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Religion, gouvernance et société au Maroc

La nature du système politique marocain a été profondément modifiée et façonnée par l’émergence d’une forme de religiosité islamique fondée sur la glorification du prophète Mohammad et la vénération de saints acclamés par la population. i De phénomène purement religieux, la dévotion portée au Prophète et à sa lignée s’est transformée en un principe majeur de légitimité, tant dans le domaine religieux que politique. ii

En effet, dans la mesure où la légitimité tendait à s’articuler autour de la lignée prophétique, la société marocaine a connu une intense rivalité entre les saints et les sultans, ou chefs spirituels et temporels, ces derniers s’efforçant de maintenir les saints et les soufis dans une sphère strictement religieuse. Cette rivalité entre les deux parties est cruciale pour la compréhension de l’histoire moderne du Maroc et de son système politique actuel. iii

L’islam marocain présente trois caractéristiques générales : il est majoritairement sunnite, il s’inspire de l’école juridique malékite et il est caractérisé par un héritage historique de forte adhésion aux confréries soufies (zaouïa) et au culte des saints. iv

Nature de l’Islam du Maroc

Le Royaume du Maroc a tendance à se considérer comme une sorte d’exception par rapport à ses voisins musulmans et arabes en raison de l’absence supposée de conflits d’inspiration religieuse. Cette idée d’une “exception marocaine” a été violemment brisée par les attentats de Casablanca de 2003, perpétrés par des djihadistes islamiques locaux. v Cependant, grâce à une série de réformes de grande ampleur mises en œuvre par l’État dans le domaine religieux à la suite des attentats, le Maroc semble avoir regagné son image de modèle potentiel non seulement pour sa région, mais aussi pour l’islam européen. vi

Les spécificités de l’islam marocain et de son histoire sont couramment citées pour expliquer pourquoi le Maroc se distingue des autres pays musulmans en termes de relation entre politique, pouvoir et religion.

Sur le plan théologique, cette capacité ostensible de tolérance est affirmée par les universitaires et les officiels grâce à un triumvirat particulier de traditions islamiques nationales : l’école malékite de jurisprudence islamique (maddhab), le credo ash’ari (caqīda), et l’influence de diverses formes de soufisme. Ce mélange théologique a été mobilisé par l’État en opposition à ce qui a été perçu comme le coupable anonyme des attentats de 2003 : la croissance excessive du salafisme wahhabite de style saoudien dans le pays, dépeint comme étranger aux traditions religieuses marocaines. vii

En effet, l’actuel roi Mohammed VI a réitéré l’importance de ces traditions islamiques nationales pour assurer la “tranquillité et la sécurité spirituelle” des musulmans marocains dans le pays et à l’étranger, viii comme le veut sa propre position officielle de “Commandeur des croyants” (amīr al-mu’minīn).

La possibilité d’étendre la vision de l’État en matière de tolérance religieuse et de sécurité spirituelle aux membres de la diaspora marocaine a pris une importance considérable depuis le départ des premières grandes vagues de travailleurs migrants vers l’Europe occidentale dans les années 1960. Aujourd’hui, les migrants marocains et leurs descendants sont présents dans tous les pays d’Europe occidentale. Ils représentent les principaux groupes démographiques établis en France, aux Pays-Bas et en Belgique, et plus récemment, ils ont rejoint les rangs des plus grandes minorités en Espagne et en Italie également.

Parallèlement au développement de ces communautés de la diaspora, l’État marocain a progressivement élaboré des politiques religieuses destinées à fournir des services religieux aux Marocains de l’étranger, allant de l’envoi d’imams pendant le mois de Ramadan au financement pur et simple de la construction de mosquées et d’associations islamiques dans les pays étrangers. Dans quelle mesure, cependant, ces politiques religieuses promues par l’État sont-elles adaptées aux contextes de l’Europe occidentale et quelle influence peuvent-elles avoir sur la construction d’un islam européen ? ix

Au sujet de ces points, Benjamin Bruce écrit : x

‘’Malgré les nombreux obstacles, la récente politique religieuse marocaine envers la diaspora a essayé de s’adapter à la réalité de l’Europe occidentale dans laquelle vivent les marocains musulmans. Ces initiatives politiques visent à atteindre des objectifs complémentaires : l’institutionnalisation d’une présence plus directe et constante sur place des autorités religieuses marocaines à l’étranger ; le contrôle des intermédiaires de la diaspora (associations liées aux mosquées et fédérations islamiques) par le biais de subventions financières et de l’envoi de personnel religieux ; l’influence sur le développement de l’Islam à l’étranger à travers la formation des prochaines générations de leaders religieux. Quelle pourrait être alors la contribution du Maroc à un Islam européen allant au-delà d’une simple réaffirmation du nationalisme marocain ? ‘’

En réponse à cette importante question, il ajoute :

‘’Les traditions religieuses marocaines pourraient contribuer au développement théologique de l’Islam européen. Mais il est important de considérer que quand une religion est liée à l’État, elle dépend des contingences des intérêts de l’État comme tous les autres éléments des politiques publiques. ‘’

L’élaboration du discours religieux

Depuis la fondation de l’université al-Qaraouiyine à Fès en 859, le Maroc a joué un rôle important dans l’élaboration du discours religieux et de l’éducation dans le monde islamique. Al-Qaraouiyine est largement considérée comme la première université du monde ; elle a accueilli des sommités musulmanes telles que Ibn Rushd, Leo Africanus et Ibn Khaldun, ainsi que des personnalités juives et chrétiennes telles que Maimonides et le pape Sylvestre II. xi Exemplaire de l’histoire du pays, Fès est également le lieu du sanctuaire de Moulay Idriss, un site de pèlerinage populaire, et la zaouïa at-Tijaniyya, qui était la base de la Tijaniyya, l’un des ordres soufis les plus répandus, avant de se répandre en Afrique et au-delà. xii

Le Maroc est également parsemé de zaouïas remarquables, d’Ouazzane dans le nord à Tamegroute dans la vallée du Draa, des communautés religieuses qui ont historiquement servi de pensionnats pour l’éducation religieuse, de points de repère pour les pèlerins en voyage, et de centres de prière et de dévotion. Que l’on se trouve dans une ville marocaine ou à la campagne, il est difficile de regarder à l’horizon sans voir au moins un sanctuaire dédié à un saint soufi.

