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Que dit vraiment le Coran : Dieu défend les croyants (3/4)

“Ne méditent-ils pas le Coran ! Ont-ils le cœur verrouillé !” S47.V24.

Nous avions, lors des deux premiers volets de cette étude, envisagé l’exégèse des versets 38 à 41 Sourate “Le Pèlerinage”. Ils représentaient le premier “paragraphe” d’un passage constitué des versets 38 à 54. Le segment clef en était le suivant “N’eut été le fait que Dieu repousse les hommes les uns par les autres” V40. Nous avions montré selon deux approches différentes la centralité de l’expression daf’u-llâhi que l’on devrait traduire très exactement par “repoussoir de Dieu” mais que l’usage et la langue expriment à défaut en mode verbal “Dieu repousse”. Cependant, nous avions démontré que tel n’était pas le cas ; ce qui repousse les hommes les uns contre les autres est plus précisément le repoussoir de Dieu. Le contexte, la structure, et le sens général permettaient d’identifier cette entité au tawhîd, l’unicité de Dieu.

Le deuxième paragraphe de ce passage comprend les versets 42 à 49.

Te traitent-ils de menteur !
 Bien avant eux firent de même le Peuple de Noé, les ’Âd et les Thamûd, v42 les Peuples d’Abraham et de Loth, v43 les Gens de Madian.
Moïse aussi fut démenti.

J’ai donc laissé un délai indulgent aux dénégateurs, puis me suis saisis d’eux.
Que ne fut pas mon désaveu !v44
Que de Cités n’avons-Nous pas détruites. Elles étaient emplies d’injustice, elles ne sont à présent que ruines, puits abandonnés, demeures de boue, désertes.v45

Ne parcourent-ils pas la Terre ! Leurs cœurs sont-ils incapables de comprendre ! N’entendent-ils pas ! En réalité, ce ne sont point leurs regards qui rien ne discernent, mais leurs cœurs, en leurs poitrines qui sont aveugles.v46

Ils te demandent de précipiter le châtiment ! Or, Dieu ne faillira point à sa promesse. Cependant, un jour de ton Seigneur est comme mille selon ce que vous comptez.v47

Que de Cités n’avons-Nous pas laissées en sursis alors qu’elles étaient emplies d’injustice, puis Nous les saisîmes.
Nulle issue si ce n’est vers Moi.v48

Dis : “Ô hommes, je ne suis chargé que de vous délivrer un clair avertissement.”v49

Sourate “Le Pèlerinage”.

Te traitent-ils de menteur[i]  !

Cette apostrophe adressée en apparence au Prophète SBSL nous projette dans la réalité qui fut sienne, le tutoiement permet à cet instant une lecture intime. Précédemment, le rappel était articulé selon une approche générale, le concept du repoussoir de Dieu, le tawhîd. A présent, en est donnée une confirmation en mode particularisé.

Le Prophète SBSL est la réactualisation du message d’unicité divine et cela a trois conséquences conformément à l’action résultant intrinsèquement du repoussoir-tawhîd : on te suivra, on te reniera, on te combattra.

Te traitent-ils de menteur est en réalité une apostrophe dont l’objectif premier est de stigmatiser le mensonge de ceux qui rejettent le Message du Prophète. C’est ce mensonge qui sera le thème pris en compte en cette séquence.

Ce mensonge a servi de justification à la guerre menée contre tous les croyants telle que nous l’avions envisagée précédemment et, selon un nouvel axe d’analyse, en tant que cause première de la dénégation.

-Première conséquence, il n’y a pas de guerre juste, pas d’agression qui se puisse justifier, pas d’ingérence que l’on puisse prétexter. Le mensonge seul légitime la volonté de conquérir ou de dominer. Ceci résume le paragraphe précédent.

-Deuxièmement, un Prophète délivre un rappel relatif à la revivification de l’unicité de Dieu ; le mensonge à son égard procède donc du déni, kufr. Déni du message et déni de Dieu, unité et omnipotence. Que l’on y prenne garde car, théologiquement, l’homme, le croyant, dans la fureur du temps et de la vie tend à excentrer Dieu de la réalité.

