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Quelles solutions aux contraintes de la finance islamique ?

« L’erreur ne devient jamais vérité parce qu’elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient jamais erreur par ce que personne ne la voit »Gandhi(1)

 

Nous assistons ces dernières années à un développement et des changements extraordinaires des comportements économiques individuels et sociaux. Nous constatons une prise de conscience généralisée des peuples, des gouvernements, des entités économiques et des citoyens par rapport aux modes classiques et traditionnels de vie et à l’éthique humaine.

Les personnes morales et physiques sont de plus en plus sensibles aux conséquences et à la portée de leurs comportements socio-économiques sur les autres, sur l’avenir et sur l’environnement. La protection de l’environnement, la recherche de sources d’énergies propres et écologiques, la responsabilité sociale et économique, le tourisme juste et équitable, la finance éthique sont autant de concepts qui frayent leur bonhomme de chemin dans les sociétés modernes avec assurance et sérénité malgré les crises économiques et les chamboulements politiques actuels.

Mais à notre sens, l’aspect qui a le plus marqué et qui continuera de marquer les esprits encore longtemps est celui de la finance éthique en général et de la finance dite islamique en particulier. Elle est appelée, selon les experts les plus avertis, à jouer un rôle névralgique dans le développement du concept de « moralisation des marchés et de protection contre les crises ». Elle sera probablement le nerf qui permettrait l’émergence, le développement et la principale artère qui alimenterait tout un système économique moins nuisible et moins préjudiciable, voire même plus juste.

En effet, depuis plusieurs décennies, et en particulier à partir de 2008, le monde découvre, par l’effet des crises cycliques et régulières qu’il a essuyées, et avec stupéfaction l’ampleur des désastres causés par la financiarisation de l’économie mondiale. Les hommes politiques et les économistes identifient à chaque fois les causes des crises et ils expliquent aisément les conséquences et évaluent facilement leurs préjudices.

Ils décrivent sans difficulté l’évolution et les différentes phases qu’elles suivent et les étapes par lesquelles elles passent. Mais personne, jusqu’à présent, n’a su prédire ou prévoir une crise et personne n’a pu en empêcher. Les crises continuent de frapper de façon totalement imprévisible, inattendue et surprenante.

S’agit-il de crises provoquées intentionnellement par une poignée de personnes ou d’institutions averties et intouchables – vrai(e)s bénéficiaires ? (2)S’agit-il de manipulation volontaire des données macroéconomiques et des indicateurs financiers pour le compte d’une certaine catégorie de personnes et d’institutions telle que le trafic, faux et usage de faux ? (3)S’agit-il d’incapacité de contrôle et de suivi de l’évolution des techniques utilisées par les marchés telles que la volatilité et la complexité des chiffres, des indicateurs et des produits ? (4)S’agit-il de la nature même et de la composition de l’économie financiarisée et de l’absence de contre valeur en produits réels de ces chiffres astronomiques affichés dans la sphère financière ? (5)

Ces trois dernières années, la persistance de la crise malgré les sacrifices, les souffrances et le prix fort payé par les salariés a permis d’identifier les marchés financiers comme source du mal et principal ennemi des hommes politiques et de la croissance économique. Ils sont considérés comme le vecteur principal des crises, la cause de l’endettement excessif et l’origine de la stagnation économique généralisée. Certains parlent déjà de plus de moralisation et de discipline.

D’autres proposent plus de réglementation et fiscalisation des transactions financières. D’autres évoquent même la surveillance permanente des flux qui s’y exécutent. Mais malheureusement, ces propositions n’apportent guère une solution durable et économiquement stabilisante. Les marchés intègrent rapidement ces nouvelles données, innovent en produits et deviennent plus voraces qu’avant au grand damne des hommes politiques.

La finance islamique, en théorie, apparaît comme une alternative crédible pour certaines problématiques actuelles des marchés financiers. Elle présente des arguments convaincants, des atouts tout à fait sensés et des objectifs incontestablement logiques et socio-économiquement fort recommandables. Elle bannit les comportements nocifs et les traditions préjudiciables des marchés financiers classiques.