Au fil des siècles, le Maroc a servi de plaque tournante pour les échanges religieux et commerciaux entre l’Afrique du Nord et de l’Ouest, la péninsule ibérique et le reste du monde arabophone. La célèbre ville de Marrakech, par exemple, était la principale destination commerciale et halte au nord du Sahara, où les marchands apportaient leurs marchandises et les pèlerins leurs livres et leurs idées. Ainsi, en plus d’influencer d’autres parties de l’Islam, le Maroc a également absorbé la pensée et les pratiques religieuses d’autres parties de l’Islam. Historiquement, ces différents courants religieux ont été acceptés sous le parapluie large et pluraliste de l’Islam de coloration marocaine. xiii

Alors que l’Islam officiel au Maroc est dirigé par le roi, il est également représenté par les ulemā, les savants islamiques qui ont toujours soutenu et légitimé l’ordre politique. En tant que représentants du savoir religieux traditionnel, les érudits islamiques veillent à l’application des principes de la sharīcau sein des institutions de l’État et dans la sphère publique d’un point de vue sunnite, mālikī et ashcarī afin de garantir l’”islamité” du Maroc. xiv

Dans la pratique politique, le corps des ulemā fonctionne comme une institution politique chargée de légitimer les pouvoirs de l’État. La relation entre la monarchie et les ulemā est donc très étroite, tout comme leurs relations avec les institutions religieuses traditionnelles, l’Université islamique al-Qarawiyyīn de Fès et le Dār al-Hadīth al-Hasaniyya à Rabat. Cette dernière institution, fondée en 1964, se consacre à la formation des futurs fonctionnaires religieux, mais son principal objectif est de contrôler le discours religieux et de diffuser l’idéologie officielle de l’État à travers le discours religieux dans le pays et au-delà. Un rôle très similaire est joué par la Ligue des ulemā (Rābitat al-culamā’), fondée par le roi comme un conseil d’érudits musulmans chargé de conseiller l’État sur le plan religieux et d’émettre des fatwas. xv

En termes idéologiques, il y a une identification claire entre l’Islam et l’ordre établi qui limite toute possibilité de confrontation politique avec le régime politique, tant que l’Islam lui-même est identifié à l’État à tous les niveaux : xvi politique, juridique et administratif :

  • Au niveau politique, l’islam est représenté par l’imārat al-mu’minīn et par la structure et l’action du Ministère des Affaires des Affaires islamiques, qui est l’une des institutions les plus importantes et les plus stables au sein du gouvernement ;
  • Au niveau juridique, la référence islamique est présente dans le développement juridique des lois sur la famille contenues dans le Code de la famille (Mudawwanat al-‘usra), dont les règles sont directement issues de la jurisprudence islamique et réglemente le mariage, la progéniture et l’héritage. Le poids social de ce niveau est évident, car il n’existe aucune possibilité de traiter ces faits en dehors du cadre juridique islamique, et ;
  • Enfin, au niveau administratif, l’Islam est codifié comme référence éthique toujours présente dans le discours islamique lié à l’administration et à la monarchie. De ce point de vue, toute opposition politique contre la monarchie serait symboliquement définie comme une opposition contre la religion et la tradition, comme ce fut le cas pour les mouvements d’opposition politique fondés sur des idéologies comme le socialisme pur et dur, le marxisme ou l’islamisme.

Le Maroc imprégné de mysticisme et de spiritualité

Le Maroc est imprégné de mysticisme et de spiritualité. Des côtes atlantique et méditerranéenne du Maroc au désert du Sahara, le royaume est parsemé d’un large éventail de sites sacrés. Ces sites saints et sacrés sont appelés zaouïas. Ils sont l’endroit où les saints marocains d’origine soufie, islamique et juive ont été enterrés. Ces zaouïas sont des sites sacrés qui, depuis des siècles, font partie du pèlerinage spirituel de ceux qui visitent le Maroc.

Une zaouïa a été historiquement désignée comme une école religieuse ou un monastère islamique. Cependant, le terme original est originaire du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest et est plus librement décrit comme un site sacré qui est saint et qui contient également une piscine ou une fontaine. xvii

La découverte des zaouïas marocaines donne un aperçu du peuple marocain, de ses traditions, de ses valeurs et de sa culture unique. Elle offre à ceux qui s’intéressent aux sites historiques, religieux et spirituels une vue de l’intérieur de la culture. L’exploration des 8 sites sacrés et spirituels soufis du Maroc peut être une partie enrichissante du voyage au Maroc.