 Ainsi ai-je constaté que certains ont cru pouvoir penser que les choses étaient aussi simples que claires : ce sont les hommes qui combattent et non pas Dieu. Affirmation qui, schématiquement, relève des solutions théologiques juives et chrétiennes : les affaires d’ici-bas sont nôtres et Dieu n’y est pas acteur. Or, Dieu en Islam est maître et acteur absolu de Sa création, il n’en est pas détaché, ni éloigné et encore moins désintéressé[ii].

Bien avant eux firent de même le Peuple de Noé, les ’Âd et les Thamûd, v42 les Peuples d’Abraham et de Loth, v43 les Gens de Madian.

La règle est intangible, l’épopée des Prophètes qui, tous, furent rejetés, nous le rappelle. Le Coran, par ailleurs, développe ces récits et aborde la relation négative à la Révélation selon bien des aspects. Chaque histoire représente en fait une des multiples facettes d’une seule et unique problématique : le rejet de l’Unicité, sujet engendrant parmi les hommes division et répulsion, le “repoussoir de Dieu”. Le mensonge (kadhb) est ici présenté comme étant l’essence intime du déni, kufr, l’un procède de l’autre.

Notons que malgré l’impression première, tous ces peuples ne connurent pas le même sort, on note  :

-1 Les Cités détruites[iii]  : Peuple de Noé, les ’Âd, les Thamûd, peuple de Loth et de Chu’ayb[iv].

-2 Peuples ayant refusé, à des degrés divers, la prédication monothéiste, c’est le cas en ce verset pour ce d’Abraham et de Moïse.

L’Islam en son histoire relève de cette deuxième catégorie, sous cet aspect particulier il y a une continuité d’Abraham en passant par Moïse jusqu’à Muhammad.

Moïse aussi fut démenti. Ce segment se détache nettement des autres, il va préciser et accélérer le sens voulu[v], le précipiter en notre présent. Littéralement, il est écrit “Moïse fut traité de menteur”, il s’agit en réalité de la troisième répétition du verbe kadhdhaba, traiter de mensonge, démentir, nier, que la traduction pour des raisons propres à la langue française ne pouvait transcrire à trois reprises. Cependant, le procédé de répétition donne ici de la cohésion à des éléments différents tout en permettant d’individualiser le cas de Moïse de celui des Cités anéanties. Le parallèle entre Moïse et Muhammad n’en est que plus évident : comme une partie de son peuple dénia Moise une part dénia Muhammad. [vi]

Or, ce lien organique s’entend hors du temps, le passé lointain se projette dans le passé proche, lui-même préfigurant le présent et l’avenir. Le Coran, pour une grande part, conçoit ce type de récit dans cette unique perspective. Ainsi, par exemple, les nombreux développements relatifs aux Hébreux constituent-ils un vaste discours de mise en garde adressé aux musulmans.

L’Histoire coranique, que d’aucun qualifie à tort d’Histoire religieuse, n’est donc pas linéaire mais, paradoxalement, constante. Elle a valeur constructive et pédagogique, la morale et la philosophie des faits ont pour principal objectif l’édification du lecteur afin qu’il réforme son âme et son être, adapte son action au temps présent et œuvre pour l’avenir.

Les hommes étant homme, l’on comprendra la justesse de la méthode coranique. Il en est donc de même actuellement : des juifs[vii] ont dénié le Message de Moise en se prétendant de droit sur une terre usurpée. Ils sont en cela en totale opposition avec leurs propres concepts religieux authentiques, en opposition avec l’humanisme judaïque et en opposition avec les réalités historiques[viii].

 Le parallélisme enseigne alors que des musulmans ont dénié le Message de Muhammad en abandonnant une part d’eux-mêmes dans l’adversité. D’autres ont trahi le message d’humanisme de l’Islam en tuant des innocents aveuglément, la haine comme dogme. Adoptant la violence comme principe directeur, et l’aveuglement comme direction, d’autres s’inscrivent en porte-à-faux avec l’Histoire.

