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Que dit vraiment le Coran : Dieu défend les croyants (4/4)

Des versets sataniques ?

Dernier volet consacré à l’étude des versets 38 à 54 de Sourate “Le Pèlerinage”. Le fil conducteur explicitait l’action de la révélation du tawhîd, l’unicité divine, au sein de la communauté humaine. Les hommes, poussés par leurs appétits terrestres et leur caractère réfractaire, réagissent par la violence de la guerre à ce qui aurait pu sembler être un facteur d’union. Paradoxalement, le tawhîd agit donc comme un repoussoir entre les croyants et ceux qui refusent l’autorité d’un Dieu unique. Les hommes, insatiables, perçoivent la véritable reconnaissance de l’unicité divine comme une menace face à leur soif de pouvoir, sauf les croyants unitaires sincères et agissant dans la voie du Bien. Ces clarifications furent révélées en un contexte circonstancié : autorisation de se défendre est octroyé par Dieu au Prophète ((SBSL)) suite à son installation à Médine.

Nous lisons :

Quant à ceux qui croiront et agiront vertueusement, pardon et provende généreuse.v50

Quant à ceux qui s’acharnent contre nos Versets, souhaitant ainsi Nous réduire à l’impuissance, ils sont hôtes de la Géhenne.v51

Nous n’avons suscité avant toi aucun Messager ou Prophète sans que Satan n’ait projeté quelques faussetés en sa récitation. Mais Dieu efface ce que lance Satan. Dieu rend définitifs Ses versets, il est Omniscient et Sage.v52 Il en est ainsi afin que ces projections de Satan soient une tentation pour ceux dont les cœurs sont malades, coeurs endurcis ; car c’est ainsi que les iniques s’enfoncent en leur opposition.v53

Il en est ainsi afin que ceux qui ont reçu la connaissance sachent que ceci est la Vérité émanant de ton Seigneur. Il en est ainsi afin qu’ils y croient et que s’apaisent leurs coeurs.

Dieu, certes, guidera les croyants en une voie de rectitude.”v54 

Sourate “Le Pèlerinage”.

La place centrale des versets 52 et 53 attire immédiatement l’attention, leur difficulté de même. Leur traduction est aussi délicate que ne l’ont été les discussions théologiques qu’ils suscitèrent. Nous avons opté en premier lieu pour une traduction littérale suivant la ligne de compréhension proposée par les commentateurs et les traducteurs. Nous verrons en cours de discussion qu’elle doit être autrement formulée.

Le sens des versets 50.51 et 54, qui encadrent le sujet, sera plus simplement envisagé par la suite.

Les versets :

Nous n’avons suscité avant toi aucun Messager ou Prophète sans que Satan n’ait projeté quelques faussetés en sa récitation. Mais Dieu efface ce que lance Satan. Dieu rend définitifs Ses versets, il est Omniscient et Sage.v52 Il en est ainsi afin que ces projections de Satan soient une tentation pour ceux dont les cœurs sont malades, coeurs endurcis ; car c’est ainsi que les iniques s’enfoncent en leur opposition.v53

Que le Coran témoigne que Satan ait pu insuffler à Muhammad (SBSL) des paroles au sein même de sa récitation souleva de vives polémiques sur fond de controverses, notamment d’avec les mutazilites et les chiites. Le dogme de l’infaillibilité du Prophète (SBSL) est au cœur du sujet tout comme il fut au centre du brasier qui enflamma la planète il y a quelques années lors de ce que l’on convint d’appeler “l’affaire des versets sataniques”. Ajoutons que, bien évidemment, nombreux sont les orientalistes qui se sont emparés des “faits” pour discréditer la validité du Coran.