Les différentes tribus ethniques berbères et musulmanes du Maroc ont effectué des voyages spirituels à travers l’ancien Maghreb. Au cours de leurs voyages, elles ont découvert ou enterré leurs saints et ceux d’honneur. Les saints sont soit des personnages historiques, soit liés aux confréries soufies du Maroc. Les confréries soufies constituent une communauté mystique et revendiquent une part importante de l’histoire spirituelle et religieuse passée et présente du pays. Il y a des centaines de saints au Maroc et les zaouïas sont les anciennes résidences des saints qui ont été transformées en lieux de prière et de cérémonie. xviii

Au sujet du soufisme au Maroc et son rôle prépondérant dans la scène politique Youssef Ait Akdim a écrit un article intitulé : ‘’Les soufis de Sa Majesté’’ dans Jeune Afrique xix

‘’Les adeptes de la puissante confrérie Boudchichiya ont fait irruption dans la campagne référendaire au Maroc en marchant massivement pour le oui au projet de Constitution. Preuve, s’il en est, que la monarchie dispose de plusieurs cordes à son arc religieux.

Dimanche 26 juin, les rues de Casablanca accueillent des marcheurs d’un genre nouveau. Alors que, depuis quatre mois, la capitale économique du royaume vivait au rythme des manifestations hebdomadaires à l’appel du mouvement de contestation du 20 février, ce jour-là, ce sont les fidèles de Cheikh Hamza qui battent le pavé en plein Derb Soltane. Dans ce quartier populaire au nom évocateur (littéralement le « quartier du sultan ») et à proximité du palais royal, les partisans de la Tariqa qadiriya boudchichiya viennent affirmer leur appui au projet de Constitution présenté par le roi Mohammed VI le 17 juin. Des milliers de fidèles ont afflué en bus de toutes les régions. Dès les premières heures de ce dimanche de canicule, ils se rassemblent par petits groupes de discussion pour tuer le temps, le départ de la marche ayant été repoussé à l’après-midi. Beaucoup ne connaissent pas la ville et n’osent pas s’aventurer seuls. Quelques téméraires tentent des expéditions commerciales. En vain : les milliers de vendeurs ambulants animant habituellement les alentours ont mystérieusement disparu. Pas de quoi décourager les adeptes de Cheikh Hamza. ‘’

Islam comme antidote à la crise idéologique moderne

La promotion d’un islam de coloration marocaine et cosmopolite comme antidote à la crise idéologique moderne est une initiative louable. xx En outre, les nouveaux programmes éducatifs du royaume et l’accent mis sur la prévention de l’extrémisme d’inspiration religieuse constituent un modèle important de gouvernance islamique responsable. Cependant, ce modèle n’est pas encore au point, et les vastes efforts du royaume pour combattre l’extrémisme islamiste sont confrontés à d’importantes limitations et à des problèmes imminents.

À l’intérieur du pays, le Maroc est toujours aux prises avec diverses formes de dissidence religieuse et politique ; les idéaux de la monarchie en matière d’Islam de coloration marocaine sont contestés, et le niveau d’adhésion ou d’influence religieuse de la monarchie auprès du grand public marocain n’est pas clair. xxi

Le pays est également confronté à des défis fondamentaux en matière de gouvernance, notamment une mauvaise gestion bureaucratique généralisée et l’accueil de migrants étrangers, qui nuisent à ses efforts pour favoriser la stabilité sociale. En outre, à part une forte critique de l’extrémisme religieux, les seuls autres principes notables de la vision religieuse actuelle du royaume sont un engagement envers un plus grand degré d’œcuménisme religieux et une acceptation générale des pratiques soufies.

Ces positions ne sont pas universellement soutenues par les Marocains, dont une grande partie continue d’adhérer aux enseignements salafistes qui se caractérisent par l’intolérance et souvent le radicalisme. Malgré la rhétorique officielle sur un islam marocain unique et modéré, celui-ci n’a pas encore gagné beaucoup de traction et d’influence parmi les salafistes marocains et d’autres groupes, tandis que les salafistes accusent les efforts du gouvernement pour promouvoir et imposer la religion d’être politiquement intéressés et oppressifs.

Réglementer la religion

Les efforts actuels de l’État marocain visent à réglementer la religion non seulement pour faire la lumière sur les relations entre la religion et le pouvoir au Maroc, mais aussi pour mettre en évidence les aspects incarnés du taṣawwuf en tant que tradition pratique souvent éludée dans les études qui conçoivent le soufisme comme un mysticisme islamique.

Dans une tradition pratique, le taṣawwuf implique la culture de la piété vertueuse (iḥsān) et que dans son rôle d’élément de l’identité religieuse marocaine, l’iḥsān constitue une forme de piété publique dans laquelle le développement spirituel et la réforme sociale opèrent conjointement.

Plus largement, la performance publique du soufisme en tant que tradition éthique façonne et exprime simultanément des modes alternatifs d’affiliation politique qui transcendent les distinctions nationales ou régionales existantes. Au cours des vingt dernières années, sous la direction du roi Mohammed VI, le Maroc a mis en œuvre un programme de régulation et de réforme du champ religieux (al-ḥaql ad-dīnī) à l’échelle nationale et régionale. xxii

Dans ce processus, l’État a mis en place un ensemble d’institutions gouvernementales et quasi-gouvernementales visant à construire et à propager une religiosité marocaine comme alternative aux autres marques mondiales de l’islam (par exemple, le wahhabisme saoudien, le chiisme iranien, le djihadisme militant). Bien que défini comme sunnite, malékite et ashʿari, cet islam de coloration marocaine autorisé se distingue des autres principalement par l’inclusion du taṣawwuf comme élément constitutif. En conséquence, le Maroc a explicitement parrainé le taṣawwuf dans le cadre d’une stratégie visant à combattre l’influence des autorités alternatives à l’intérieur du pays et à cultiver des liens au niveau régional dans le cadre d’une tactique de diplomatie spirituelle. xxiii

Dans le contexte du parrainage du soufisme par le Maroc, on peut poser les questions pertinentes suivantes :

  1. Quel effet la politique marocaine de promotion du soufisme a-t-elle eu sur les pratiques locales ?
  2. Comment les groupes soufis au Maroc ont-ils réarticulé et redéployé les pratiques traditionnelles pour présenter des visions de réforme ? et
  3. Comment ces visions s’alignent-elles parfois sur un islam de coloration marocaine autorisé et comment le critiquent-elles à d’autres moments ?

