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Le racisme/sexisme épistémique et ses quatre génocides au cours du 16ème siècle

La structure des connaissances dans les universités occidentalisées, le racisme/sexisme épistémique et ses quatre génocides au cours du 16ème siècle.
Parmi les auteurs inconnus du grand public, en particulier francophone, nous allons tenter de résumer l’œuvre colossale du professeur Ramon Grosfoguel. Ce chercheur en épistémologie a contribué à la réflexion autour de la connaissance universitaire et ses fondements.
Influencé au départ par le sociologue de renom Boaventura deSousa Santos de l’université de Coimbra, ce dernier a mis en exergue l’élément suivant. Lorsque l’on examine toutes « les grandes universités » ( réputées grandes car occidentalisées en réalité) Sao paolo, Bejing, Paris, Londres, Johannesburg, Mumbai…, on est frappé par le constat suivant : quasiment tous les auteurs canoniques viennent principalement de cinq pays, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie, dans une moindre mesure. Quelles que soient les vingt disciplines sociales, il s’agit toujours d’Occidentaux blancs et masculins, la gent féminine étant exclue du débat. Cet état de fait constitue la base des travaux de Grosfoguel, qui revisite le passé afin d’expliquer cette véritable colonisation des connaissances par seulement 6% de la population mondiale.
Pour tenter d’expliquer ce colonialisme des connaissances, il faut remonter très loin (cinq siècles) afin de décortiquer cette mainmise du savoir qui va façonner le monde jusqu’à maintenant.

1. La conquête d’Al Andalus et son génocide/épistémicide des juifs et musulmans

Il faut remonter en 1492, avec la chute du dernier sultanat musulman de Grenade, quand beaucoup de musulmans et juifs quittèrent la péninsule ibérique pour l’Afrique du Nord. Les restants furent spoliés, persécutés et, suite à un décret royal « Le baptême ou la mort » (1), forcés de se convertir au christianisme.
Après plusieurs générations, ils furent expulsés du territoire (car jugés « non-intégrables » dans l’Etat-nation), dans des bateaux d’infortune les livrant à la mort (environ un demi-million de personnes sur une population de sept millions) (2). Ce génocide physique s’accompagne également d’une destruction épistémique, la bibliothèque de Cordoue fut brûlée (500 000 livres partis en fumée), ainsi que celles de Séville et Granada (250 000 livres chacune) (2). A titre de comparaison, la plus grande bibliothèque de l’Europe chrétienne comprenait à peine 1 000 ouvrages. Cet autodafé avait pour but d’effacer toutes traces et mémoire de la culture et civilisation musulmane/juive en Espagne. Néanmoins, certains ouvrages de scientifiques et philosophiques furent conservés afin d’être expédiés à Rome.

2. La conquête de l’Amérique et extermination des Amérindiens

Depuis 1491, un célèbre navigateur, Christophe Colomb pour ne pas le citer, attendait avec impatience à Santa Fe, près de Grenade, d’être reçu à la cour. Le roi d’Espagne lui avait demandé de patienter jusqu’à la fin de la conquête de la péninsule. En janvier de cette même année, Christophe Colomb obtint les autorisations et financements pour son expédition, et put entamer son long voyage vers l’Inde (ce qu’il pensa jusqu’à sa mort). Il débarqua donc à Haiti, en octobre 1492, et fit ainsi la première expérience anthropologique occidentale suite à sa rencontre avec les populations locales qu’il nomma tout naturellement « Indiens ».
En effet, il réalisa que ces autochtones n’avaient pas de religion, dans notre référent actuel nous dirions qu’ils étaient athées. Or, dans l’inconscient collectif chrétien de cette époque, les choses étaient perçues différemment. La dialectique est la suivante : s’ils n’ont pas de Dieu, c’est qu’ils n’ont pas d’âme, et s’ils n’ont pas d’âme, c’est qu’ils ne sont pas humains (3)!!! On peut donc les utiliser à notre guise. C’est ainsi que démarra un cycle de mise en esclavage, spoliations, expropriations et massacres de masse. Le plus grand génocide de l’histoire de l’humanité (les estimations vont de vingt à quatre-vingt millions).
Il faudra attendre plus d’un demi-siècle plus tard pour qu’un débat clérical oppose à ce sujet deux grands théologiens, à Valladolid, en Espagne. Siné Sepulvera et Bartolomé de Las Casas, le premier est partisan de la non-humanité des Indigènes, le second a une approche différente : ce sont des barbares mais nous allons sauver leurs âmes en les christianisant ! Finalement Las Casas aura gain de cause et une campagne massive de christianisation forcée démarrera, en tout point similaire à l’expérience andalouse.
Le génocide des Amérindiens s’accompagne du même mode opératoire (4) qu’en Andalousie. Détruisant, brûlant les manuscrits (codex), afin d’éliminer toutes traces de cette culture précédant l’arrivée des conquistadors. Les civilisations Mayas , Aztèques… étaient très avancées, le calendrier maya s’avérant sans doute le plus sophistiqué du monde.