Les faits :

Il existe de nombreuses recensions du même récit[i], en voici une version courte des plus fréquemment citée :

Alors que le Prophète (SBSL) se tenait avec une nombreuse assemblée de Quraych dans l’enceinte même de la K’aba, il désira ardemment qu’enfin son peuple adhère à sa prédication. Dieu lui révéla alors Sourate “L’Etoile”. Il la leur récita, et lorsqu’il arriva au verset “N’avez-vous donc pas vu Al Lât, Al ’Uzza et Al Manâ[ii] cette autre troisième.”(S53.V19.20) Satan projeta sur sa langue les mots suivants : “Ce sont de sublimes déesses[iii] et leur intercession est souhaitée.”  Puis il se prosterna, et les Quraych satisfait de cette révélation se prosternèrent à leur tour jusqu’au dernier. Par la suite, Gabriel vint le voir et lui reprocha d’avoir récité aux gens une parole différente de celle que Dieu lui avait donné. Le Prophète (SBSL) en fut profondément affligé jusqu’à ce que Dieu lui révélât “Nous n’avons suscité avant toi aucun Messager ou Prophète sans que Satan n’ait projeté quelques faussetés en sa récitation…”

L’on trouve cette histoire dans les ouvrages de très nombreux commentateurs du Coran, citons les plus connus : At-Tabarî, Ibn Kathîr, Al Qurtubî, Al Bayhaqî, Al Baghawî, As-Suyûty, Az-Zamakhsharî…

Cette Sourate (S.53, l’Etoile), toutes Ecoles de lecture confondues, clôt en réalité ce passage par un cinglant désaveu : “N’avez-vous donc pas vu Al Lât, Al ’Uzza et Al Manâ cette autre troisième”…”Ce ne sont que des noms que vous et vos pères leur avez donné. Cela sans aucune autorité révélée par Dieu. Ils ne suivent que des supputations et ce à quoi les incitent leurs âmes, alors même que leur était venue de leur Seigneur la Guidée.”V23. Ainsi, le fragment, correspondant à deux versets, dits “versets sataniques”  : “Ce sont de sublimes déesses et leur intercession est souhaitée.” ne figure bien évidemment pas dans le Coran[iv].

Ceci étant, nombre de ces exégèses ont mentionné l’origine douteuse de ce sababu-n-nuzûl, circonstance de révélation. Mais une part de l’approche méthodologique de l’exégèse traditionnelle relève de la transmission de données et l’on constate, malgré tout, qu’ils intégrèrent cette “tradition” à leur grille de lecture interprétative. Le recours aux circonstances de révélation permet de donner sens aisément à des versets en apparence difficiles. Par ce biais, on superpose à la trame coranique un récit présentant l’avantage d’obtenir un sens immédiat. Cette option méthodologique, issue directement de la culture orale, cantonne bien souvent de fait l’exégèse traditionnelle au simple commentaire. Le cas présent le choix n’est point heureux puisqu’il suscita bien plus d’embarras qu’il n’éclairât la signification de ces versets.

L’argumentaire :

Ar-Râzî[v] rappelle lui aussi cette circonstance de révélation mais pour y opposer le plus rigoureux et vigoureux démenti ; en voici les lignes principales :

1– Ce propos n’est pas un hadîth mais un récit forgé de toute pièce, mawd’u. Ibn Khuzayma y consacra une monographie. Son origine est attribuée à une secte hérétique.

2– Le Coran rappelle de principe qu’il n’aurait pas été admissible que le Prophète (SBSL) eût pu déformer le Message : “Ceci est Révélation du Seigneur des Mondes. Et s’il Nous avait attribué d’autres propos, nous l’aurions saisi de la main droite et tranché l’aorte.”S69.V46. Muhammad n’en possède pas en réalité la possibilité ; en l’ouverture de cette même sourate “L’Etoile” on lit : “Il ne parle pas de sa propre initiative et ceci n’est que Révélation inspirée.”V3-4. De plus, et comment pourrait-il en être autrement, le Messager quant à ce qui lui est révélé par Dieu ne peut ni oublier ni se tromper : “Nous te ferons réciter et tu n’oublieras point.” S87.V6.

3– A l’époque de la Révélation de cette sourate les musulmans et le Prophète (SBSL) vivaient dans l’insécurité à la Mecque. Il est donc peu vraisemblable qu’une telle réunion, dont on n’a par ailleurs aucune trace, ait pu avoir lieu.

4- En admettant que le Prophète (SBSL) ait prononcé ces mots contre sa propre volonté comment imaginer qu’il ait pu se prosterner à l’évocation de ces idoles ?!