En “Tuer de droit”[ix] nous avions traité, à partir de cette lecture coranique, de la reproduction en miroir des actes et de l’alternance des rôles, et nous avions écrit : “Pousserions-nous la roue d’un tour, qu’inexorablement elle écraserait l’autre, lui en bas et nous en haut. Serions nous un peuple de victimes et eux de bourreaux.”

Cette infernale répétition concerne tous les hommes et aussi bien les juifs que les musulmans. Rappelons nous des segments clefs des premiers versets de ce paragraphe : “Ceux qui ont été expulsés de leurs demeures en dehors de tout droit” V40. “Autorisation est donnée à ceux qui combattent pour avoir été opprimés” V39. Dieu, certes, n’aime pas le traître plein d’ingratitude.V38.

Ces versets, à partir de l’incise “Moïse aussi fut démenti” peuvent être projetés au présent et leur propos est alors double, comme un reflet. Il concerne bien évidemment la situation des Palestiniens sous le joug sioniste mais aussi les limites éthiques à l’action de défense ainsi que les insuffisances et les suffisances des uns comme des autres.

Rappel donc, incessant et permanent, afin que le pacte contracté par les croyants, mîthâq, soit respecté et, qu’ainsi, la tragédie de l’histoire ne se répète. La mise en lumière du cycle est destinée à le briser.

Une telle projection du passé en l’actualité donne pleinement sens à ces versets. Au passage, certains “penseurs du Coran” les classent aisément dans la catégorie “récits d’Anciens”. Pour ceux-là, une quasi moitié du Coran n’aurait donc de fait aucune application concrète. Ils devraient logiquement nous proposer de les conserver à titre purement décoratif. Nous noterons, outre le fait qu’il n’est donc pas pour eux d’en faire l’exégèse, que cela était déjà l’argument de certains détracteurs contemporains de la Révélation  : “Quand on leur demande : “Qu’a donc révélé votre Seigneur ? ” Ils répondent : “Ce ne sont que récits des Anciens.”S16.V24. Lettre morte pour cœurs morts.

J’ai donc laissé un délai indulgent aux dénégateurs, puis me suis saisis d’eux.
Que ne fut pas mon désaveu !v44

Que de Cités n’avons-Nous pas détruites. Elles étaient emplies d’injustice, elles ne sont à présent que ruines, puits abandonnés, demeures de boue, désertes.v45

Ils te demandent de précipiter le châtiment ! Or, Dieu ne faillira point à sa promesse. Cependant, un jour de ton Seigneur est comme mille selon ce que vous comptez.v47

Que de Cités n’avons-Nous pas laissées en sursis alors qu’elles étaient emplies d’injustice, puis Nous les saisîmes.

Nulle issue si ce n’est vers Moi.v48

Nous avons directement regroupé la lecture de ces versets qui, en réalité, s’articulent autour d’un axe[x], ici les pointillés, que nous étudierons dans les suites immédiates. Cette présentation permet de constater la symétrie structurelle du propos ainsi que, contrainte de format, d’en résumer l’exégèse.

Les Cités détruites sont à détruire, les ruines du passé sont celles de l’avenir. Au fracas des Empires ne succède que le vent en d’improbables ruines. Le temps du Seigneur des mondes nous impose de relativiser le nôtre, l’Histoire coranique est intemporelle, plus de triomphe, plus de victoire, le temps au final s’absorbe en Dieu, Nulle issue si ce n’est vers Moi.

Sursis, délais, hâte, précipitation, promesse, tissent le champ lexical d’un projet dont la raison d’être est l’injustice et la prétention des dénégateurs. Plus que jamais le tawhîd est ici le “repoussoir de Dieu”. Et il est écrit que ce n’est point l’injustice, pourtant cause première apparente, qui les détruit, mais Dieu. Est alors établie la différence entre causes essentielles et cause première.