3. Mise en esclavage des Africains

Une fois la campagne d’évangélisation forcée des Amérindiens menée à son terme, au travers des camps de « Décomienda », l’Eglise était confrontée à un nouveau dilemme : les Indigènes étaient des nouveaux chrétiens et on ne pouvait plus les réduire en esclavage. Qui allait donc travailler dans les mines, champs…, à leur place ?
L’Afrique apparue comme la nouvelle alternative et les Africains furent classifiés « sans âme ». Débute, alors, le plus grand kidnapping et la plus grande déportation de l’histoire de l’humanité qui dureront plus de trois cent ans (5). Tout le monde connaît cette horrible histoire et celle de son commerce triangulaire. Il s’agit du deuxième plus grand génocide de l’histoire de l’humanité ( de trente à cinquante millions de victimes). On y retrouve une fois de plus le même « Modus operandi », à savoir la destruction de tous les manuscrits faisant référence à cette civilisation (6) .
Grosfoguel clarifie un point historique important sur ce sinistre commerce triangulaire. En effet, l’argument avancé par certains historiens occidentaux consiste à nous expliquer qu’au final, les Européens n’ont rien inventé, puisque les civilisations précédentes et dominantes ont toutes pratiqué l’esclavage. Ce qui est juste, mais avec deux nuances fondamentales : tout d’abord, chez les Viking, Romains, Perses, Arabes, tout le monde pouvait être esclave (captif de guerre en général), or dans le cas présent, il ne s’agissait que de noirs. C’est précisément l’origine du racisme biologique qui, contrairement aux idées reçues, n’existait pas avant cette période de colonisation. Ensuite, aucune des périodes précédentes n’a mis en place une politique massive et systématique d’enlèvement, de mise en esclavage et de déportation de millions de personnes.

