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Réflexion autour de la sécularisation des sciences sociales

La sociologie comme exemple

I/ La sociologie occidentale en contexte

On peut situer la constitution de la sociologie dès le XIXème siècle, avec des auteurs comme Saint Simon, Auguste Comte et Emile Durkheim. La sociologie trouve ses racines dans un contexte progressivement areligieux et antireligieux laissant derrière lui un vide angoissant, surtout depuis les « révolutions scientifiques »  du XVI et XVII siècle, décrites ici par Alexandre Koyré : « la destruction de l’idée de cosmos […], la destruction du monde conçu comme un tout fini et bien ordonné, dans lequel la structure spatiale incarnait une hiérarchie des valeurs et de perfection…et la substitution à celui-ci d’un Univers indéfini, et même infini, ne comportant plus une hiérarchie naturelle […] La chose, maintenant, est oubliée, mais les esprits de l’époque furent littéralement bouleversés par l’émergence de cette nouvelle vision du monde comme l’expriment ces vers célèbres que John Donne écrivait en 1611, après avoir eu connaissance des principes de la « révolution copernicienne »:

« La philosophie nouvelle rend tout incertain
L’élément du feu est tout à fait éteint
Le soleil est perdu et la terre; et personne aujourd’hui
Ne peut plus nous dire où chercher celle-ci […]
Tout est en morceau, toute cohérence disparue.
Plus de rapport juste, rien ne s’accorde plus. ».

Ce sentiment était visiblement bien répandu comme on le voit aussi dans les quelques écrits de Nietzsche: « Sous l’empire des idées religieuses on s’est habitué à concevoir un « autre monde » (arrière-monde, sur-monde ou sous-monde) et, le jour où cette chimère s’écroule, on éprouve un vide angoissant, une privation;…c’est alors que de ce sentiment, naît à nouveau un « autre monde », mais simplement métaphysique, celui-ci, non religieux » (Nietzsche, Le gai savoir, 151-De l’origine de la religion, p.185-186). Avant ces révolutions, c’est principalement la religion chrétienne qui donnait du sens au monde, qui l’interprétait par des considérations essentiellement métaphysiques.
La nostalgie du divin comme source d’interprétation du monde ne tardera pas à se faire sentir. D’où l’émergence de « théologies de substitution » qui viendront remplacer la religion comme dispositif explicatif du monde, au premier rang desquelles le marxisme, la psychanalyse, l’anthropologie structurale, etc., ainsi que le reconnait George Steiner dans son livre La nostalgie de l’Absolu.
C’est à cette époque aussi que le concept de « science » acquière une signification nouvelle. C’est ce que constate Madeleine Grawitz en écrivant : « Il est curieux de constater qu’au début du XVIIe siècle, le mot « lettres» recouvre tout le domaine de la connaissance. Si l’on se reporte aux textes de l’époque, on n’aperçoit pas de distinction nette entre lettres et sciences (…). Les lettres correspondent, à partir du milieu du XVIIIe siècle environ, à l’idée d’une culture livresque c’est-à-dire plus littéraire, moins expérimentale » (Méthodes des sciences sociales, p. 23).
Or, le prétendu objectif de la sociologie consiste à dégager des « lois sociales » à partir de  multiples « observations »,  s’inscrivant dans des « méthodes » bien définies. Ainsi on peut trouver ça et là des concepts comme « épistémologie », « méthode inductive », « méthode quantitative », « méthode qualitative », « structuralisme génétique », « corrélation statistiques », « des données », « observation participante », « monographie », et leur milieu de recherche est appelé « laboratoire de sciences sociales », bref le champ lexical des sciences dites « exactes » ou « dures » ne manque pas. C’est l’objectif recherché puisque pour être crédible cette discipline doit être perçue comme étant « objective » en empruntant les outils des sciences physiques, mathématiques, biologiques, etc.
C’est ce que constate F.V. Hayek dans son ouvrage Scientisme et sciences sociales, publié en 1953. A l’époque dite « moderne », on peut souvent lire ça et là des plumes des sociologues qu’il faut « dire ce qui est » et non pas « ce qui doit être », les jugements dits « positifs » caractérisent la « science », et les jugements « normatifs » relèvent de ce qui est subjectif. Les jugements de valeur sont pourchassés avec force. Tout ce qui a une connotation morale n’est plus digne d’être un aiguillon de la « science ». La sociologie ainsi définie repousse tout ce qui n’est pas apte à s’inscrire dans son « horizon théorique » bien défini. Elle repousse, aux limites de ses marges indéfiniment réajustées, ces paroles nouvelles comme étant des chimères, de la rêverie.
La discipline sociologique peut être considérée à ce titre comme  un dispositif de contrôle de la production du discours  se rapportant à l’homme et la société. C’est ce que constate Mohammed Mohammed Amzyâne dans sa thèse de doctorat « La méthode de recherche sociologique entre le positivisme et le normativisme », publiée en 1991.
Georges Steiner ne dit pas autre chose quand il écrit à propos de ces disciplines nouvellement nées : « des systèmes de croyances et d’argumentation qui peuvent être violemment antireligieux (…), mais qui par leur structure, leurs aspirations et ce qu’elles attendent des croyants sont profondément religieux dans leur stratégie comme dans leurs effets ». Les sociologues ne s’en cachent pas : « les sciences sociales naissent du refus d’expliquer la société en faisant référence à une cause qui lui serait externe, c’est-à-dire Dieu », peut-on lire dans « Pour comprendre la sociologie » sous la dir. de M. Montoussé et G. Renouard, ouvrage « destiné aux étudiants, au public qui souhaite comprendre la sociologie et qui prépare des concours ».
Le croyant fidèle à la Révélation serait tenté, suite à ce tableau apocalyptique de la sociologie occidentale, de rejeter cette discipline. Faut-il jeter l’anathème sur la sociologie ? Certainement pas !