Fonder son avenir sur l’injustice, la spoliation et le mensonge est avoir programmé sa propre disparition, construire sur du sable. La haine est le fer de lance du mensonge, l’aboutissement est génocidaire. Il s’agit d’une loi universelle : pour chaque tribu, chaque empire, chaque nation, cette énergie négative alimente l’holocauste[xi], puis ce que l’on croyait être une ferme construction s’effondre. L’illusion enivre les hommes, ils croient leurs réalisations immortelles, le temps les trompe, il est l’allié de Dieu J’ai donc laissé un délai indulgent aux dénégateurs mais un jour de ton Seigneur est comme mille selon ce que vous comptez. Sont confrontées l’évanescence des civilisations iniques et la permanence du tawhîd.

De plus, la symétrie coranique nous enseigne que l’échec est double, ruine ici-bas et châtiment en l’autre monde.

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Ne parcourent-ils pas la Terre ! Leurs cœurs sont-ils incapables de comprendre ! N’entendent-ils pas ! En réalité, ce ne sont point leurs regards qui rien ne discernent, mais leurs cœurs, en leurs poitrines qui sont aveugles.v46

Ce verset est central, le cœur de la séquence que nous étudions, il était précédemment représenté par l’axe en pointillé.

En première lecture, Ne parcourent-ils pas indique directement l’analyse historique, la compréhension des faits dont on devrait tirer des conclusions utiles. N’entendent-ils pas signifie l’écoute attentive de la Révélation. Cette dernière non explicitement mentionnée peut être comprise au sens large, la communication de Dieu.

L’ensemble du contexte induit cependant une lecture plus centrée sur les rapports entre la vaine puissance des hommes et la puissance absolue de Dieu. Selon cet angle nous comprendrons alors que l’injustice des Cités est liée à l’aveuglement des cœurs et non à celui des regards, c’est-à-dire à une perversion de l’intellect.

 Ainsi, comme l’avait déjà fait observer Ibn Khaldûn, une civilisation doit son origine aux valeurs intrinsèques et neuves du peuple qui l’initie. Puis, au-delà de ce pur élan originel, l’effondrement sera programmé de l’intérieur. Car, qu’il soit lié au confort matériel ou à la décadence morale, l’avilissement détruit les vertus initiales, la spiritualité fondatrice en quelque sorte ; en réalité, ce ne sont point leurs regards qui rien ne discernent, mais leurs cœurs, en leurs poitrines qui sont aveugles.

Ces Cités les voila qui se dressent sous nos yeux, non pas vestiges du passé mais signes visibles au présent. De hautes tours, symboles de puissance, s’érigent, d’autres s’effondrent. Des hommes assoiffés de pouvoir en oppriment ou en massacrent d’autres. D’éternels Pharaons rêvent toujours d’empires. Le passé, le présent et l’avenir, nous l’avons dit, se confondent. Seuls, ceux dont le cœur est aveugle, ne le voient point.

Remarque :

Observons cependant que l’analyse de ce verset achoppe à la structure logique linéaire du propos coranique. En effet, du point de vue rhétorique on note comme une contradiction. De fait, selon les règles classiques de construction du discours, à Ne parcourent-ils pas la Terre devrait normalement correspondre ce ne sont point leurs regards qui rien ne discernent et à N’entendent-ils pas aurait du avoir un autre répondant que les regards ou les cœurs. Nous présenterons la résolution du problème en infra.

Conclusion.

Dis : “Ô hommes, je ne suis chargé que de vous délivrer un clair avertissement.”v49

En fonction de l’analyse linéaire textuelle que nous pratiquons tous, ce verset introduit habituellement la troisième et dernière partie du passage coranique que nous étudions (volet 4/4). Or, en réalité, il conclut ce paragraphe[xii] et de fait l’avertissement clair se comprend alors selon deux lignes argumentaires. La première relève de la sociologie, de l’histoire des peuples, de la politique et des enjeux de pouvoir, de la vanité humaine. La deuxième, théologique, se résume à l’essentiel, au fondamental, à la parole unique d’unicité, le tawhîd : Il n’y a de dieu que Dieu, et sous l’angle de la communication qui vous est ici adressée sachez qu’il n’y a de force et de puissance qu’en Dieu et que Nulle issue si ce n’est vers Lui.

Fin de la troisième partie.

Le quatrième volet, plaise à Dieu, abordera entre autres un verset en relation avec les bien trop célèbres Verset sataniques.

