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Robert Baer, ancien espion de la CIA, publie son premier roman

Robert Baer, membre pendant vingt ans de la division des opérations clandestines de la CIA, a de la suite dans les idées. En 2003, il publiait un document intitulé « Or noir et Maison-Blanche », révélant que la bureaucratie de Washington cherchait davantage à se remplir les poches qu’à assurer la sécurité de ses concitoyens. En 2007, l’ancien espion sort son premier roman : « Et la maison s’envolera » (*). Le thème ? Des dignitaires américains seraient toujours en contact avec Oussama Ben Laden, ce qui leur permettrait de spéculer (et de s’enrichir) grâce aux attentats. Une bombe sur la plate-forme 4 de Ras Tanura en Arabie Saoudite et vos actions dans le pétrole prennent aussitôt l’ascenseur…

« Vous croyez que j’exagère ? Savez-vous comment nous surnommions Washington à l’intérieur de la CIA ? Nigeria-sur-Potomac. Nigeria, en référence à l’un des pays les plus corrompus de la planète, et Potomac, du nom de la rivière qui arrose la capitale américaine. La centrale américaine est malheureusement gangrenée par la corruption, en raison de ses liens trop étroits avec les grandes compagnies pétrolières », dénonce l’ancien espion, longtemps considéré « comme le meilleur homme de terrain du Moyen-Orient ». Robert Baer a passé deux décennies dans les endroits les plus exposés de la planète. Bien avant le 11 septembre 2001, au Liban, en Syrie ou en Irak, il a pu palper « la haine, une haine profonde, irréductible, pour les Etats-Unis », raconte-t-il. Ce qui lui a fait redouter, bien avant les autres, « une catastrophe imminente », qui ferait éclater « la bulle de l’innocence américaine ».

En février 2006, Robert Baer nous accordait une interview à l’occasion de la sortie à Paris du film « Syriana », inspiré de son livre « La chute de la CIA ». Aujourd’hui, il répond à nos questions pour la sortie en français de « Et la maison s’envolera ». Certes, il s’agit d’un “thriller“, mais l’ancien espion américain traite toujours du même sujet : les ambiguïtés américaines dans la lutte contre le terrorisme. Le livre raconte l’histoire d’une étrange photo, découverte dans les archives de la CIA. Oussama Ben Laden pose au milieu, entouré de quatre autres personnes, parmi elles, un Occidental dont la tête a été soigneusement découpée. Quel est ce mystérieux personnage si proche du fondateur d’Al-Qaïda ? Le cliché a été pris dans un jardin, à Peshawar, au Pakistan. Malheureusement, tous ceux qui s’intéressent à cette image finissent de mort violente. Max Weller, le héros, agent chevronné de la CIA, est lui-même suspendu de ses fonctions. Il finit malgré tout par découvrir l’horrible vérité : des agents secrets américains n’ont pas coupé les ponts avec Oussama Ben Laden. Ils engrangent des millions de dollars en spéculant sur les attentats. Il s’agit bien évidemment d’un roman. Mais Robert Baer continue d’appuyer où cela fait mal : l’incompétence et la malhonnêteté du pouvoir américain.

Ne noircissez-vous pas exagérément la CIA ?

Pendant longtemps j’ai été innocent et je croyais ce que disait la CIA. J’en étais le responsable en Irak du Nord, dans le Kurdistan. Je savais qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive. Washington savait pertinemment que Bagdad ne représentait pas une menace pour elle. Cela ne l’a pas empêché de partir en guerre contre ce pays, de l’envahir, de le détruire, de provoquer la mort de milliers de personnes innocentes.

Un reportage réalisé par des journalistes français en Afghanistan affirme qu’à deux reprises des soldats français auraient pu tuer ou capturer Oussama Ben Laden, mais que le commandement américain les en aurait empêché. Est-ce possible ?

Oui. La CIA a eu elle aussi plusieurs occasions d’éliminer Oussama Ben Laden. Elle ne l’a pas fait car les Etats-Unis ont tout intérêt à le conserver vivant. Al-Qaïda va être enrôlée, aux côtés de l’Arabie saoudite, dans la prochaine guerre que l’Amérique compte déclencher contre l’Iran.

Dans votre roman, l’argent amassé par un espion américain corrompu passe par Genève. Cela ne fait-il pas un peu trop cliché ? Dubaï, Nicosie ou Nassau ne sont-ils pas des paradis fiscaux plus efficaces pour blanchir de l’argent ?

C’est vrai, mais je constate que les personnes corrompues liées à la CIA continuent d’utiliser les banques suisses et des avocats d’affaires suisses. Les Etats-Unis accordent une très grande importance à Genève, siège européen des Nations Unies. Il suffit de voir la taille de leur ambassade et de comptabiliser leurs effectifs. N’oubliez pas que le pétrole est le nerf de la guerre. En laissant traîner ses oreilles dans les palaces au bord du lac Léman, fréquentés par les princes et les hommes d’affaires du Golfe, on y apprend plus de secrets sur le Moyen-Orient que dans la plaine de la Bekaa.

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Où avez-vous appris le français ?

J’avais 9 ans quand ma mère a divorcé. Nous avons quitté la Californie pour vivre quelque temps en Suisse. Depuis, je me débrouille à la fois en allemand et en français. De plus, j’ai une maison à Nuits-Saint-Georges, en Bourgogne, pas très loin de Beaune, entourée d’un hectare de vigne.

Que faites-vous aujourd’hui ?

J’écris de temps en temps pour « Time Magazine » et « Vanity Fair », je collabore à la chaîne britannique Channel Four. Pour mon deuxième roman, je m’inspire d’une histoire vraie : le meurtre de toute une famille de Russes en France dans les années 90.

(*) « … ET la maison s’envolera », Robert Baer, JC Lattès, 326 pages.

Propos recueillis par Ian Hamel

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