La nature même du phénomène de révélation par l’intermédiaire de l’Archange Gabriel ne peut permettre à Satan de s’immiscer dans les mécanismes de la Révélation au point de produire des versets. Cela est ontologiquement impossible et, si tel était le cas, un pareil épisode pouvant alors se reproduire, l’on ne conserverait aucune certitude quant à la validité de la Révélation en son ensemble. C’est probablement là au demeurant un des objectifs visé par ceux qui introduirent ce récit dans les données transmises des musulmans. Il est significatif à cet égard de constater qu’en certaines versions les termes “Satan projeta sur sa langue les mots suivants” ont été remplacés par “Satan fit entendre aux gens”.

Au final, ce récit a été forgé de toute pièce pour discréditer le Prophète (SBSL) et la Révélation mais la vigilance des spécialistes du Hadîth a permis de détecter cette intrusion. Si le recours aux circonstances de révélation est un outil exégétique indispensable, il suppose que les dits événements soient parfaitement authentifiés. Tel n’est point le cas présentement, et il est fort dommageable que l’on se soit malgré tout servi de ce propos pour commenter ces deux versets. L’on comprend, qu’en conséquence, l’on dût s’arc-bouter sur le dogme de l’infaillibilité prophétique pour tenter de contrebalancer les effets négatifs ainsi engendrés.

L’analyse :

S’il était aisé de démontrer la fausseté de “l’affaire des versets sataniques” reste donc à donner sens à ces versets. Nous donnerons priorité à la lettre, mais comment pourrait-il en être autrement ; un verset est un texte construit pour délivrer par lui-même un message précis.

  “Nous n’avons suscité avant toi aucun Messager ou Prophète sans que Satan n’ait projeté quelques faussetés en sa récitation.”A lire cette phrase sans préjugés théologiques ou scolastiques et sans l’induction de sens due au faux sabab précèdent, on note qu’il ne traite que de cas relatifs aux Messagers et aux Prophètes antérieurs au Prophète Muhammad (SBSL). Littéralement, le Coran n’envisage pas là une défaillance dont aurait pu être atteint personnellement Muhammad (SBSL), bien au contraire il l’en innocenterait. Par ailleurs, les versets précédents cités par Ar-Râzî traitent non de l’infaillibilité du Prophète (SBSL) mais de l’infaillibilité dans sa transmission de la Révélation.

Le fait que soient mentionnés conjointement les Messagers et les Prophètes, ces derniers ne recevant pas la Révélation[vi], indique que l’objet du propos est précisément l’inspiration et non la Révélation en tant que transmission d’un message destiné à être récité aux hommes à la lettre. Comme le fit observer Ibn Kathîr la plupart des commentateurs ont donné au terme umnyya le sens de lecture glosant alors“Satan projeta en sa récitation.” comme nous l’avions conservé en notre traduction. On mesure ici toute l’influence du récit apocryphe, pris malgré tout comme base scripturaire, où il était dit : “Satan projeta sur sa langue les mots suivants“.

Cependant, le terme umnyya signifiant étymologiquement tout aussi bien lecture que désir, espérance, aspiration, souhait, doit être compris et traduit dans le contexte littéral, et non plus selon celui induit par le “sabab“. On retiendra donc le sens de désirs ou un de ces équivalents. Au plus près on lit : “Nous n’avons suscité avant toi aucun Messager ou Prophète sans que Satan n’ait projeté en leurs désirs.” Notons que la fausse “circonstance de révélation” employait la racine verbale de ce même umnyya en début de récit selon ce sens là : “il désira ardemment qu’enfin son peuple adhère à sa prédication.”

-“Mais Dieu efface ce que lance Satan.” Le propos est limpide : Dieu, dans la relation privilégié qu’il entretient avec ses Serviteurs, ne permet pas aux insinuations sataniques d’avoir prise en l’esprit et l’âme des êtres qu’Il a élu. Ce qui ne signifie pas qu’elles n’aient pas lieu.