De par sa pensée macroéconomique, elle se refuse de financer des activités, même industrielles, pouvant porter, directement ou indirectement, préjudice à l’intégrité humaine (Préservation de l’esprit, préservation de l’âme, préservation de la richesse, préservation de la progéniture, préservation des convictions et des confessions). Ces principes généraux se traduisent dans la réalité par la prohibition totale de :

L’intérêt dit Rib’a, considéré comme étant une forme d’usure de la richesse et une façon de saigner les capacités financières et économiques de la société sans mérite ni effort, est interdit dans cette branche de la finance, d’ailleurs comme dans toutes les anciennes doctrines commerciales monothéistes.

Les paris dit Al Mayssar,sur lesquels la plupart des contrats à terme sont basés, est considéré comme une pratique immorale et nuisible aux valeurs nobles de travail et de mérite. Cette pratique est basée sur une incertitude totale et encourage des pratiques immorales d’obtention de l’information (vol, espionnage, délits d’initiés, maquillages des données comptables et financières).

La thésaurisation dit Al Iktinaz, considérée également comme étant une forme de jeu de hasard déstructurant et détruisant l’économie et la société avec des conséquences néfastes sur les capacités financières des personnes pratiquant la spéculation et ceux qui en dépendent (proches, clients, fournisseurs et salariés). Elle est également interdite, car la réussite de la spéculation suppose l’obtention d’informations de façon illégale et
/ou immorale, considérée comme une forme de tricherie vis-à-vis des règles juridiques et/ou morales économiques et commerciales.

La spéculation (les transactions à terme) dite Bay’al Gharar,incluant une forte incertitude sur le facteur temps, considérée comme une forme de jeu et de pari sur une évolution des cours et des prix, est également bannie dans cette doctrine. L’incertitude sur la survenance de ces transactions dans le futur fait d’elles de véritables bulles de risques divers non maîtrisables et sur lesquels on ne peut s’engager.

Le dumping commercial et financier dit Ettatfif/Dholm Tijari, considéré comme une forme d’injustice, d’iniquité et de répression voire même d’abus économique et commercial, est également interdit dans la finance islamique. Cette pratique qui vise à étouffer la concurrence et à booster provisoirement ses propres ventes, même à perte, est considérée comme une pratique commerciale et financière immorale et nuisible pour le citoyen et le consommateur final.

Les opérations économiques et commerciales douteusespar rapport à la morale islamique dites Choubouhatoù le conseil d’éthique ne dispose pas de données suffisantes pour statuer de la conformité de l’opération aux principes et aux valeurs islamiques. Ce principe vise une séparation nette et catégorique entre les opérations licites et illicites afin d’éviter le mélange ou le déguisement de certaines pratiques immorales en activités conformes (Al Tahayoul).

L’interdiction de ces pratiques est conjuguée à une interdiction tout aussi catégorique des financements ou de participation dans des activités économiques et dans des entreprises ou groupes liés, directement ou indirectement, à l’industrie de l’armement non conventionnel, l’industrie du tabac et de l’alcool ainsi que les activités liées à la drogue, les activités liées aux jeux et au trafic des êtres humains (trafic d’organes, pédophilie et prostitution), toute forme de destruction écologique et les activités qui portent préjudice à l’équilibre écologique sont également interdites en théorie et suivant les principes de cette finance.

C’est dans ce cadre global que les banques et les établissements financiers islamiques « sont sensés » réaliser leurs opérations commerciales, de financement et de prise de participation. Le respect de ce cadre est « normalement » et généralement assuré par une organisation séparant les aspects techniques de l’activité financière et les aspects de conformité des montages aux règles morales et juridiques de cette doctrine.

Par conséquent, et en pratique, deux organes distincts assurent le pilotage de ce genre d’entité : un conseil d’administration classique et proprement ditassurant le fonctionnement technique et opérationnel de l’établissement et le conseil de conformité éthique dit Sharia’a Boardassurant la conformité des produits et des montages à l’éthique et à la morale islamique. Cette séparation des tâches et des missions vise à éviter toute éventuelle complicité et complaisance entre les deux compartiments et à assurer une harmonie totale des produits proposés par les exploitants et les opérationnels avec les exigences éthiques et morales de la doctrine islamique.