II/ Pour une dé-sécularisation de la sociologie

On peut en effet refuser la philosophie qui inspire l’émergence des sciences modernes sans pour autant rejeter leurs résultats valides. C’est la position du scientifique et philosophe des sciences Sayyed Hussein Nasr qui entend renouer avec la dimension sacrée de la science. Son approche des sciences de la nature est applicable aux sciences sociales. Le sacré ne signifie pas chez Nasr ce qui doit être respecté ou ce qui ne peut être discuté, mais ce qui est rapporté au divin et à son univers de sens (Kalin Ebrahim, The Sacred Versus the Secular : Nasr on science, 2001).
En effet, chez Nasr (physicien diplômé de l’MIT et d’Harvard), la science moderne a émergé à partir d’une certaine vision du monde spécifique qui lui préexistait et la rendait possible. Autrement dit, la science moderne telle qu’elle s’offre à nous aujourd’hui n’est pas exactement le fruit d’un simple transfert des sciences du monde grec ou musulman, même si ceux-ci ont influencé dans une certaine mesure l’avènement des sciences expérimentales de la nature ; il s’est opéré plutôt une réelle rupture au niveau de la philosophie même de la science à cause de l’incapacité du christianisme à répondre aux équivoques des résultats scientifiques (Sayyed Hussein Nasr, La religion et l’ordre de la nature, 2004, lire aussi son ouvrage, Le jeune musulman dans le monde moderne).
Par exemple, l’individu traditionnel se considérait comme passager sur terre et lié au divin, tandis qu’au lendemain de la renaissance l’individu moderne considère la terre comme son ultime demeure, ce qui favorise le développement de la science expérimentale et l’exploration de la nature comme objet autonome à soumettre à un  homme rebelle et affranchi de la tutelle divine.  C’est cette vision mécanique du monde qui constitue l’essence des sciences modernes (en tant que sciences sécularisées et laïques), une essence sous-jacente qui ne doit pas être ignorée quand on étudie les objets de la science, car les implications peuvent être dramatiques (Sayyed Hussein Nasr, The Need for a Sacred Science).  A cet effet, Hussein Nasr évoque le rôle de  cette conception de la science moderne dans la construction de la bombe atomique et la barbarie qui s’ensuivra, sans omettre la violence symbolique exercée par ces scientifiques considérés comme un clergé du monde moderne.
(Pour les oummanautes arabophones qui souhaitent une synthèse assez exhaustive de la pensée de Sayyed Hussein Nasr, lire la contribution de ‘Ali Rida çâlihî Sâdâtî, « La science laïque et la science religieuse du point de vue du docteur Hussein Nasr, et approche critique de sa pensée » pp. 423-504, in La laïcité en tant qu’idéologie, 2014).
Il reste maintenant à savoir s’il est possible de fonder une science – la sociologie dans notre cas – compatible avec le sacré. Car nous avons bien vu que du point de vue de la sociologie moderne le religieux et le divin constitueraient un obstacle épistémologique à l’esprit scientifique. Disons-le d’emblée et sans détour, non seulement elle est possible, mais des hommes de science l’ont déjà élaborée.
De nombreux travaux sont publiés sous le nom de « l’islamité de la connaissance » (Islâmiyyat al-Ma’rifa) par l’institut international de la pensée islamique (IIIT) sous l’égide de Taha Jâbir Al-Alawânî et Ismaïl Râjî Farouqî notamment, depuis les années 1970-1980.  Mais en guise d’exemple, citons un classique, les Prolégomènes d’Ibn Khaldoun qui n’a pas eu à renier sa foi pour penser dès le XIVème siècle. Ibn Khadloun, dans sa Moqaddima, en tant que socio-historien, n’a pas voulu, contrairement aux sociologues du XIXème siècle, nous offrir une « physique sociale » incapable à jamais d’assouvir la soif des âmes, mais de nous apporter une méthode herméneutique dont la portée heuristique est liée au sacré.