L’emploi du verbe nasakha signifiant tout aussi bien abroger, transcrire qu’effacer ne doit à présent pas égarer le sens. Il ne peut s’agir ici de l’abrogation de versets que Satan projetterait, pour le moins, en les Messagers. Encore moins sur la langue du Prophète Muhammad, (SBSL) comme le prétendait faussement le récit apocryphe des “versets sataniques”. Signalons que la plupart des traductions, suivant en cela les commentaires classiques, portent à tort : “Mais Dieu abroge ce que lance Satan.” L’influence du faux “sabab” est telle que l’on comprend encore ces mots comme signifiant “Mais Dieu abroge les versets que Satan projette.”

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-“Dieu rend définitifs Ses versets, il est Omniscient et Sage.” Cette affirmation signe une rupture dans le discours qui, à présent, ne parle plus du cas des Messagers et des Prophètes mais de la relation des hommes à la Révélation. Le verbe hakama est très polysémique et parmi les sens qu’il revêt, s’agissant de la Révélation on retient : rendre péremptoire, renforcer, expliciter. On traduira donc littéralement : “Ensuite (sachez que) Dieu rend explicite Ses versets, il est Omniscient et Sage.”

“Il en est ainsi afin que ces projections de Satan soient une tentation pour ceux dont les cœurs sont malades, coeurs endurcis.” Ce passage sous l’influence de la grille de lecture induite par le récit des “versets sataniques” semblait indiquer que cet événement n’avait pour fonction que d’égarer les réfractaires.

Selon la compréhension littérale que nous suivons à présent on doit les traduire au plus près comme suit :  “Ensuite (sachez que) Dieu rend explicite Ses versets, il est Omniscient et Sage.  Ceci afin que ce que projette Satan (en le coeur des hommes) ne soit une tentation (ou une épreuve) que pour ceux dont le cœur est malade, coeurs endurcis.” Les autres, ceux que Dieu a guidé par la foi, reconnaîtront le caractère parfaitement explicite et véridique de la Révélation et s’y conformeront sans céder à ce que Satan ne manquera pas de leur insuffler. Ils n’erreront pas en fonction de leurs désirs et spéculations personnelles. Lorsque le cœur est sain, le croyant possède en lui-même les ressources nécessaires pour mener à bien la lutte contre les penchants négatifs de son âme : s’adressant à Iblîs Dieu dit : “Tu n’auras aucune autorité sur Mes serviteurs, sauf les égarés qui te suivront.”S15.V42.

-“car c’est ainsi que les iniques s’enfoncent en leur opposition.” Conclusion logique confirmant que le mécanisme évoqué est bien la cause de la perte des dénégateurs.

Nous pouvons relire à présent ces deux versets selon une toute autre perspective, pleinement littérale, et évitant les écueils théologiques précédemment évoqués :

“Nous n’avons suscité avant toi aucun Messager ou Prophète sans que Satan n’ait projeté en leurs désirs, mais Dieu efface ce que lance Satan. Ensuite (sachez que) Dieu rend explicite Ses versets, il est Omniscient et Sage. Ceci afin que ce que projette Satan (en le cœur des hommes) ne soit une tentation (ou une épreuve) que pour ceux dont le cœur est malade, coeurs endurcis. Car c’est ainsi que les iniques s’enfoncent en leur opposition.”

Suite :

Les versets 50,51 et 54, que nous avions provisoirement délaissés, s’inscrivent d’eux-mêmes en la logique de compréhension des versets précédents :

Quant à ceux qui croiront et agiront vertueusement, pardon et provende généreuse.v50 Quant à ceux qui s’acharnent contre nos Versets souhaitant ainsi Nous réduire à l’impuissance, ils sont hôtes de la Géhenne.v51 Il en est ainsi afin que ceux qui ont reçu la connaissance sachent que ceci est la Vérité émanant de ton Seigneur. Il en est ainsi afin qu’ils y croient et que s’apaisent leurs coeurs. Dieu, certes, guidera les croyants en une voie de rectitude.”v54

Bilan.

Valider la digression de la légende des “versets sataniques”, outre son caractère apocryphe, brisait l’unité de sens de l’ensemble des versets que nous avons abordés. Il devenait difficile de comprendre ce que des versets traitant de difficultés supposées dans la Révélation pouvaient signifier dans le contexte global de ce passage coranique. La lecture littéraliste que nous en proposons, c’est-à-dire le texte par lui-même et en lui-même, permet de conserver une unité de sens. Ces versets s’inscrivent alors logiquement dans le discours général relatif aux dispositions négatives des oppresseurs vis-à-vis de la Révélation. Le tawhîd, en sa révélation, agit comme un repoussoir à l’égard de ceux dont le cœur est dévié et comme un aimant pour ceux dont le cœur est sain. Les combats en découlant ne sont que la manifestation extérieure et historique de ces intimes processus.

