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Réflexion sur l’appel des indigènes de la République

L’appel « Nous sommes les indigènes de la République » a eu le mérite de créer une dynamique au sein d’une partie de la population française issue des anciennes colonies.

J’ai longtemps eu un sentiment de colère face à l’absence de cette population dans les débats politiques et idéologiques qui secouent la société française : protection sociale, sécurité sociale, éducation nationale, Yougoslavie, deux guerre contre l’Irak, Palestine, Afghanistan.

Mais malgré les ambiguïtés du contenu de ce texte, sa dynamique m’a poussé à le signer.

Il faut souligner que cette population demeure cantonnée, volontairement ou non, dans un débat sans issue : intégration sociale et culturelle. Cette problématique est devenue, au cours du temps, la monnaie d’échange entre de prétendus porte paroles des éternels « intégrables » et les dirigeants des partis républicains. J’ai toujours refusé d’entrer dans ce débat tout en dénonçant ceux qui, de part et d’autre, l’utilisent comme fond de commerce.

Cette dénonciation, appuyée par d’autres faits de société, m’a amené à une conclusion simple : La classe dirigeante française en ne voulant pas consolider la « République des citoyens », construit « la République des tribus. »

Le Collectif des professeurs indigènes de la République se démarque t-il face à cette problématique ?

Avant de répondre, j’énonce un postulat : Je ne suis pas un indigène de la République ! Je suis un citoyen de la République ! En tant que tel, j’investis le champ démocratique et, en particulier, les outils démocratiques sur la base de mes convictions philosophiques et politiques. Je suis conscient que dans le « regard de l’autochtone », ma citoyenneté peut être perçue comme « une citoyenneté colonisée », si j’ose dire.

« L’autochtone » me verrait « musulman, pourquoi pas intégriste », et serait conforté dans sa pensée préfabriquée, tout en lui donnant un supplément d’âme, un supplément de tolérance ! Ou alors il pourrait me préférer « bon arabe, gentil, consensuel, intégré avec quelques bribes de mots d’ordre de gauche. » Bref, un brave citoyen à materner.

Comment dépasser ces problématiques « tribales » quand des philosophes de supermarchés co-signent avec Docteur « Taureau Ailé » et Imam « Bon Arabe » l’appel contre le racisme anti-blancs ?

Comment briser le miroir !

Cet engagement philosophique et politique sans concession est la seule arme dont je dispose. En prenant à mon compte le proverbe du poète W.Black, « soit toujours prêt à dire ce que tu penses et les ignobles t’éviteront, je récolte ainsi quelques amis et beaucoup d’ennemis »

Mais encore faut-il penser les bouleversements et les injustices qui secouent de fond en comble la société française, et la minent.

Dans ce combat, je pars d’une donnée simple : j’ai choisi de vivre dans cette société sous cette République. S’il est vrai que Vichy est une négation de celle-ci, il est vrai aussi que le colonialisme est un de ses fondateurs. Ce caractère, encore présent en elle, nécessite une lutte politique et philosophique, certes, mais, il faut l’avouer, le siècle des lumières est d’un grand secours. Soit dit en passant, « ces lumières » se sont nourries des travaux philosophiques du Musulman Ibn Rochd (Averroès) et de son disciple, le Juif, Maimonide.

Une telle option signifie que le but n’est pas d’« être aimé par le regard de l’autre » et d’induire ainsi une sorte de « controverse de Valladolid » moderne. L’enjeu est la construction d’une nouvelle citoyenneté. Elle nécessite un combat à mener sur deux fronts :

L’un externe, à savoir contre le système capitaliste qui génère les injustices économiques, sociales, culturelles et leurs corollaires, les discriminations ethniques et religieuses.

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L’autre interne, à savoir contre l’outil et le champ démocratiques parce qu’ils ne sont pas imperméables aux effets de cette injustice et du poids de l’histoire.

Mais il ne faut pas se tromper d’ennemi, l’interpénétration réelle entre les deux fronts ne signifie nullement qu’il y a équivalence. Une telle erreur d’appréciation génère des faux débats et participe à l’opération de division. A ce propos, il faut souligner que le pouvoir politique excelle dans l’art de gouverner en instrumentalisant les faux débats.

En ce sens, « la loi sur le voile » en est un.

En 1994, dans « Enjeux 31 », j’avais écrit un article intitulé « La laïcité voilée » où je rappelle les propos du père de la laïcité interpellant les députés français en ses termes : « Il faut choisir citoyens, il faut que la femme appartienne à la science ou qu’elle appartienne à l’église. » Et j’ajoutai, « les intégristes laïques ont choisi. »

Il faut souligner qu’une telle loi encourage la création d’établissements scolaires privés. Insidieusement, elle participe au démantèlement de l’Education Nationale qui est à l’ordre du jour.

« La revalorisation de l’héritage colonial » est aussi scandaleuse que la version officielle concernant le conflit du Moyen-orient et le drame du peuple palestinien.

Elle traduit le rapport de domination du Nord sur le Sud. En effet, la sortie de l’époque du colonialisme a débouché sur l’entrée dans celle du post-colonialisme. Mais on n’est jamais sorti de l’ère de l’impérialisme, récemment qualifié de révolution démocratique mondiale. Dans cette affaire, les bourgeoisies du Sud, leurs classes dirigeantes et une partie de l’intelligentsia sont parties prenantes. Elles ont vendu corps et âme pour conserver ce que le maître a décidé de conserver pour elles.

Quant à la mémoire !

La mémoire collective est l’inspiratrice du vivant mais encore faut-il que ce dernier la fasse vivre en luttant contre ce qui a fait des populations des victimes de génocides, des esclaves ou des colonisés. Car s’il faut témoigner, c’est pour les vivants.

Toujours est-il, ne nous trompons pas, la classe dominante est prête à commémorer toutes les mémoires, un jour ou l’autre. Ce n’est qu’une question de circonstances et d’opportunités politiques. Pourvu que la classe dominée ne l’empêche pas de se générer économiquement et idéologiquement et donc de se perpétuer.

Enfin, je m’inscris en faux contre l’idée que « la parole est confisquée. »

Certes, elle a du mal à se frayer un chemin mais c’est le propre de toute parole pertinente. Elle rencontre sur son chemin, le carcan des préjugés ou la lâcheté d’une pensée commode. Cela fait partie du combat à mener.

C’est en brisant le miroir qui existe entre le citoyen « autochtone » et le citoyen « colonisé », comme le qualifie l’appel, qu’apparaîtra l’évidence : le dominant exerce avec constance la devise « diviser pour régner », le dominé lui obéit en se fourvoyant dans des batailles sans issues, oubliant que « l’union fait la force. »

Certes, pas n’importe quelle union. Il s’agit de celle qui a pour objet le combat contre toutes les injustices. C’est-à-dire l’injustice.

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