Après les attentats de Casablanca en 2003, le gouvernement marocain a modifié sa définition de l’islam marocain pour y inclure spécifiquement le soufisme, qui, selon lui, constituerait une alternative modérée à l’islam militant.

Cela explique l’adoption et l’encouragement par le gouvernement de l’ordre soufi Qadiriyya Boutchichiyya comme alternative à d’autres mouvements et partis – y compris le mouvement soufi al-cAdl wa’l-Ihsan xxiv et le Parti pour la Justice et le Développent -PJD- – qui peuvent exprimer des points de vue plus critiques sur la monarchie marocaine.

Al-wasatiyya ou la voie mediane

Le positionnement symbolique du Maroc consiste à affirmer une ” voie médiane ” de l’islam reposant sur trois piliers doctrinaux et spirituels. Plus précisément, depuis 2015, la diplomatie religieuse africaine du Maroc a recours à un institut de formation spécifique. Le 27 mars 2015, le souverain marocain a inauguré l’Institut Mohammed VI pour la formation des imams, des morchidines et des morchidates.

Ce complexe de style arabo-andalou de près de 30 000 m2, situé dans le quartier du campus universitaire de Madinat al-Irfane, à Rabat, a pour objectif de former, non seulement les imams marocains mais aussi ceux de nombreux pays du Sahel et d’Afrique subsaharienne, de Tunisie, de Libye, et même de France. En effet, ces pays sont à la recherche d’un cadre religieux modéré pour leurs populations, celui d’une “voie moyenne” de l’Islam (al-wasatiyyah), que le Maroc souhaite présenter comme son fil conducteur, notamment depuis les attentats qui ont frappé Casablanca en mai 2003. xxv

Cette forme plus modérée et équilibrée de l’islam repose sur un triptyque religieux symbolique ayant vocation à être la pierre angulaire de ” l’identité religieuse du Maroc “. Entre le discours du Trône du 30 juillet 2003 et le discours inaugural de l’Institut Mohammed VI du 27 mars 2015 par Ahmed Taoufiq, ministre des Affaires religieuses, cette identité religieuse marocaine est devenue de plus en plus élaborée et reconnue publiquement. En examinant la manière dont cette prétendue ” voie médiane ” islamique se révèle dans les discours officiels, il est possible de comprendre ses caractéristiques, ses tonalités, ses occurrences, ses ré-occurrences, ses champs sémantiques et de saisir les différentes notions d’islam qui se matérialisent.

Le Commandeur des Croyants

Dès le début de son histoire politique au Moyen Âge, le Maroc a été fondé sur la légitimité islamique, même si sa première expérience politique en tant qu’entité politique souveraine islamique était sous la forme d’un émirat chiite dirigé par la dynastie des Idrissides au 8ème siècle de notre ère.

À l’époque moderne, le poids idéologique de l’islam sunnite réformiste a permis de rassembler le gouvernement et la population autour d’une identité religieuse et politique commune basé sur l’approche médiane : wasatiyya.

Cependant, la tradition islamique marocaine était aussi fortement influencée par le soufisme, le courant mystique de l’Islam, de sorte que la dynastie Alaouite et le Makhzen ont toujours essayé de maintenir l’équilibre entre les deux forces idéologiques islamiques. Plus tard, le réformisme islamique a trouvé sa place dans la sphère politique sous la forme de l’idéologie salafiste importée d’Égypte.

Le roi du Maroc (Mohammed VI depuis 1999) n’est pas seulement le chef de l’État marocain, un état-nation musulman moderne et modéré, mais il est aussi la plus haute autorité religieuse et la personnification du leadership dans le pays et même à l’extérieur de celui-ci, comme le veut la tradition marocaine. L’imārat al-mu’minīn marocain est reconnu par d’autres autorités islamiques en Afrique occidentale et parmi la diaspora marocaine.

Dans la tradition sunnite, l’”amîr al-mu’minîn” désignait à l’origine le calife Umar, compagnon du prophète Mohammad et l’un des premiers dirigeants de la communauté musulmane. Ce titre religieux a également été utilisée par les califes suivants, ou chefs religieux. En revanche, selon la tradition chiite l’étiquette fait exclusivement référence au calife Ali, le gendre du prophète. Plusieurs leaders sunnites ont revendiqué ce surnom, les plus récents étant le mollah Omar des Talibans et Abou Bakr al-Baghdadi de l’État islamique, mais aucun autre chef d’État actuel ne porte ce titre. En tant que figure religieuse, le roi du Maroc peut diriger les prières de la congrégation, un rôle qui lui est dévolu et joué par peu de dirigeants politiques musulmans.

Après le 11 septembre 2001, le gouvernement a soutenu le soufisme dans l’espoir qu’il puisse servir de contrepoids aux formes extrémistes du salafisme. Depuis 2002, le ministère des Affaires islamiques est dirigé par Ahmed Toufiq, membre de l’ordre soufi Boutchichiya. Les efforts déployés par le Maroc pour asseoir sa réputation de modèle d’islam modéré ont consisté à s’ouvrir aux pays africains, la formation de femmes chefs religieux (mourchidates) et le parrainage d’imams étrangers pour étudier l’islam marocain au Centre de formation des imams de Rabat.