Hadîth :

Concernant la totalité du chapitre dont nous avons envisagé le résumé exégétique en ces quatre volets, le bilan du Hadîth sera limité, seul un propos et deux hadîths authentifiés ont été mis en relation avec l’interprétation de ces versets.

1-Concernant un des versets clef Ibn Abbâs a dit : “Lorsque le Messager (SBSL) quitta la Mecque Dieu lui révéla “Autorisation est donnée à ceux qui combattent pour avoir été opprimés. Dieu, certes, est à même de les rendre victorieux.”V39. Abû Bakr fit alors cette réflexion : “Nous sûmes qu’il y aurait des combats.”[vii] Il existe quelques autres témoignages au contenu similaire.

L’analyse de texte permettait de même de déduire cette circonstance de révélation tout en offrant les possibilités d’une interprétation plus large. En l’occurrence il s’agissait de passer du particulier au cas général. Notons que le propos de Abû Bakr offre un exemple de compréhension directe comme seuls pouvait le faire les membres de la première génération. Dans ce cas précis, il est aisé de constater qu’il ne s’agit pas d’interprétation mais du vécu simple et immédiat de l’information première contenue en ce verset.

2-Abû Hurayra a transmis le hadîth suivant : “Le Messager de Dieu (SBSL) a dit : “Les pauvres entreront au Paradis une demi journée, qui représente 500 ans, avant les riches.”[viii]Il est explicite en lui même mais ne fait aucune référence aux versets qui nous concernent. Malgré tout, il a été cité pour illustrer le verset 47 “Ils te demandent de précipiter le châtiment ! Or, Dieu ne faillira point à sa promesse. Cependant, un jour de ton Seigneur est comme mille selon ce que vous comptez.” Ainsi conçu, cet appariement donne aux valeurs chiffrées un sens concret, 500 est la moitié de1000. Cependant, rien dans le texte de ce hadîth ne permet de savoir si le Prophète (SBSL) faisait ici allusion à ce verset ou à une notion différente, et ce n’est qu’un raccourci assez simple qui permet d’en préjuger sans aucun fondement démontrable. On pourrait de plus objecter que ce verset indique le différentiel entre notre temps mesurable et l’espace divin qui lui est hors temps et hors mesure.

Le temps, tel que nous le concevons, n’a ni valeur ni sens pour un lieu d’éternité n’appartenant pas à notre espace temps. Il est donc incorrect de vouloir mesurer et comparer ces deux termes arithmétiquement, ce serait mesurer le “temps” de Dieu (notion absurde) à la montre des hommes. Le rapport ne peut être qu’illustratif, mille ans n’ayant que valeur d’échelle indicative et relative, ce hadîth stricto sensu procède de même.

3-Abû Mûsâ a transmis le hadîth suivant[ix]  : “Le Prophète (SBSL) a dit : “Dieu laisse un délai aux injustes, mais lorsqu’Il se saisit d’eux Il ne relâche pas son emprise.” Puis il récita “C’est de cette manière que ton Seigneur se saisit des Cités injustes ; Sa saisie est douloureuse, intense.” S11.V102. Propos réintégré ici par les commentateurs pour illustrer sur le même mode les versets 44-45 “J’ai donc laissé un délai indulgent aux dénégateurs, puis me suis saisis d’eux. Que ne fut pas mon désaveu ! Que de Cités n’avons-Nous pas détruites. Elles étaient emplies d’injustice, elles ne sont à présent que ruines, puits abandonnés, demeures de boue, désertes.”

L’on peut qualifier cette paraphrase prophétique de mise en situation du texte coranique et, tel quel, l’information donnée est minime.