Ensuite, les produits de la finance islamique sont sensés passer un test de conformité via un processus complet de filtrage. Ce processus est assuré par des organismes spécialisés et indépendants des banques et établissements financiers islamiques. Il s’agit de s’assurer que le produit ou son émetteur ne souffre pas de doute et ne participe à aucune activité illicite ni directement ni indirectement avant son émission sur le marché.

Si les expressions « … en théorie … », « … sont sensées … » « … doivent normalement … » sont utilisées pour décrire le fonctionnement ou l’élaboration des produits conformes à la doctrine financière islamique, c’est parce que dans la pratique il est délicat et difficile de labelliser un produit conformément à ce processus et d’assurer sa réussite sur le marché.

En effet, cette finance souffre encore de nombreux handicaps et de plusieurs lacunes et faiblesses. Certains aspects sont dus à des facteurs exogènes au monde de la finance islamique (contraintes des marchés financiers classiques), mais d’autres, par contre, sont le fait des meneurs et des clients de cette finance à savoir les musulmans eux-mêmes.

Pour ce qui est des facteurs externes contribuant à occulter les bienfaits de cette finance et à limiter son champ d’activité voire même à freiner intentionnellement son développement à l’international, nous citons :

Sur le plan commercial du potentiel du marché, nous constatons d’importantes difficultés et de nombreuses contraintes liées à la quantification de la demande, notamment dans des pays qui ont politiquement de l’aversion pour le mot « islamique ». Aucune étude fiable et sérieuse ni de statistiques crédibles ne sont disponibles sur le potentiel réel de ce marché, par ailleurs fortement discipliné et militant.

Sur le plan social, nous observons une forte tendance à des pressions médiatiques, sociales et politiques sur les sociétés et les communautés musulmanesà travers le monde par des dénigrements et des persécutions récurrentes et périodiques.

Pour chaque évènement ou incident socio-économique touchant à l’un des aspects de la vie spécifique des musulmans, nous constatons des propos tendancieux et dénigrants de la part des médias internationaux et des responsables politiques qui essayent de confondre intentionnellement finance islamique et financement du terrorisme. Ceci crée une sorte de peur permanente et de crainte perpétuelle autour du mot générique « islamique » et en particulier le mot « finance islamique ».

Sur le plan technique, la communauté internationale des affaires ne voit pas cette finance comme une alternative et une gamme de produits de différenciation stratégique, mais plutôt comme une activité de substitution pouvant mettre en péril ses activités et sa domination internationale. Ce qui a engendré un conflit d’intérêts et des divergences stratégiques, car l’argent était et reste le nerf de la guerre !!!

Sur le plan opérationnel et pratique, nous observons l’utilisation massive des taux d’int&ea
cute;rêt directement et indirectement, la généralisation de la spéculation comme mode de fonctionnement, et le développement des ventes à découvert
dans toutes les transactions financières internationales et les activités courantes des grandes entreprises et grands groupes internationaux. Cette pratique est considérée comme illicite par la finance islamique, donc excluant d’office toute interaction ou coopération entre ces groupes et les banques et établissements financiers dits islamiques.

Sur le plan fiscal, la nature des systèmes fiscaux internationaux qui considère le stock de richesse et les flux de richesse comme principales bases et assiettes de taxation. Or, dans les transactions financières de la finance islamique, il y a toujours un flux d’actif réel adjacent sur lequel est adossée la transaction financière ce qui génère souvent une double taxation des flux, et parfois même de l’actif lui-même. Ceci, non seulement, rend cher le coût des opérations financières islamiques, mais crée notamment un vide fiscal et bloque ainsi leur développement à l’international.

Sur le plan juridique, le monde de la finance classique, qui est plutôt dominé par le principe de la rationalité au détriment du principe de la moralité et de l’éthique, empêche le développement de règles juridiques basées sur la moralité au lieu de la rationalité. Cette situation maintient le fonctionnement de la finance islamique sur la base de règles morales et éthiques au lieu des règles juridiques.