La Déclaration de Marrakech de 2016 a proclamé le fondement islamique de la protection des minorités religieuses en réponse au fait qu’ISIS a ciblé les Yazidis et les chrétiens. Mohammed VI a également renforcé la position du Maroc en tant que source de leadership religieux en Afrique du Nord-Ouest en s’adressant à des pays laïcs comme le Sénégal et le Mali qui ne peuvent légalement réglementer la religion, mais qui souhaitent décourager la propagation de l’extrémisme.

La mondialisation du Maroc a, à bien des égards, créé un fossé générationnel entre ses citoyens. L’ancienne génération de Marocains n’a pas été exposée au monde de la même manière que la génération actuelle, et les jeunes Marocains facilitent une convergence de l’espace culturel de la région avec la culture mondiale. Il est particulièrement clair dans les zones urbaines comment l’émergence de la communication de masse a conduit à la création d’un espace culturel plus dynamique ouvert à l’influence des idées mondiales, ce qui a une influence visible sur la religiosité affichée des jeunes.

La jeunesse marocaine est clairement inspirée par la culture occidentale, plus précisément celle de l’Europe. Le Maroc est souvent présenté de manière sensationnelle comme le pont entre l’Occident et l’Orient, l’intersection de l’Europe et de l’Afrique, la porte entre le christianisme et l’islam…en effet, ces déclarations ont des tonalités clairement orientalistes, mais la présence de la culture européenne au Maroc est vraiment très profonde.

Mohamed Tozy a écrit dans ce sens que : xxvi

‘’La conjugaison de plusieurs facteurs comme la révolution technologique (NTI), la présence d’importantes communautés d’origine marocaine à l’étranger et l’ouverture du paysage médiatique vont amener les Marocains à s’affranchir de plus en plus des modes traditionnels de socialisation religieuse. La disponibilité d’une offre religieuse diversifiée et non totalement contrôlée par l’État va amener les Marocains à composer leur propre « menu » religieux et à s’autoriser des syncrétismes d’abord au sein même de la religion musulmane (dans le sens d’un rapprochement avec le chiisme) et probablement avec les autres religions , soit dans le cadre d’un processus sécularisé situant la pratique spirituelle dans la sphère privée, soit dans le cadre d’un mouvement de réforme religieuse comme ce fut le cas pour le bahaïsme.

L’école a une grande responsabilité pour donner aux jeunes les outils de navigation dans ce marché libre des valeurs religieuses. ‘’

Visible dans toutes les tranches d’âge, mais fortement concentrée dans la jeunesse, les influences européennes (et les héritages coloniaux, bien sûr) sont présentées à travers les vêtements, les coiffures, la musique, la langue, les loisirs et le consumérisme. L’ouverture, voire la préférence, de la jeunesse marocaine pour les cultures et les influences extérieures a eu un impact sur la religiosité.

La vie religieuse contemporaine est une tendance majeure vers la ‘spiritualité’ qui est définie comme post-institutionnelle, globale, hybride et post-orthodoxe. C’est en partie le résultat de la croissance de la religion en ligne et de l’augmentation du nombre d’internautes.

L’islamisme au Maroc

Le mouvement islamiste au Maroc est loin d’être homogène. Pluraliste par nature, l’islamisme marocain se divise en deux groupes principaux : le Parti de la Justice et du Développement -PJD- (Hizbo al-cadâla wa at-tanmiya), et Justice et Charité (al-cAdl wa’l-Ihsan). xxvii

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Historiquement, l’islamisation a eu une trajectoire lente au Maroc par rapport aux développements dans les États arabes voisins. Les premiers développements importants ont eu lieu dans les années 1970, lorsque la politique officielle d’arabisation a conduit à un afflux d’enseignants du Moyen-Orient qui ont apporté de nouvelles idées, notamment salafistes. Cette décennie a également vu l’émergence des premières organisations islamistes marocaines, dont notamment la violente et clandestine organisation islamiste ach-Chabiba al-Islamiyya (Jeunesse islamique). Également, Cheikh Yassine (ancien adepte de la zaouïa Boutchichiyya et futur fondateur de Justice et Charité) fait son entrée dans l’histoire de l’islam. Il a fait sa première apparition publique avec la publication d’une lettre publique très critique et controversée adressée à Hassan II, qui lui coûtera de nombreuses années d’enfermement.

Au cours des années 1980 et 1990, l’influence islamiste s’est considérablement renforcée. Alors que les adeptes de la Jeunesse islamique et de Justice et Charité étaient sévèrement persécutés, le courant salafiste wahhabite était officiellement autorisé (sinon carrément encouragé) par le roi Hassan II comme moyen de contrer et d’affaiblir spécifiquement l’influence croissante de la Justice et Charité mais aussi celle du futur PJD/MUR, dont les membres sont considérés comme des kuffâr (infidèles) par les salafistes wahhabites. xxviii

Ce n’est qu’après le 11 septembre 2001, et plus encore après le 16 mai 2003 (lorsqu’un groupe de jeunes salafistes djihadistes inspirés par al-Qaida a commis le premier attentat terroriste de grande ampleur au Maroc), que l’état a changé d’attitude vis-à-vis des salafistes. xxix

Toutefois, depuis l’avènement du Printemps arabe en 2011, les partis islamistes au Maroc ont connu une transformation idéologique, passant d’une doctrine politique radicale – voire violente – à une stratégie plus pragmatique et progressiste.