Par exemple, Ibn khaldoun entend  y appliquer les finalités supérieures de la législation divine (= « almaqâçid ») qui couronnent son oeuvre. Les causes des phénomènes sociaux ne sont pas recherchées, en effet, strictement dans les choses observées, comme le fait très souvent l’obtus positivisme comtien et durkhemien. A propos des desseins de la législation divine et des lois de Dieu dans l’univers, il dit ceci dans sa Moqaddima : « C’est ainsi que les savants, voulant démontrer la divine mission des prophètes, allèguent que les hommes, qui doivent s’aider mutuellement afin de pouvoir exister, ont besoin d’un magistrat pour les contrôler.
C’est encore ainsi que, dans les traités sur les principes fondamentaux de la jurisprudence, on trouve énoncé, dans le chapitre qui traite du langage, que les hommes ont besoin d’exprimer leur pensée afin de pouvoir se prêter un mutuel secours et de se réunir en société, et que le langage est l’instrument le plus facile qu’ils puissent employer.
C’est ainsi que les jurisconsultes, voulant expliquer l’établissement des lois par l’indication des motifs qui ont amené leur promulgation, exposent que la fornication confond les généalogies et nuit à l’espèce, que le meurtre lui  nuit aussi, que la tyrannie annonce la ruine de la civilisation, d’où résulte nécessairement un grand tort à l’espèce. Nous pourrions citer encore d’autres exemples des motifs qui ont porté le législateur à promulguer certaines lois, et qui reposent tous sur la nécessité de conserver la société. ».
Il dit aussi plus loin dans la Moqaddima en s’efforçant de vérifier empiriquement comment l’injustice conduit à la destruction des civilisations : « c’est pourquoi  le dessein de la législation divine dans l’interdiction de l’injustice est d’éviter la corruption  de la société, de la fin de l’espèce humaine. Un dessein (une finalité de la législation) qu’on trouve dans les intérêts défendus par le Législateur, comme la préservation de la religion, l’âme, la raison, la lignée (reproduction) et les biens. ». Pourtant, des commentateurs épris d’une certaine conception de la science sécularisée et sécularisante ont voulu nous persuader par un drôle d’anachronisme qu’Ibn Khaldoun appartiendrait au structuralisme génétique tel que le prétend Gaston Bouthoul dans son histoire de la sociologie, et Yves Lacoste lui consacrant un livre de voir en lui un « précurseur » du « matérialisme historique ». Cette façon de faire la science donne visiblement de l’urticaire à certains…
 
 

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7 commentaires

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  1. La sociologie, comme l’essentiel des sciences sociales, est née du positivisme et de la posture anti-religieuse exacerbée par la période post-révolution française. Tout cela est archi-connu. L’âge d’or du roman (de Balzac à Zola), à la fois comme sociologie et épopée nationale, est l’expression de cette nostalgie du Livre désormais absent. Mais cela est en vérité plus ancien, et a commencé dès le XVIIème siècle avec la pensée des libertins (les libres penseurs, pas les obsédés sexuels du XVIIIème) pour qui la compréhension du monde ne peut se faire qu’avec la raison plutôt que la foi. Les racines de l’objectivisme du XIXème sont là. Même si Descartes ou Pascal s’accrochent encore à la religion, ils sont déjà en rupture avec l’Église.
    Un regret dans cet article est que une fois de plus chez Mouhib (que je connais) on ne peut s’empêcher de glisser des références au chiisme. De tous les scientifiques contemporains, faut-il vraiment que l’auteur choisisse un chiite? Je m’interroge aussi sur la raison pour laquelle Mouhib soumet des articles à Oumma.com qu’il traite pourtant sur son site chiite, Zaman, de site “communautaire”, c’est-à-dire sous sa plume, sunnite grégaire. Difficile à comprendre comment ce Marocain, né musulman, a pu tomber dans le piège sectaire du chiisme.