4. Les femmes

L’Inquisition s’imposant un peu partout en Europe, de nombreuses femmes furent brûlées vives car suspectées de sorcellerie. Il s’agissait, la plupart du temps, de femmes qui transmettaient de vieilles recettes, des médecines naturelles ou encore alternatives… (recettes de grand-mère). En l’absence d’ouvrages spécialisés, les recettes, à cette époque, se transmettaient par voie orale, de génération en génération. Silvia Federici (2004) nous explique que la période intensive fut entre 1550 et 1650, le nombre de victimes, condamnées au bûcher, dépassant les un million. Les quatre génocides physiques et épistémiques évoqués ci-dessus, qui marquèrent le XVIe siècle, ont permis la mise en place d’une puissance raciale / patriarcale et des structures épistémiques à l’échelle mondiale, enchevêtrées avec des processus d’accumulation capitaliste mondiale.
Lorsqu’ au XVIIe siècle, Descartes écrivit «Je pense, donc je suis» depuis Amsterdam, au «sens commun» de l’époque, ce «je» n’était ni africain, ni indigène, ni musulman, ni juif, ni femme (Occidentale ou non). Tous ces sujets étaient déjà considérés comme «inférieurs» le long de la structure de pouvoir racial / patriarcal global et leur connaissance était considérée comme inférieure, à la suite des quatre génocides physiques et épistémiques du 16ème siècle.
Dans le «sens commun» hégémonique de l’époque, ce «je» était celui d’un homme occidental. Les quatre génocides sont constitutifs des structures épistémiques racistes / sexistes qui ont produit le privilège épistémique et l’autorité à la production du savoir de l’homme occidental et l’infériorité pour le reste. Comme l’affirme Maldonado-Torres (2008), l’autre côté du «Je pense, donc je suis» est la structure raciste / sexiste de «Je ne pense pas, donc je ne suis pas.» Ce dernier exprime une « colonialité » de l’être, Maldonando-Torres 2008 où tous les sujets considérés inférieurs ne pensent pas et sont ne sont pas dignes d’existence, parce que leur humanité est en question. Elles appartiennent à la «zone du non-être» fanonienne ou à l’extériorité dusselienne.
Les universités occidentalisées ont internalisé depuis son origine les structures épistémiques racistes / sexistes créées par les quatre génocides du XVIe siècle.
Il est considéré comme normal que seulement les mâles occidentaux de 5 pays soient habilités à produire les canons de la pensée dans toutes les disciplines académiques de l’université occidentalisée. Il n’y a pas de scandale en la matière, parce qu’ils sont le reflet des structures épistémiques racistes / sexistes normalisées de la connaissance du monde moderne / colonial. Lorsque l’université occidentale s’est transformée, à la fin du XVIIIe siècle, passant d’une université théologique chrétienne à une université humboldtienne séculière, elle a utilisé l’idée anthropologique kantienne selon laquelle la rationalité a été incarnée dans le Blanc, au nord des Pyrénées, classifiant la péninsule ibérique au sein de l’irrationnel Monde avec les gens noirs, rouges et jaunes.
Les peuples « sans rationalité» étaient épistémiquement exclus des structures occidentales de connaissances universitaires. C’est à partir de cette hypothèse kantienne que le canon de pensée de l’université occidentale contemporaine a été fondé. Lorsque le centre du système mondial est passé de la Péninsule Ibérique à l’Europe du Nord-Ouest au milieu du XVIIe siècle, après la guerre de Trente Ans, lorsque les Hollandais ont vaincu l’armada espagnole, le privilège épistémique est passé avec le pouvoir systémique des empires de La péninsule ibérique aux empires d’Europe du Nord-Ouest.
La vision raciste anthropologique de Kant, qui place les montagnes pyrénéennes comme une ligne de démarcation à l’intérieur de l’Europe pour définir la rationalité et l’irrationalité, vient juste après ce changement de pouvoir géopolitique du 17ème siècle. Cette discussion a d’énormes implications pour la décolonisation de l’université occidentalisée. Jusqu’à présent, l’université occidentalisée opère sous l’hypothèse de l’universalisme où « l’un (les hommes occidentaux de cinq pays) définit pour le reste » : ce qui est véridique et la connaissance valide. Pour décoloniser les structures de la connaissance de l’université occidentalisée il faudra entre autres: 1) reconnaître le provincialisme et le racisme épistémique / sexisme qui constituent les structures épistémiques fondamentales, à la suite des projets génocidaires colonial / patriarcal du XVIe siècle. 2) rompre avec l’uni-versalisme où un (“uni”) définit pour le reste, dans ce cas, l’une est l’épistémologie de l’homme occidental 3) amener la diversité épistémique au canon de la pensée pour créer un pluri-vers de significations et de concepts où la conversation inter-épistémique entre autres.
Les traditions épistémiques produisent de nouvelles définitions de concepts anciens et créent de nouveaux concepts pluriversaux avec «les nombreux définissant pour les nombreux» (pluriverse) au lieu de «un pour le reste» (uni-verse). Si les universités occidentalisées assument ces trois points programmatiques, elles cesseraient d’être occidentalisées. Elles passeraient d’une université occidentalisée à une pluralité décoloniale. Si les projets épistémiques racistes / sexistes modernes de Kant et d’Humboldt sont devenus le fondement épistémique de l’université occidentalisée depuis la fin du XVIIIe siècle, à la suite de trois cents ans de génocides physiques et épistémiques dans le monde, la Transmodernité d’Enrique Dussel est la nouvelle base épistémique de l’avenir Pluri-université décoloniale dont la production de connaissances sera au service d’un monde au-delà du système capitaliste / patriarcal occidental-centrique / chrétien-centrique moderne-colonial.
1 (Galán Sánchez 2010) 2 (Caro Barojas 1991; Carrasco 2009) 3 Nelson Maldonado-Torres (2008a) 4 (Garrido Aranda 1980). 5 (Nimako and Willemsen 2011). 6 (Perceval 1992; 1997)
Ramon Grosfoguel est épistémologue, professeur associé dirigeant le Centre d’étude ethnique à l’université de Berkeley, en Californie. Ramon Grosfoguel est internationalement reconnu pour son travail sur la décolonisation du savoir et du pouvoir, ainsi que pour son travail dans les migrations internationales et l’économie politique du système-monde. Il est associé de recherche à la Maison des Sciences de l’Homme, à Paris, depuis de nombreuses années.