La moralité islamique est – sur le plan éthique et esthétique – une référence centrale dans l’utilisation de l’idéologie xxx comme ressource quasi exclusive dans la compétition pour le pouvoir. xxxi Ainsi, l’alternative islamiste au Maroc repose sur une idéologie politique et sociale fondée sur une nouvelle légitimité islamique présente dans un nouveau discours religieux de changement politique et de réforme sociale.

Symboliquement liée aux concepts de “démocratie” (ou son alternative endogène islamique, la shūrah) et de ” justice ” (cadl) comme fondements de leur opposition, l’islam politique marocain émet un discours qui s’inscrit dans le cadre d’une politique de changement politique et de réforme sociale mais, en même temps, se situe clairement dans le cadre de la modernité politique. Rempli de concepts dérivés de la tradition juridique de l’Islam classique, le discours islamiste marocain s’adresse principalement à la monarchie et aux acteurs politiques concurrents, et accessoirement au reste de la société.

Dans les deux cas, le discours islamiste affiche un message très puissant en termes de “démocratisation” de la référence islamique comme principale source de légitimité politique. xxxii Ce discours, au-delà de son lien immédiat avec des contextes historiques très concrets, utilise des concepts islamiques facilement reconnaissables par les Marocains. Ces concepts sont politisés à l’origine et repolitisés dans le discours avec l’ajout d’une signification politique contextuelle, et basés de manière pragmatique sur les conditions de la compétition pour le pouvoir au Maroc et la position de chacun des acteurs islamistes dans ce contexte.

Sur le plan moral, il n’est pas possible de refuser l’autorité légale de la monarchie d’un point de vue ” islamique “, car son pouvoir politique est inséparable de sa légitimité religieuse. xxxiii Ce statut fait de l’action de l’islam politique au Maroc une action beaucoup plus idéologique que dans d’autres contextes musulmans, surtout dans le cas de l’utilisation de concepts juridiques et politiques islamiques tels que l’” imamat ” (imāmah) et le ” califat ” (khilāfah) par les principaux acteurs islamistes marocains tel le PJD, entre autres.

Le PJD accepte bien évidemment la légitimité politique et religieuse de la monarchie, mais il cherche à mettre fin à la corruption dans la vie publique. Ils ne rejettent pas sur la monarchie la responsabilité de la situation d’inégalité, de pauvreté et de corruption dans le pays. Il accuse plutôt leurs concurrents politiques. Dans son discours et sa pratique, le PJD fait preuve de respect pour la figure du roi en tant que plus haute autorité islamique du pays, car il garantit le respect des droits de l’homme. En ce sens son point de vue est plutôt conservateur comparé à al-cadl wa’l-Ihsan qui a toujours rejeté la faute sur l’establishment sans ambiguïté. xxxiv

En termes généraux, l’Islam politique est apparu comme l’expression d’une alternative idéologique et politique au Maroc, qui souligne l’importance de l’éducation et de la formation.

Le PJD n’a pas participé officiellement au Mouvement du 20 février en 2011, et n’a pas non plus soutenu les manifestations. Cependant, il a soutenu certaines des revendications générales des manifestants et a autorisé ces membres, à titre personnel, à se joindre aux manifestations. Ainsi, il a gardé un profil bas en tant qu’acteur politique institutionnel, tout en utilisant les manifestations sur le plan idéologique comme une source de pouvoir avec une approche réactive. xxxv

Contrairement au PJD, al-cAdl wa’l-Ihsan rejette tout engagement de ce type, mais se dissocie également de groupes comme al-Qaïda. Il n’y a pas beaucoup de caractéristiques que ce mouvement partage avec les groupes islamistes d’autres pays arabes, ce qui s’explique par la personnalité de son feu leader, le charismatique Cheikh Abdessalam Yassine.

Le caractère du feu Cheikh Abdessalam Yassine a été formé par le soufisme, un mouvement spirituel de l’Islam. Avec sa structure interne hiérarchique, son parti a été entièrement adapté à sa personne. al-cAdl wa’l-Ihsan attire un nombre de Marocains en raison de son caractère, qui est spirituel aussi bien que politique.

Si l’État ne ménage pas ses efforts à l’égard d’al-cAdl wa’l-Ihsan, il tolère le mouvement, s’abstient de persécuter systématiquement ses adhérents, et tolère même les interviews de ces leaders que l’on trouve dans les journaux. Une des raisons de cette double stratégie peut être l’utilité du mouvement qui, après tout, est nécessaire comme rempart contre le wahhabisme ainsi que le terrorisme d’al-Qaïda.

La relation entre les deux acteurs islamistes du Maroc est ambivalente. Si al-cAdl wa’l-Ihsan reconnaît le succès du PJD, mais il lui reproche de se plier au système, perdant ainsi une grande partie de sa crédibilité.

Conclusion

Si l’Islam politique au Maroc n’est certainement pas mort, il est confronté à une société dynamique qui subit un processus de réforme sociale et économique qui impose une adaptation constante. De plus, il a affaire à une monarchie qui suit depuis longtemps une stratégie réussie consistant à intégrer les forces d’opposition dans le système et à les affaiblir ainsi.