D’importantes faiblesses et contraintes endogènes et structurelles bloquent également la réussite et le succès de cette finance, y compris au sein même des sociétés musulmanes. Il s’agit d’aspects et de tendances observés et constatés dans les statistiques de l’activité de la F.I dans le monde musulman et ailleurs :

Il s’agit d’abord de cette contrainted’uniformisation des interprétations des textes et règles devant régir la FI. D’où la difficulté de concevoir et harmonier des normes, produits et structures de financement admis et conformes aux règles de la finance islamique. Dans certains pays ce sont des autorités monétaires (Banques Centrales) qui normalisent et dans d’autres il s’agit plutôt d’autorités religieuses (Conseils consultatifs/Fatwa ou Ministère des affaires religieuses).

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Il s’agit ensuite, de cette absence totale et injustifiée de soutien politique de la part des pays musulmans pour le développement internationaldes institutions financières islamiques. Ceci décourage et brise toutes les bonnes volontés et les efforts déployés par les meneurs et les parrains de cette finance. Ceci encourage également certains acteurs et pays à verser dans les blocages et les injustices vis-à-vis de cette branche spécifique.

Il y a notamment cette forte dépendance de la FI d’une ou de quelques rares devises étrangères dominantes (Dollar U.S, Franc Suisse, Livre sterling, Euro) et cette forte concentration sur des opérations à l’étranger (Amérique du Nord et Europe Occidentale). En effet, la majorité des activités de la FI sont libellées en devises étrangères en particulier le Dollar U.S et dans des pays précis (pays de l’OCDE) ce qui prive les sociétés islamiques de l’essentiel du développement que pourrait procurer cette forme de finance.

Il y a également cette faiblesse structurelle des ressources humaines chargées du développement de la F.I et la faiblesse du niveau de formation assuré aux cadresdes banques et établissements financiers islamiques. Ceci prive ces banques d’une vision stratégique cohérente et affaiblit leur influence et leur réactivité sur la scène financière mondiale. Rares sont les instituts de recherche et de développement s’étant consacrés à cette forme de finance éthique et ceux qui existent n’assurent pas de formation complète et de haut niveau.

Malgré le développement d’instruments modernes destinés à des produits d’investissement (les Sukuk islamiques), il existe une forte tendance de financement des opérations d’exploitation ponctuelles et immédiates à très court terme au détriment des opérations d’investissement et d’équipement. Cette aversion aux financements à long et moyen terme prive également les opérateurs économiques porteurs de projets d’investissement et d’équipement de cette forme de financement dont l’accès devient presque impossible et les pénalise fortement.

Malgré les développements positifs induits par la crise économique qui sévit dans les pays développés, la F.I continue d’afficher son aversion aux investissements dans les pays musulmans surtout par crainte d’instabilité politique. Elle continue à réaliser la majorité de ses investissements à l’étranger au détriment des pays musulmans qui en ont besoin.

La finance islamique doit apporter des solutions et des réponses à l’ensemble de ces problématiques et de ces interrogations. Elle est appelée à observer ces faiblesses et ces contraintes, à les analyser en profondeur et à affecter les ressources nécessaires pour les résoudre. Dans la pratique, je pense que certaines lignes stratégiques qui ont fait leurs preuves pourraient déjà être adoptées. Il s’agit de :

En premier lieu, il s’agit pour les parrains et les meneurs de cette finance de constituer des groupes de pression et lobbying politique à travers le monde, tel que fait par les autres industries (parrainage d’hommes politiques, financement de partis politiques, financement de campagne électorale, financement de recherches mettant en relation sciences politiques et finance islamique, parrainage d’évènements politiques nationaux et internationaux).

Ceci pourrait crédibiliser ces institutions aux yeux des responsables politiques et leur permettre de faire passer leur message plus facilement et faire part de leurs soucis et des contraintes qui pèsent sur leurs activités en toute légitimité. Cette action pourrait, également et indirectement, apporter des solutions à de nombreuses autres contraintes exogènes dont souffre l’industrie de la F.I notamment l’amélioration du cadre juridique et fiscal s’y afférant.

Il s’agit là, à mon sens, de l’investissement le plus important et le plus stratégique que l’industrie de la F.I doit consentir en priorité.

En deuxième lieu, il s’agit de consacrer une part plus importante des revenus issus de cette activité à la recherche et au développementdes produits et d’instruments conformes à la fois aux attentes des consommateurs finaux et aux contraintes moral
es et éthiques islamiques.