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7 commentaires

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  1. Les racines du mal..
    Les seules “avancées” que l’Oxydant* a jamais eues relevaient de la cruauté et de la puissance de feu qui en découlait.. le reste n’est que monstruosités et propagande pour ériger cette dernière en “supériorité civilisationnelle”.. quelle mauvaise blague !
    Faites ce que vous-voulez mais j’ai pour ma part divorcé de ce paradigme.
    (* c’est fait exprès)

  2. Tout à fait, ce que l'”Occident” (terme biaisé car l’Occident était on ne peut plus désuni et en compétition interne) a ajouté dans sa volonté de domination par rapport aux empires précédents est son développement technique qui lui ont permis de se projetter très loin et très vite et de faire circuler les biens et les hommes à une échelle encore jamais possible.
    Quant à l’esclavage en Afrique, il fut ni le premier, ni le plus mortel mais le plus intense avec 10-14 millions d’êtres humains capturés et déplacés en seulement 3 siècles (1000 ans pour atteindre plus ou moins le même nombre pour la traite arabe) et surtout le plus documentés (c’est peut-être pour cela qu’onse focalise le plus sur cet esclavage : archives nationales, musées et bibliothèques préservées , libertés et financement des historiens en Occident).
    Et cela a fait les affaires de beaucoup de monde à l’époque : les Africains se chassaient et se vendaient entre eux, les Arabes transportaient et regroupaient sur le continent et les Européens navigaient vers l’Amérique.
    Il ne fat pas oublier que l’esclavage existe encore de nos jours, sous des formes plus subtils (deni de papiers et de droits) et qu’il est encore d’actualité en Mauritanie cette année. http://mondafrique.com/la-mauritanie-premier-pays-esclavagiste/

    • Mon pauvre “chapi”, soit vous êtes honnête avec vous-même et vous déclarez votre haine de tout ce qui est arabe et musulman (mais alors que faîtes-vous sur Oumma.com?), soit vous cessez d’afficher ânerie sur ânerie et faites montre d’un minimum d’humilité intellectuelle…
      La traite négrière aux mains des Européens sur trois siècles a concerné au moins trente millions d’Africains vers l’ensemble du continent américain (États-Unis, Caraïbes, Brésil, etc.), avec un taux de mortalité supérieur à 10% lors de la traversée, selon une étude de Toni Morrison lorsqu’elle était prof à Princeton. Ensuite, il faut cesser de recycler les mythologies nauséabondes qui ont cours dans la fachosphère: l’esclavage arabe, qui a existé, n’a aucune commune mesure avec celui perpétré par les Européens, ni en volume, ni dans son système économique. Les arabes faisaient des razzias occasionellement, en nombres limités. C’était une pratique anté-islamique et héritée de l’empire romain. Les esclaves ne vivaient pas sur une plantation, ne participaient à aucune économie ou industrie (sauf l’armée), ils vivaient auprès de leur maître, et dès qu’ils se convertissaient à l’islam, ni eux ni leurs descendants ne pouvaient plus être traités comme esclaves. Y-a-t-il eu des horreurs? Malheureusement c’est aussi un fait, notamment sur la question de la castration et des abus sexuels. Le roi du Maroc, Hassan II, était le fils d’une esclave/concubine africaine.
      Mais il est absolument impossible de comparer la part de l’esclavage dans le développement exponentiel des économies capitalistes européenne et américaine; des profits tellement astronomiques que l’esclavage fut le prélude à la colonisation.

  3. Le problème apparait quand une entité, un empire, une culture, une interprétation de la religion ou une idéologie décrète barbare les coutumes des autres qui nous paraissent étranges ou cruelles, sans essayer de comprendre leur cause et leur cohérence interne avant de poser un jugement. Toute société est diversifiée dans ses structures sociales, et donc marquée par des oppositions internes qui expliquent la violence de situation qui vient du pouvoir et la violence de réaction qui vient des opprimés intérieurs, qu’on cherche dès lors à canaliser contre des opprimés extérieurs, d’où l’impérialisme. Qui explique l’expansionnisme des empires mais aussi les oppositions qu’il peut rencontrer à l’intérieur. Toute société produit ses oppresseurs, ses harkis et ses résistants. La tendance au despotisme et au sectarisme religieux existe parmi tous les dominants, et la tendance à la soumission, à la collaboration ou à la résistance existe parmi tous les dominés. Allah a créé les êtres humains égaux ce qui explique pourquoi les blancs comme les noirs, les chrétiens comme les musulmans, les polythéistes comme les monothéistes, les croyants comme les athées peuvent participer ou soutenir la tyrannie et l’exploitation, comme ils peuvent soutenir la résistance et la justice. Tout dépend des yeux avec lesquels ils lisent les textes sacrés. Ce que l’Occident a réalisé en revanche, c’est la démultiplication technique qui a rendu possible des meurtres de masses inimaginables auparavant et des avancées philosophiques ou systémiques irréalisables auparavant.