Jusqu’aujourd’hui, le Roi Mohammed VI a poursuivi avec succès sa politique de réformes et de modernisation sans mettre en péril la tradition ou les traditions ou la préservation du caractère islamique du pays et l’identité marocaine. xxxvi

Notes de fin de texte :

i Hagopian, Elaine C. “Islam and Society-Formation in Morocco Past and Present.” Journal for the Scientific Study of Religion, vol. 3, no. 1, [Society for the Scientific Study of Religion, Wiley], 1963, pp. 70–80, https://doi.org/10.2307/1385007.

ii Eickelman, D. Moroccan Islam: Tradition and Society in a Pilgrimage Centre. Austin: The University of Texas Press, 1976.

iii Al-Othmani, Saad-Eddine. Ad-Dīn wa’s-siyāsa. Tamayyīz lā faslCasablanca: al-Markaz ath-Thaqāfī al-cArabī, 2009.

iv Ferrié, J.-N. La religion de la vie quotidienne chez les Marocains musulmans. Paris : Karthala, 2005.

v Charai, Ahmed. ‘’The Moroccan Exception’’, Foreign Policy Research institute, du 3 février 2011. https://www.fpri.org/article/2011/02/the-moroccan-exception/

vi Chtatou, Mohamed. ‘’Aspects of the Moroccan Exception’’, Morocco World News, du 31 mars 2018. https://www.moroccoworldnews.com/2018/03/243466/aspects-moroccan-exception-morocco-culture-diversity

vii Heck, Paul L. “An Early Response to Wahhabism from Morocco: The Politics of Intercession.” Studia Islamica, vol. 107, no. 2, [Brill, Maisonneuve & Larose], 2012, pp. 235–54, http://www.jstor.org/stable/43577526.

viii Royaume du Maroc, “Dahir n. 1-08-17 du 20 chaoual 1429 (20 octobre 2008) portant organisation du Conseil marocain des oulémas pour l’Europe,” Bulletin officiel, no. 5688 (décembre 2008), pp. 1642–44.

ix Conseil de la Communauté marocaine à l’étranger (CCME). Islam en Europe : quel modèle ? Actes du colloque international organisé par le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger. Rabat, Éditions Marsam, 2011.

x Bruce, Bejamin. ‘’La voie marocaine de l’Islam européen ‘’, Oasis, du 27 mars 2019. https://www.oasiscenter.eu/fr/la-voie-marocaine-de-l-islam-europeen

xi Berque, J. ‘’Ville et Université. Aperçu sur l’histoire de l’école de Fès ‘’, Revue historique de droit français et étranger, volume XXVII, 1949.

xii Abun-Nasr, Jamil M. A History of the Maghrib in the Islamic PeriodCambridge: Cambridge University Press, 1987.

xiii “Moroccan Islam in the Twenty-First Century.” Bureaucratizing Islam: Morocco and the War on Terror, by Ann Marie Wainscott. Cambridge: Cambridge University Press, 2017, pp. 70–96.

xiv El Ayadi, M. Religion, État et société dans le Maroc contemporain, doctorat d’État, Université Denis Diderot, Paris, 1997.

xv Geertz, C. Islam Observed: Religious Development in Morocco and Indonesia. Chicago: The University of Chicago Press, 1971.

xvi Hagopian, Elaine C. “Islam and Society-Formation in Morocco Past and Present.” Journal for the Scientific Study of Religion, vol. 3, no. 1, [Society for the Scientific Study of Religion, Wiley], 1963, pp. 70–80, https://doi.org/10.2307/1385007.

xvii Rodriguez-Mañas, Francisco. “Charity and Deceit: The Practice of the Iṭ’ām al-Ṭa’ām in Moroccan Sufism.” Studia Islamica, no. 91, [Brill, Maisonneuve & Larose], 2000, pp. 59–90, https://doi.org/10.2307/1596269.

xviii Chtatou, Mohamed. ‘’Islam is Couched in Sufism in Morocco’’, Morocco World News, du 18 juillet 2019. https://www.moroccoworldnews.com/2019/07/278542/islam-sufism-morocco-extremism

xx Tozy, M. ; Rachik, H. & El Ayadi, M. L’islam au quotidien. Casablanca : Prologues, 2007.

xxi Belal, Youssef. Le cheikh et le calife. Soiologie religieuse de l’islam politique au Maroc. Lyon: Ecole Normale Superieure, 2011.

xxii Zeghal, Malika. Les islamistes marocains, le défi de la monarchieParis: La Découverte, coll. « Cahiers libres », 2005.

xxiii Ann Marie Wainscott, Bureaucratizing Islam: Morocco and the War on Terror. Cambridge: Cambridge University Press, 2018.

Comment les États du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont-ils réagi à la guerre contre le terrorisme ? Bien que de nombreuses études se soient concentrées sur le terrorisme dans la région, il existe un besoin d’études critiques des politiques antiterroristes des États du Moyen-Orient. Ce livre répond à ce besoin en étudiant l’approche unique du Maroc en matière de contre-terrorisme : la bureaucratisation de la religion. La stratégie marocaine est unique dans la mesure où elle s’appuie sur des réformes visant à faire des institutions religieuses du pays des outils permettant de récompenser la loyauté et de décourager la dissidence des élites religieuses. Grâce à ces mesures, elles ont limité l’opposition par le biais d’une forme durable de contrôle institutionnel, permettant de satisfaire certains des critiques les plus virulents du pays. Ce livre sera d’une grande utilité pour les chercheurs et les spécialistes de la politique du Moyen-Orient, et il intéressera également les décideurs politiques qui s’intéressent aux études de sécurité et aux politiques de lutte contre le terrorisme.

xxiv Cavatorta, Francesco. “Neither participation nor revolution the strategy of the Moroccan Jamiat al-Adl wal-Ihsan,” in Mediterranean Politics, 12(3), 2007: pp. 381-397.