    • Autrement dit, nous nagions dans une situation idyllique et pleine de justice au XVIIe siècle quand sont arrivés (de Mars ?) les méchants positivistes, et nous serions encore dans une société idéale avec sa censure, son inquisition, ses nobles, ses serfs, ses galériens, ses esclaves, sa scolastique, ses colonies, ses supérieurs de droit soit disant divin et ses inférieurs quasi diaboliques, si ces méchants sceptiques des Lumières et révolutionnaires n’étaient pas arrivés pour protester et penser par eux mêmes sans en demander la permission aux religieux patentés s’étant réservé le monopole de l’accès au ciel. Quant à votre haine du chiisme, c’est votre droit mais ce n’est pas le sujet ici et c’est haram de pénétrer l’âme des autres et de l’étaler sur la place publique. Et ne pensez vous pas que l’islam se porte mieux parce qu’il a différentes écoles qui se corrigent mutuellement ? Pourquoi tant de Maghrébins optent aujourd’hui pour le chiisme, ce que vous ne pouvez nier ? Peut-être pour les mêmes raisons qui ont fait que tant de chrétiens du XVIIIe siècle ont opté pour les idées des Lumières. Si les Eglises avaient balayé devant leur porte à l’époque et si les dignitaires se prétendant sunnites balayaient aujourd’hui devant la leur, en rejetant par exemple le sectarisme des teléfatawistes affairistes takfiri du Golfe, du FIS, du GIA, du PJD, d’En nahda et en combattant l’entité qui déchire en deux le monde musulman de la Méditerrannée au golfe d’Akaba, peut-être qu’on n’irait pas chercher des appuis ou des idées chez les chiites. Il faut commencer par se critiquer soi même avant d’aller dénoncer les autres.

      • Désolé, on ne comprend rien à tout ce charabia plein d’autosatisfaction et au raz des pâquerettes.
        Qui a dit qu’avant les libres penseurs nous vivions dans une “situation idyllique”?
        Qui a dit que l’islam aujourd’hui est parfait? Puisque vous me suivez à la trace depuis des années, en quête de légitimité de toute évidence, vous devriez faire montre d’une honnêteté élémentaire: vous savez parfaitement que j’ai toujours prôné la réforme de notre religion, urgemmment et en profondeur. Enfin, l’état calamiteux de la communauté musulmane n’est toujours pas une justification, théologique, spirituelle, et surtout pas intellectuelle, pour se jeter dans les bras d’une secte dont le credo est le mensonge et l’ignominie faite au noble Quran, au Prophète (saw), sa famille et ses compagnons.
        Rendez-nous service: restez sur les faits, les faits uniquement, évitez-nous les digressions et autres approximations fallacieuses (pour ne pas dire débiles).

  2. Mais Durkheim, considéré comme le père de la sociologie, a toujours déclaré que le vrai fondateur de la sociologie n’était pas lui mais Ibn Khaldun qu’il a aidé à faire redécouvrir, au moins à l’Ouest et, par ricochet dans le monde musulman qui l’avait ignoré. Quant à savoir si Ibn Khaldun fut un précurseur du matérialisme historique, il faut sortir des oeillères que portent sur ce sujet tant de religieux comme d’antireligieux. Le matérialisme historique est une méthode d’analyse et non pas, contrairement à ce que pratiquent beaucoup de “marxistes”, une nouvelle religion qui serait une anti-religion, mais contrairement aussi à ceux qui, se croyant religieux, n’y voient qu’un athéisme militant. C’est une méthode, éventuellement aussi une hypothèse, née à une époque où la religion réellement existante, chrétienne évidemment mais islamique aussi, avait trop souvent cessé, pour reprendre les termes de Marx “d’être l’âme d’un monde sans âme, l’esprit d’un monde sans esprit”, sous l’acceptation par les notables religieux du capitalisme destructeur à la fois de convivialité séculière et de spiritualité. Sans les sciences “sécularisées” à voir comme une étape donc, avec leurs limites, on peut difficilement imaginer les gigantesques avancées dans les domaines de la santé publique, du recul de la mortalité de masse, de la démocratisation des rapports, des progrès sociaux, à l’Est, grâce au socialisme réel, à l’Ouest, grâce au keynesianisme social-démocrate, et surtout au Sud, où, sans la méthode d’organisation politique issue du matérialisme historique on n’imagine pas les mouvements de masse de libération anticoloniaux, sans lesquels l’islam n’aurait pas pu reprendre sa place. Bref, il est peut-être temps aujourd’hui de procéder dans un esprit de justice au bilan des réalisations et des échecs des uns et des autres, et de percevoir les convergences dynamiques là où l’on privilégie encore trop les divergences statiques. Il y a là des signes pour ceux qui réfléchissent.