  4. Suffit de relire Foucault pour comprendre que le XVIème siècle est celui de la naissance de l’hégémonisme occidental et du concept d’altérité, tant dans les sciences (médecine, géographie, etc.) que dans les politiques d’État (les fous, les dissidents, etc.)
    Méfions-nous quand même des grands discours civilisationnels qui simplifient des vérités bien plus subtiles. Par exemple, l’esclavage des Africains, avec la lourde et indiscutable responsabilité des Européens, n’aurait pu connaître un si grand développement sans la complicité des Africains eux-mêmes (la différence ici étant celle entre une pratique et un système). De même, le génocide des Amérindiens aux mains des Européens aura été sans pareil, mais cela n’exonère pas les peuples pré-colombiens dans leur barbarie inimaginable.

  5. Ce qui est écrit ici est fort intéressant et vrai. Mais avec une vision pouvant sembler un peu trop unilatérale. Les galériens du roi étaient la plupart du temps blancs, il y avait aussi des esclaves blancs aux Amériques et les serfs ou premiers salariés n’étaient dans les faits pas très éloignés des esclaves …jusqu’à aujourd’hui. Les khans mongols et d’autres ont aussi procédé à des génocides de masse. Les femmes, à quelques exceptions près (université de Fez ou de Cracovie par exemple), n’ont pu jouer qu’un rôle marginal dans la science, partout. Spinoza ou d’autres non chrétiens ont pu jouer un rôle notable dans le développement des sciences. Si l’Europe occidentale était le domaine des guerres de religion et du “la religion du prince est la religion du peuple”, ce n’était pas vrai pour l’Europe orientale (Pologne, Lithuanie, Hongrie, Bohême hussite, Russie) où les musulmans et, sauf en Russie, les juifs aussi, ainsi que toutes les confessions chrétiennes “dissidentes” étaient légales et protégées selon une législation identique à celle des Etats musulmans. La renaissance de la puissance scientifique japonaise puis chinoise puis indienne puis iranienne (voire indiano-bolivienne de nos jours) aujourd’hui témoignent du fait que l’Occident a développé des choses intéressantes à exploiter pour les rendre plus universelles par ceux qui ont été capables de faire le tri entre ce qu’ils haïssaient et ce qui restait admirable. Par ailleurs, les guerres de religions et la reconquista ont été le résultat d’un basculement civilisationnel du cercle méditerranéen qui avait une histoire en fait commune, antique, israélite, chrétienne, islamique (Egypte, Phénicie, Alexandre le grand, Rome, Byzance, Andalousie, Sicile, Venise, etc.) vers l’axe de l’Atlantique-nord, ibérique puis vite germanique et anglo-saxon, avec une France du Midi centralisée autour de celle du Nord aussi. Bref, l’histoire est toujours amas de contradictions, une dialectique à interpréter dynamiquement et pas statiquement, en bloc. Il n’y a pas de civilisations diaboliques ou angéliques, il y a partout, jusqu’au plus profond de l’âme humaine, un ferment divin et une pulsion reptilienne mal domestiquée et démultipliée aujourd’hui par le développement de la technique. Pour arriver à la renaissance, il faut savoir dépasser l’ethnocentrisme dominateur ou victimaire qui ne sont que deux faces d’une même médaille, à terme stérilisante. Ce dont nous sommes témoins aujourd’hui dans la civilisation “occidentale” en phase d’oxydation et dans les cercles culturels qui ne sont toujours pas en état de dépasser l’état de colonisabilité (Malek Bennabi). La redynamisation du cercle méditerranéen au moment de la naissance de la grande Eurasie et de la nouvelle route de la soie se fait toujours attendre.

    • Valladolid ne fut pas une victoire de Las Casas mais un compromis à son détriment sous la pression de ceux qui pensaient que l’élimination systématique, anarchique et brutale des amérindiens a laquelle on se livrait allait les priver d’une main d ‘œuvre nombreuse et à bon marché. En leur reconnaissant une âme à sauver on pourrait ainsi continuer à les sur exploiter avec réalisme et avec toute l’apparence de principes. En quelque sorte du capitalisme à visage humain avant l’heure.

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