xxv Hassan, Muhammad Haniff. “<em>Wasatiyyah</Em> as Explained by Prof. Muhammad Kamal Hassan: Justice, Excellence and Balance.” Counter Terrorist Trends and Analyses, vol. 6, no. 2, International Centre for Political Violence and Terrorism Research, 2014, pp. 24–30, http://www.jstor.org/stable/26351233.

xxvi Tozy, Mohamed. ‘’L’évolution du champ religieux marocain au défi de la mondialisation ‘’, Revue internationale de politique comparée, vol. 16, no. 1, 2009, pp. 63-81.

xxvii Dialmy, Abdessamad. “L´islamisme marocain entre révolution et intégration”, in Archives des Sciences Sociales des Religions, 110, 2007: p. 7.

xxviii Halverson, Jeffry R. Theology and Creed in Sunni Islam. The Muslim Brotherhood, Ash’arism, and Political SunnismNew York: Palgrave, 2010.

xxix Mohsen-Finan, Khadija & Malika Zeghal. “Opposition islamiste et pouvoir monarchique au Maroc: Le cas du Parti de la Justice et du Développement”, in Revue française de science politique, 56, 2006: pp. 79-119.

xxx Macías-Amoretti, Juan A. “Imamate and Caliphate: Islamic Governance Theory in Moroccan Islamist Discourse,” in Caliphates and Islamic Global Politics, edited by Timothy Poirson and Robert L. Oprisko, pp. 24-33. Bristol: E-International Relations Publications, 2014.

xxxi Brichs, Ferran Izquierdo, ed. El islam político en un contexto de revueltasBarcelona: CIDOB, 2013: pp. 319-349.

xxxii Storm, Lise. Democratization in Morocco: The political elite and struggles for power in the post-independence stateLondon: Routledge, 2010.

Ce livre explore les jeux politiques du processus de démocratisation du Maroc dans la période allant de l’indépendance en 1956 jusqu’à 2006. En combinant un grand nombre de théories politiques avec du matériel empirique sur le Maroc, il analyse les stratégies et les actions des différents acteurs politiques et évalue le niveau de démocratie présent dans le pays après l’adoption de nouvelles constitutions en 1962, 1970, 1972, 1980, 1992 et 1996.

Lise Storm démontre que, dans certains cas au moins, la démocratisation a été plus qu’une simple stratégie de survie – de temps à autre, des figures clés de l’élite politique ont poussé le processus de démocratisation plus loin que ce qui était strictement nécessaire pour rester au pouvoir. Dans le cas du Maroc, c’est le monarque qui, à plus d’une occasion, a fait avancer le pays vers l’idéal démocratique plus qu’il ne devait nécessairement le faire, et ce parfois même contre la volonté d’un ou de plusieurs des partis politiques établis. Ce livre illustre comment les partis politiques marocains, comme tant de leurs homologues dans la région, sont devenus le principal obstacle à une démocratisation plus poussée, car la plupart d’entre eux n’ont jamais honoré – ou semblent avoir abandonné – la fonction clé des partis politiques : la représentation populaire.

Democratization in Morocco sera une contribution très précieuse pour les étudiants et les chercheurs qui s’intéressent à la dynamique derrière la démocratisation marocaine et au rôle de la politique électorale dans la politique nord-africaine et moyen-orientale.

xxxiii Darif, Mohamed. Monarchie marocaine et acteurs religieux. Casablanca: Afrique Orient, 2010: pp. 23-25.

xxxiv El Ayadi, M. ‘’Abdessalam Yassine ou le poids des paradigmes dans le parcours d’un nouveau clerc ‘’, dans Parcours d’intellectuels maghrébinsParis : Karthala, 1999, pp. 129-163.

xxxv Wenger, Eva. Islamist Opposition in Authoritarian Regimes: The Party of Justice and Development in MoroccoSyracuse: Syracuse University Press, 2011.

Quels choix de mobilisation électorale font les partis d’opposition islamistes ? Comment se comportent-ils face aux titulaires autoritaires ? Quels facteurs clés influencent les choix de ces partis ? Islamist Opposition in Authoritarian Regimes explore les réponses à ces questions en étudiant le parcours du parti islamiste de la justice et du développement (PJD) au Maroc de 1992 à 2007. Wegner retrace les choix du parti à travers une analyse des contraintes organisationnelles, idéologiques et institutionnelles. Adoptant une perspective simple mais originale, Wegner distingue les partis islamistes des autres partis d’opposition en raison de leur lien avec un puissant mouvement social. L’auteur montre comment le PJD a, dans un premier temps, réalisé des progrès importants en matière de politique électorale en mettant en place une organisation de parti solide, en soutenant pleinement le mouvement islamiste et en se positionnant comme le seul parti d’opposition crédible. En fin de compte, l’échec du PJD à remporter les élections est dû aux concessions politiques qu’il a faites pour garantir sa légalité, ainsi qu’à son éloignement du mouvement islamiste. Basé sur des recherches approfondies sur le terrain au Maroc en 2003 et 2007 et s’appuyant sur des entretiens personnels avec des membres, des candidats et des dirigeants du PJD, Islamist Opposition in Authoritarian Regimes présente une étude de cas méticuleuse et éclairante. Wegner enrichit notre compréhension de l’autoritarisme électoral au Maroc et dans l’ensemble du monde arabo-islamique.

xxxvi Burke, Edmund. “Morocco and the Near East: Reflections on Some Basic Differences.” European Journal of Sociology / Archives Européennes de Sociologie / Europäisches Archiv Für Soziologie, vol. 10, no. 1, Cambridge University Press, 1969, pp. 70–94, http://www.jstor.org/stable/23998624.

 

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