénavant d’être remises en cause ? L’ancien espion du Centre islamique de Genève assure que les preuves de tout ce qu’il avance sont contenues dans 5 heures 38 minutes d’enregistrement. issu de trois conversations avec son officier traitant du SAP.

Seulement voilà, les mois passent et Claude Covassi ne livre jamais ses enregistrements. Il annonce son retour en Suisse, fixe des rendez-vous à la Délégation des commissions de gestion, l’organe chargé au Parlement suisse de surveiller les services secrets, mais ne les respecte pas. Il multiplie les informations contradictoires et adresse à la presse une photo de lui en maillot de bain, en train de bronzer au soleil, avec pour légende : « Ai-je l’air d’un islamiste ? ».

Claude Covassi signe avec un éditeur, lui réclame des avances, mais n’envoie pas la première ligne du premier chapitre. Revenu à Genève le 30 octobre 2006, l’ancien espion est très fraîchement accueilli par la presse locale, qui met sérieusement en cause sa crédibilité. « Oumma.com » lui pose alors quelques questions sans complaisance. « Je jure que ces enregistrements existent. Je les donnerai à la Commission ou à un juge d’instruction », nous répond-il.

Claude Covassi a fini par remettre un CD-ROM aux parlementaires suisses… mais il ne contenait aucun enregistrement. La Délégation des commissions de gestion, composée de trois députés et de trois sénateurs appartenant à différentes formations politiques, a tenu 21 séances de travail. Elle a entendu très longuement Claude Covassi les 12 décembre 2006 et 16 janvier 2007. Son rapport, rendu la semaine dernière, et disponible sur Internet, est accablant : elle n’a pu « trouver aucun indice sérieux étayant les accusations de l’informateur genevois ». Ce dernier a bien travaillé pour le SAP et pour le Service de renseignement stratégique (SRS), les services secrets extérieurs, mais comme simple informateur, pas comme espion.

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Il apparaît que c’est Claude Covassi lui-même qui est entré le 17 mars 2004 en contact avec Hani Ramadan par l’intermédiaire de l’un de ses frères. Le 21 mars, il offre ses services à la police. Parlant de Hani Ramadan, il écrit : « Je pense pouvoir asseoir ma confiance auprès de lui en adhérent à sa stratégie, à savoir : 1, séduction ; 2, fascination ; 3, identification et imitation ; 4, conversion à l’islam ; 5, endoctrinement ». Le 30 avril, Claude Covassi se convertit à l’islam et adopte le nom d’« Adil ». Claude Covassi avait précédemment travaillé pour la Brigade des stupéfiants de Genève comme agent provocateur : il créait les conditions permettant des arrestations de trafiquants de drogue en flagrant délit…

Qu’est-ce qui pousse ce mythomane (Covassi se prétend diplômé de la Sorbonne alors qu’il n’a entrepris qu’un apprentissage de monteur-électricien) à vouloir espionner le Centre islamique de Genève ? Selon un policier interrogé par les parlementaires : « il semble grisé par l’aspect secret et dangereux de son activité (…) il chercherait à effacer les traces d’un passé de petit escroc ». Le SAP donne à Claude Covassi le nom de code « Ménès », et l’intègre dans l’opération baptisée « Memphis ». Pour les services suisses, il s’agit d’une « opportunité unique de pouvoir approcher et contrôler d’une certaine manière l’un des responsables les plus influents dans le domaine du fondamentalisme islamique en Suisse, petit-fils fondateur du mouvement islamique radical des “Frères musulmans“ en pleine évolution en Egypte et dans le monde arabo-musulman actuel ».

En clair, Claude Covassi a bien espionné le Centre islamique de Genève. Mais ce n’est pas illégal. Chacun sait que toutes les mosquées, toutes les associations musulmanes en Europe sont infiltrées par des indicateurs de police. En revanche, Claude Covassi n’a jamais été en mesure de remettre aux parlementaires suisses (ou à des journalistes) un seul élément fiable prouvant que le SAP ou le SRS lui ont ordonné d’utiliser des moyens frauduleux, déloyaux ou illicites pour compromettre Hani Ramadan.

Comment Claude Covassi, qui est actuellement impliqué dans une affaire de trafic d’anabolisants, a-t-il pu abuser autant de monde aussi longtemps ? Le rapport parlementaire le décrit comme « un personnage sympathique avec lequel il est agréable de discuter. Il semble être doté d’une grande intelligence et d’une force de séduction », ajoutant qu’il est « habitué à vivre d’expédients et présentant un certain talent à manipuler les autres ».

Certes, on peut toujours accuser la Délégation des commissions de gestion de n’avoir pas voulu faire toute la lumière sur cette affaire. Toutefois, il faut reconnaître que les parlementaires ne se montrent pas tendres avec les services secrets suisses. « Le SAP a manqué à ses obligations de prudence et de circonspection lors du recrutement de Claude Covassi », son engagement par ce service puis par le SRS « a mis à jour une fois de plus les lacunes existant dans la collaboration entre les services de renseignement », souligne le rapport. La police genevoise ne présente-t-elle pas Claude Covassi comme un homme « rompu à l’art de la manipulation », ajoutant qu’il « est prudent de se méfier de ses dires et de contrôler les informations qu’il distille ». Plus grave encore, le rapport constate que Claude Covassi « avait eu accès à des informations officielles classifiées qui ne lui étaient pas destinées (…) C’est ainsi que Claude Covassi a eu connaissance d’informations précises sur la préparation d’un attentat contre un avion de la compagne El-Al. Dans un autre cas, il a eu accès à un rapport d’un service de renseignement étranger » !

Lors de notre séjour au Caire, nous avions été étonné de constater que Claude Covassi ne maîtrisait que quelques mots d’anglais et d’arabe. Comment se fait-il que pour tout ce qui touche aux musulmans et à l’islam, les services utilisent des informateurs aussi peu qualifiés ? Parions que les espions qui traquent, par exemple, la mafia russe maîtrisent cette langue et possèdent de solides notions financières.

De son côté, Claude Covassi, par l’intermédiaire de son avocat Razi Abderrahim, conteste la totalité de ce rapport. Il maintient ses accusations contre les services secrets suisses, mais ne s’est toujours pas proposé de montrer ses preuves à la presse. Quant à Hani Ramadan, il garde pour l’instant le silence.

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