Le tafsîr par le hadîth nécessite bien souvent d’interpréter ou d’expliciter les paroles du Prophète (SBSL). Il y a-t-il un texte qui ne puisse ni ne doivent l’être ? Comment en serait-il autrement de la parole synthétique du Prophète Muhammad (SBSL) ! Qui aurait prétendu que nous détiendrons par le Hadîth une exégèse clef en main, à notre connaissance aucun savant de l’Islam.

Nous avions en notre analyse évoqué la tyrannie de l’Israël sioniste et il y a, entre autre, dans l’interaction entre ce hadîth et ces versets le rappel suivant : Lorsqu’un peuple, une nation ou une civilisation, du fait même de sa puissance, s’enfonce dans l’injustice structurellement et en actes, Dieu suscite les événements qui amèneront irrémédiablement sa perte. L’injustice est la cause endogène de toutes les involutions civilisationnelles. Comme l’indique le Prophète (SBSL) “Il ne relâche pas son emprise”, l’histoire ne connaît pas de cas ou une civilisation effondrée ait pu renaître de ses cendres. Il y aurait là de même un sujet de réflexion quant à l’élaboration de bases revivifiées relatives au projet de reconstruction de la civilisation islamique, mais ceci est un autre débat. 

Exégèse :

Lire le Coran c’est vouloir le comprendre. A cette fin la lecture doit déconstruire et reconstruire. Déconstruire l’ensemble de nos préjugés et présupposés et construire du sens orienté vers la Vérité à partir du Texte, et des textes, lettre à lettre. Mouvement de l’esprit et du cœur asservi au temps et fondé sur la certitude que le Coran délivre une seule vérité, la Vérité : “Et de la Vérité Nous avons procédé à sa révélation, et c’est porteur de la Vérité qu’il a été révélé. Tu es seulement chargé de le transmettre, annonce et avertissement.” S17.V105

Vérité unique donc, transmise par la Révélation et que les hommes ont à charge de découvrir. Quête universelle aussi, en laquelle les musulmans ont un rôle essentiel à jouer, bien lourde responsabilité. Comme l’on sait, une droite est un ensemble de points. Chacun ayant alors selon sa capacité, mais toujours en totale sincérité, la charge de prolonger cette ligne qui ne pourrait bien être qu’une asymptote. Quoiqu’il en soit, une marche en avant vers la Vérité procédant par “vérités” successives. Il n’ y a donc pas de lecture du Coran qui puisse prétendre à la vérité, pas plus celles du passé que celles du présent, toutes participent d’une même synergie. La sincérité et la modestie sont nos deux seules garanties, les fruits de la raison n’étant mûrs qu’en leur pleine saison. Telle est la dynamique de l’exégèse, lien constant et ferme d’avec la Révélation, effort collectif et individuel qui fait du Livre intemporel un Livre en marche dans le temps.



[i] La source la plus fréquente en est la Sîra de Ibn Ishâq.

[ii] Trois divinités importantes du panthéon Arabe.

[iii] En arabe, chez les commentateurs du Coran, on ne dit pas “versets sataniques” mais “versets des gharânîq“. Ce terme, le texte du récit hésite d’ailleurs entre ghurânîq et gharânîq, désigne la pure beauté d’un jeune homme, un oiseau volant haut de la famille des grues et, par métonymie, les déesses dont l’intercession était perçue comme émanant d’une proximité céleste.

[iv] Signalons que contre toute raison Régis Blachère, orientaliste de grand renom, les fit figurer dans sa traduction du Coran en français sous les numéros 20 bis et 20 ter !

[v] Tafsîr al Kabîr : Mafâtih al ghayb Vol XXIII page 44.

[vi] Il est généralement admis que les tous les Messagers de Dieu sont Prophètes mais que les Prophètes ne sont pas Messagers transmetteurs d’un Message écrit ou destiné à être écrit. Dieu, cependant, communique nécessairement avec l’ensemble par inspiration. Signalons que selon leur logique dogmatique les mutazilites n’ont pas retenu cette dichotomie.

[vii] Hadîth sahîh rapporté par Ibn Hanbal, At-Tirmidhy, Al Hâkim et An-Nisâî’.

[viii] Hadîth authentifié, sahîh, en cette version rapportée par Ibn Hanbal.

[ix] Hadîth rapporté par Al Bukhârî et Muslim.

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