Ceci passe, soit par le financement de la création d’instituts de formation spécialisés et d’écoles de haut niveau pour l’enseignement des préceptes et des techniques de développement des finances en général et des F.I en particulier, soit par le financement et le développement des recherches dédiées à cette activité au sein des grandes écoles existantes et ayant une renommée mondiale. Ceci pourrait apporter des réponses pragmatiques, des outils modernes et de réelles innovations acceptés à la fois par la communauté scientifique internationale et objectivement défendable par les cercles et les lobbies politiques de la F.I.

Cette action pourrait, aussi directement et indirectement, résoudre de nombreuses contraintes endogènes de cette forme de finance notamment concernant l’identification de l’offre et de la demande et l’adaptation des outils, des instruments et des compétences de la finance islamique aux réalités des marchés nationaux et internationaux sans remise en cause de ses principes éthiques et de ses fondements moraux.

Il s’agit là, également, d’un aspect tout aussi important que le premier qui permettrait de transformer, concrétiser et objectiver les messages politiques et stratégiques en propositions pratiques et opérationnelles réalisables et bénéfiques, non seulement à la société et à la communauté musulmane, mais à toute l’humanité.

En troisième et dernier lieu, il s’agit de concevoir et développer une stratégie de communication moderne, cohérente et efficace destinée à donner aux bienfaits de la F.I et à ses principes l’aura qu’ils méritent. Il s’agit de développer un message clair sur l’ensemble des médias nationaux et internationaux influents visant en particulier, à dissiper toute confusion entre finance islamique et financement de terrorisme.

Le sponsoring et le financement des évènements politiques, scientifiques, sportifs et culturels internationaux sont indispensables pour la réussite de cette stratégie de communication. Ceci ne sera possible que si l’ensemble des institutions financières de la F.I s’y investit, adhère et comprend que les retombées seront partagées et positives pour tous. Cette action vise à compléter et à accompagner les deux premières en apportant un véhicule de diffusion et un support de vente à même de faire face aux compagnes de diffamation et de déformation visant la justesse, l’objectivité et le bon sens des principes et des pratiques de la F.I.

Elle permet également d’éviter tout amalgame et assimilation des opérations de la F.I aux techniques de tricherie et de déguisement dites « Al Tahayoul » qui maquillent des instruments et des produits non conformes en produits licites.

Ces trois actions sont les principes stratégiques nécessaires pour constituer un ensemble homogène, cohérent et efficace de ce que l’on appelle « un système bancaire et financier alternatif autonome », mais elles demeurent insuffisantes pour sa viabilité, sa stabilité et son développement sans d’autres actions opérationnelles et pratiques notamment celles citées ci-après.

Il est indispensable d’atomiser suffisamment les produits et les clients ciblés et assurer une diversification minimale pour diluer les risques systémiques et contrer les attaques externes et environnementales peu favorables à l’émergence de cette activité. Ceci permettrait également une stabilisation permanente des marchés et des produits de la F.I et éviter toute volatilité des prix, des marges et des conditions des contrats conformes à l’éthique islamique et ainsi diluer au maximum les risques spécifiques.

Il est également important que la gamme de produits, d’instruments et de structures dédiées aux ménages et aux particuliers soit assez large pour assurer un matelas stable et des placements à long termepouvant procurer la visibilité nécessaire aux investisseurs éventuels. Ce créneau peut également compter sur la microfinance islamique (d’ailleurs Nobélisée !!) qui se développe de façon impressionnante à la faveur d’une bonne croissance démographique des sociétés musulmanes et à la prise de conscience généralisée des sociétés développées quant aux aspects R.S.E.

Cette activité permet aux banques et établissements financiers islamiques d’absorber tout choc ou crise liée aux opérations sur bilans, de prise de participation ou de capital risque dont les montants, les risques et les pertes sont souvent importants (opérations boursières, opérations sur Sukuks et opérations immobilières, acquisition et fusion). Ceci augmentera la part des monnaies nationales dans les portefeuilles des B.E.F.I et garantir une des retombées économiques aux sociétés musulmanes.