Complément :

Faute d’avoir été bien trop long en ce résumé d’exégèse nous ne pourrons présenter la structure de ce paragraphe selon les règles de la sémantique sémitique de la Révélation. Toutefois, cette approche est nécessaire à la résolution du problème de cohérence textuelle que nous avions ci-dessus soulevé.

Le verset 46 que nous avions lu classiquement en un seul bloc représente, nous l’avions dit le centre structurel du paragraphe qui est organisé dans son ensemble selon une structure dite spéculaire (ABCD / D’CB’A’), l’axe de symétrie ne correspond pas à un verset mais à une plicature virtuelle. Le cas présent elle passe par le milieu de ce verset.

Ne parcourent-ils pas la Terre ! 
Leurs cœurs sont-ils incapables de comprendre !

N’entendent-ils pas !
Ce ne sont point leurs regards qui rien ne discernent, mais leurs cœurs, en leurs poitrines qui sont aveugles.v46

Nous avions souligné les problèmes logiques soulevés par la lecture linéaire classique. Il faudrait y ajouter à vrai dire une répétition (leurs coeurs x 2) entraînant une certaine lourdeur de style. Qu’il s’agisse du texte en arabe aussi bien que de sa traduction.

Si nous observons la répartition du texte, les segments qui semblaient être auparavant présentés en un ordre peu ou pas logique, peuvent à présent être lus de part et d’autre de l’axe central, le pliage faisant correspondre les différentes parties.

 Ainsi, ne parcourent-ils pas la Terre a comme continuité attendue ce ne sont point leurs regards qui rien ne discernent, mais leurs cœurs, en leurs poitrines qui sont aveugles. De même n’entendent-ils pas est prolongé logiquement par leurs cœurs sont-ils incapables de comprendre. Présenté selon cette nouvelle approche, les symétries obtenues résolvent les difficultés qu’un abord littéraire classique ne pouvait que soulever. La construction littéraire coranique trouve et retrouve là toute sa cohérence. La symétrie explique aussi la répétition des termes leurs cœurs, les uns étant le reflet des autres, tout comme incapables de comprendre correspond à qui sont aveugles.

Par ce simple exemple il est possible de comprendre une des particularités majeures de la construction littéraire coranique, la symétrie. Laquelle s’organise en plusieurs systèmes : concentrique, parallèle, spéculaire, etc. affectant la composition du texte de l’unité verset jusqu’à la sourate en son intégralité. Le Coran n’est donc pas conçu selon les règles et mécanismes utilisés conventionnellement depuis plus de deux mille ans y compris par les exégètes de langues et cultures sémitiques.

Il s’en suit que l’analyse du sens, l’exégèse, peut parfois ne pas être en harmonie, avec le texte coranique du simple fait de n’avoir pu prendre en compte ces particularités structurelles. Il ne s’agit pas non plus de prétendre ainsi vouloir révolutionner l’interprétation du Coran, mais il est d’ors et déjà certain que de tels outils méthodologiques rendent possible la résolution de certaines difficultés et ouvrent d’autres horizons de cohérence.

A titre démonstratif nous voudrions souligner un autre point d’importance. Les avancées récentes de l’analyse rhétorique du Coran permettent de dénouer une énigme fort ancienne. En effet, le Coran apparaît aux lecteurs, qu’ils soient arabes ou non, bien peu structuré : ruptures de sens, amoncellements, changements de sujet, répétitions, versets intercalés, versets interrompus, etc. Au final une impression générale assez déroutante dont l’étrangeté n’avait pas échappé à nos prédécesseurs. Cependant, faute d’outils conceptuels adéquats ils n’avaient pu résoudre la problématique et les solutions proposées relevaient plus de l’apologétique que de la démonstration.

Conséquemment, les détracteurs du Coran avaient, et ont toujours, beau jeu : il ne s’agit là que d’un piètre ouvrage mal conçu à qui seuls les yeux de la foi donne cohérence. Quel lecteur occidental n’aura pas fait cette étrange expérience et abandonné sa lecture du Coran bien avant le premier tiers[xiii]. Lu en arabe les faits demeurent même si, assonances, rimes et rythmes ont tendance à atténuer les effets de la curieuse construction du texte coranique[xiv].

