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Résister en musique à Gaza

Rima a 17 ans, Raslan en a 14. Tous deux vivent à Gaza et sont trompettistes au sein du Palestinian Youth Orchestra (PYO). Leur passage en France pour quelques concerts donne l’occasion de revenir avec eux sur la situation dans la Bande de Gaza, et mettre en lumière une autre forme de résistance, culturelle et artistique.

L’année dernière, la Bande de Gaza a été victime d’une opération israélienne de grande ampleur, « Bordure protectrice »[1]. Quelle est la situation depuis ?

Rima : C’est évidemment très difficile. Depuis que nous sommes enfants, tous les deux ans, nous subissons une nouvelle opération israélienne, où nous perdons encore davantage de proches. L’été dernier, l’hôpital près de chez moi a été détruit. Dans la ville de Gaza, nous ne disposons plus que d’un grand hôpital, et il a été touché l’été dernier. Il y avait beaucoup de blessés durant les bombardements, mais pas assez de médecins. Plusieurs écoles ont subi de graves dommages. Pour éviter que des enfants n’aillent plus à l’école, le système scolaire s’organise en trois groupes. Les premiers ont cours de 7h à 10h, les seconds de 11h à 13h, et les troisièmes de 14h à 17h. Depuis l’année dernière, rien n’a été reconstruit, et beaucoup de personnes ont sombré dans la pauvreté. Ceux qui font des études n’ont aucune perspective, et surtout très peu de possibilités de logements. Ce qui conduit à des taux importants de décrochage scolaire.

Raslan : Nous souffrons du blocus imposé par l’armée israélienne. L’une des principales souffrances c’est l’ennui. Nous n’avons pas d’activités de loisirs. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai commencé à apprendre à jouer de la musique. Une petite école de musique a pu ouvrir, avec quelques instruments. Mais nous faisons partie des chanceux, car la plupart des enfants n’ont rien, et ils jouent dans la rue, au milieu d’un décor marqué par la guerre.

Lorsque les médias parlent de Gaza, deux images reviennent inlassablement : le Hamas et les destructions des bombardements. Vous, au contraire, vous détruisez les préjugés. Quel sentiment avez-vous par rapport à ça ?

Raslan : Nous souhaitons d’abord montrer que si la musique est universelle et appartient à tout le monde, les Palestiniens en font aussi partie. En somme, que nous ne sommes pas différents des autres peuples. Montrer que, nous aussi, nous aimons la paix, nous aimons vivre pacifiquement. Dire aussi que nos rêves ne sont finalement pas éloignés de ceux d’enfants d’autres pays. À Gaza, vous avez aussi beaucoup de dessinateurs. Ensemble, nous adressons un message de paix, mais aussi une exigence, celle de pouvoir vivre comme tous les autres enfants du monde.

Rima : Mais même de ça nous sommes empêchés. L’école de musique a ouvert, si je me souviens bien, en 2006. À l’époque, nous avions un piano et quelques guitares. Nous avons beaucoup travaillé pour agrandir l’école, obtenir davantage d’instruments. Lors des bombardements de l’hiver 2008[1], l’école de musique a été touchée. Notre unique piano était en miettes, et de nombreux instruments étaient inutilisables. Nous étions effondrés. Puis, nous sommes repartis de l’avant et nous avons reconstruit une école, bien plus grande que celle d’avant. Avec les bombardements de l’été dernier, les meilleurs étudiants, ceux qui pouvaient bénéficier d’une bourse, et beaucoup de professeurs, notamment des étrangers volontaires, comme le pianiste, ont préféré quitter Gaza pour pouvoir continuer à enseigner ou à apprendre. Aujourd’hui, nous manquons de professeurs pour accueillir les nouveaux étudiants. Mais quoi qu’il arrive, nous continuerons à jouer. Chaque concert que nous faisons à Gaza est un plaisir. Nous avons organisé un petit festival « La mer et la liberté ». Durant quatre jours, différents groupes se sont succédé sur scène. Ce n’est pas simple, mais ce sont des moments remplis d’émotions.

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[1] L’opération « Bordure protectrice » de l’armée israélienne débuta le 8 juillet 2014, et prit fin le 26 août. 2 251 Palestiniens ont été tués, dont 65% de civils et 551 enfants, et 67 Israéliens, dont 6 civils et 1 enfant.

[2]L’opération « Plomb Durci » de l’armée israélienne débuta le 27 décembre 2008, et prit fin le 18 janvier 2009. 1 417 Palestiniens ont été tués, dont 76% de civils et 24% d’enfants. 13 Israéliens ont été tués, dont 3 civils.

Par Thomas Vescovi
Etudiant-chercheur en Histoire contemporaine, spécialisé dans l'Histoire du Proche-Orient 

Membre de l’Association France Palestine Solidarité

 

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