    • Salam,
      J’ai bcp réfléchi justement sur cette question. L’entreprise « scientifique » de Marx est bien définie dans ses extraits suivants : « La matérialité (ou sensibilité) doit être la base de toute science. La science n’est réellement une science que si elle part de la matérialité sous sa double forme de conscience sensible et de besoin sensible, donc si elle part de la nature » (Manuscrits de 1844). On comprend mieux pourquoi dans les écrits de Marx il a été uniquement question d’une description du mode de fonctionnement économique. On comprend mieux pourquoi Marx se borne à n’étudier que l’existence sociale (l‘infrastructure), car en fin de compte, selon lui, le monde et ce qu’il comprend comme représentations, vision du monde (superstructure), ne sont que le reflet de l’existence sociale, c’est à dire des conditions matérielles. Et tout dysfonctionnement ou contradiction des conditions matérielles produirait une aliénation chez les individus désavantagés.
      « Comme être naturel et être naturel en vie, l’homme est doué de forces naturelles, de force biologiques ; ces forces existent en lui sous forme de dispositions, d’aptitudes, de penchants » (Manuscrits de 1844). « En tant qu’être objectif naturel, physique, sensible, l’homme est un être passif, dépendant et borné, comme le sont l’animal et la plante, (…). Dire que l’homme est un être objectif, corporel, doué de forces naturelles en vie, réel et sensible, c’est dire qu’il a des objets réels et sensibles comme objets de son être, de la vie qu’il manifeste, et qu’il ne peut manifester sa vie qu’en des objets sensibles, réels » (Manuscrits de 1844). Ainsi la science de la nature, la science du matériel ou du sensible est désormais rendue légitime et utile pour l’homme en tant qu’être de la nature uniquement. Dès lors, penser la condition humaine doit donc nécessairement passer par l’étude de la vie matérielle, puisque son essence résiderait dans ses besoins essentiellement matériels. C’est à partir de ces postulats, de ces axiomes, de ces conjectures… que des « lois de l’histoire » ont été édifiées, connues sous le nom de « matérialisme historique ». Et qui influencera jusqu’à nos jours la sociologie contemporaine, comme la sociologie du travail et la sociologie des pratiques culturelles.
      PS: N’oublions pas la thèse de doctorat de Taha Hussein sous la direction de Durkheim. La thèse portait sur “la philosophie sociale d’ibn Khaldoun”. Il faut rendre à César ce qui est à César 😉

  3. L’auteur en somme nous dit qu’une religion apporte aux questions sociales une réponse bien plus sereine que la sociologie. Pas faux, la croyance en un – ou des – dieu aide à accepter le monde, les religions ont été crées pour ça. Accepter sa propre misère surtout, les inégalités injustes, la fatalité… un moyen radical de faire taire les malheureux. Un des rares pays musulmans qui n’a pas été colonisé par l’occident est l’Arabie des Saoud qui paraît effectivement paisible à l’intérieur mais avouons que le modèle est discutable…
    Et puis encore faut-il y croire, à ce dieu, et franchement le dieu de la Bible et du Coran, une idole inventée il y a 3500 ans n’est pas très crédible aujourd’hui pour qui réfléchit un minimum.
    Dire « croyez en dieu et tout ira mieux » c’est un peu comme Marine Le Pen qui dit « votez pour moi et tout ira bien ». Personnellement je ne fais confiance à aucun des deux.

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