Elle n’est donc pas due à l’incompétence de l’auteur présumé, comme le prétendent les contradicteurs, ni à la faiblesse de notre entendement comme le résument les laudateurs.

Le Coran est en réalité conçu selon un mode particulier dont la mise à jour des règles principales constitue une clef de lecture essentielle. D’aucuns la dénomment rhétorique sémitique puisque cette organisation particulière est retrouvée dans les versions en hébreux ou en araméen de la Bible, toutes deux langues de la Révélation appartenant au foyer sémitique rappelons-le. On aura compris qu’au-delà de l’aspect théorique, les conséquences en terme d’exégétique sont essentielles ; ont ne peut interpréter, c’est-à-dire comprendre, un texte dont on ne connaît pas les mécanismes sous-tendant le mode de conception[xv].

A l’occasion, plaise à Dieu, nous aborderons régulièrement certains aspects pratiques de ce système semble-t-il spécifique aux Livres révélés. De manière plus conceptuelle nous présenterons des éléments de démonstration de la validité de la Révélation à partir des avancées de cette discipline novatrice et scientifiquement éprouvée.   



[i] Certains traduisent “Et s’ils te traitent de menteur” laissant entendre une supposition non avérée. Cependant, tant l’expression en arabe que le passage coranique présent, ainsi que le Coran en d’autres occurrences mais l’Histoire, affirment clairement la réalité du fait.

[ii] Je me permettrais ici de renvoyer au débat Destin et Destiné. Cf. Que dit vraiment le Coran : Destin et fatalisme – Du bien et du mal.

[iii] Ainsi nommées au verset 48.

[iv] Les Gens de Madian sont généralement associés à la prédication du Prophète Chu’ayb celui-là même qui par la suite, dit-on, accueillît Moïse. Il existe de nombreuses incertitudes concernant les Madianites, mais ces spéculations historico-religieuses n’apportent rien à la compréhension de notre sujet, nous n’en discuterons donc pas.

[v]  On nomme cela un embrayeur sémiotique.

[vi] Signalons que l’exégèse classique voit là le déni de Pharaon plutôt que le déni partiel mais récurent du peuple Hébreux.

[vii] Il faudra distinguer l’emploi du terme dans sa diversité : celui qui appartient au peuple Juif, celui qui se définit en tant qu’adepte du judaïsme, celui qui sous ce terme assimile le sionisme.

[viii] Historiquement, et jusqu’à preuve du contraire, une terre appartient à ceux qui l’occupent. Aucun droit divin et aucun droit de sang. Nous rappelons que le mouvement sioniste qui milita à terme pour l’établissement des Juifs au Moyen-orient est à la base un mouvement national-socialiste laïque. Plusieurs décennies durant, la majorité des religieux Juifs militèrent contre cette fiction religieuse. Contre vents et marées il persiste encore une opposition religieuse juive au projet d’Israël, ainsi qu’une opposition laïque au nom de l’humanisme et du droit international…

[ix] Paru le 15/01/09 sur Oumma.com.

[x] Conformément à une règle de la sémantique structurelle propre à la Révélation, Cf. partie 2/4.

[xi] Au sens littéral : sacrifié par le feu.

[xii] Ceci est particulièrement évident lorsqu’on étudie ce passage selon les règles de la sémantique structurelle.

[xiii] Une étude a montré qu’après le rush sur le Coran d’après le 11 Septembre la majorité des lecteurs n’ont pas dépassé les cinquante premières pages.

[xiv] Il est à signaler qu’il en est de même pour la Bible, Ancien et Nouveau Testament, que bien peu de lecteurs arrivent à lire en continu et en intégralité. Les études contemporaines des Biblistes ont mis en évidence la structure sémitique de ces écrits, lus malgré tout en fonction de règles communes aux langues indo-européennes. Ce décalage explique la difficulté à appréhender de tels textes.

[xv]De ce point de vue là, les outils de lexégèse classique sont utiles à l’exploration du seul mode d’expression : linguistique, grammaire, etc.

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