Ensuite, il y a lieu d’encourager, financer et participer activement à la création d’institutions de filtrage islamique, à l’image des agences de notation, dont les actionnaires majoritaires seraient les autorités morales dans les pays, les membres des conseils consultatifs « Shari’a Boards », le cas échéant les États dans les pays adhérents. Le rôle de ces institutions sera non seulement l’octroi du visa de conformité aux nouveaux produits mis sur le marché, mais notamment de réaliser des audits de conformité des anciens produits et des méthodes et procédures utilisées dans les B.E.F.I. Ces institutions doivent être totalement indépendantes et désintéressées pour éviter toute tentation ou velléité de corruption et de complaisance avec les opérationnels et les commerciaux des B.E.F.I.

Enfin, ne pas perdre de vue que la F.I est avant tout une activité économiquement et socialement responsable donc utile à toute la société et non pas uniquement aux entreprises, aux opérateurs économiques ou aux épargnants riches. Ce qui suppose une sorte d’écoparticipation sous forme de financements sociaux et d’accompagnement technique des crédits de bienfaisance dit « Qardh Al Hassan ». Cette participation remplacerait les réserves légales sur dépôts dans le système classique et apporterait aide et soutien aux pauvres et démunis de la société musulmane sans remettre en cause la rentabilité de ses activités commerciales.

La finance éthique en général et la Finance Islamique en particulier sont des activités responsables nécessitant un engagement moral et éthique outre  l’engagement juridicocommercial traditionnel. Elle ne vise pas à faire de la charité
ou de la bienfaisance, mais elle n’exclut pas ces aspects. Elle légitime le gain raisonnable, les activités commerciales, industrielles et les prestations de services utiles et bénéfiques à l’humanité et elle bannit fermement les pratiques vicieuses, la voracité et le gain illégitime et immoral.

La finance islamique ne veut pas, non plus, dire financement de partis islamistes et encore moins financement du terrorisme, ni financements systématiques et exclusifs des sociétés islamiques, car c’est caricatural et simpliste de l’affirmer. De par ses préceptes, ses fondements et ses objectifs, cette finance propose une alternative différente, mais non moins rentable, aux activités basées sur des comportements voraces et immoraux qui règnent actuellement sur les marchés.

Son développement nécessite beaucoup de temps, d’efforts, d’engagements, d’investissements et surtout d’ouverture d’esprit sur le monde. Gageons que les B.E.F.I sauront mieux s’impliquer, mieux s’organiser et mieux se concerter pour y parvenir avec persévérance, tolérance et en total respect de la concurrence car « nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit » !!!(6)

Notes et références :

(1) Mohandas Karam chand Gandhi, 1869-1948, Homme politique indien et père d’une libération pacifique de l’Inde de l’occupation britannique. Dans La Jeune Inde, Éditions Stock 1928.

(2) De nombreux économistes pensent en effet, que ces crises ne sont que le résultat d’un jeu intentionnel entre puissants et meneurs des marchés internationaux. Investissements massifs et désinvestissements massifs leur permettent d’engranger des sommes colossales par l’effet d’entrainement que leur puissance de feu financière engendre.

(3) De nombreux scandale et affaires de faux et usage de faux ont éclatées avant, pendant et après toutes les crises économiques (Scandale d’Enron, scandale Madoff ; scandale du trader de SGA, …etc). La liste des affaires révélées par les médias ayant mis à jour de véritables pyramides de trafic de faux d’usage de faux est longue.

(4) La complexité des techniques, des procédés et des méthodes élaborées par ces marchés a occulté un important et ancien trafic de manipulation du London Interbank Offered Rate « LIBOR » qui vient d’être révélé malgré les tentatives des mis en cause d’étouffer l’affaire par le paiement d’importantes amendes aux gouvernements. Qui rembourserait les investisseurs ayant perdu de l’argent à cause du trafic de ce taux de référence ? Voir le lien suivant (http://www.liberation.fr/depeches/2012/07/25/scandale-du-libor-bruxelles-veut-sanctionner-les-manipulateurs-de-taux_835516).

(5) La financiarisation des économies des pays développés et la désindustrialisation qui l’a accompagné sont à l’origine de toutes les crises cycliques. L’économie est devenue un immense casino pour jeux de hasard. Aucune contre partie réelle des sommes mises et promises !!!

 (6) Gibran Khallil Gibran. Poète et romancier libanais. 1883-1931.

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