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Que dit vraiment le Coran : Dieu défend les croyants (2/4)

“Ne méditent-ils pas le Coran ! Ont-ils le cœur verrouillé !” S47.V24.

Nous avions lors du premier volet présenté un paragraphe coranique couvrant des versets 38 à 54 et en avions donné un résumé exégétique des versets 38 à 40. En ce deuxième volet nous proposons au lecteur une autre approche exégétique de ce même extrait coranique. A cette fin nous emploierons une analyse structurelle novatrice, mettant en valeur l’unité de composition du texte en fonction des règles de composition coranique qui, pour être parfaitement régulières et étonnamment fixes, n’en sont pas moins totalement délaissées par l’exégèse classique. 

Nous ne rappelons à présent que le passage concerné :

“Dieu, certes, défendra les croyants.
Dieu, certes, n’aime pas le traître plein d’ingratitude.v38

Autorisation est donnée à ceux qui combattent pour avoir été opprimés.
Dieu, certes, est à même de les rendre victorieux.v39
Ceux qui ont été expulsés de leurs demeures en dehors de tout droit
pour avoir seulement proclamé : “Dieu est notre Seigneur.”

N’eut été le fait que Dieu repousse les hommes les uns par les autres,
que d’ermitages auraient été détruits, de synagogues, d’oratoires et de mosquées,
tant de lieu où l’on célèbre le Nom de Dieu abondamment.
Dieu, certes, donnera la victoire à ceux qui le soutiennent.
Car Dieu, certes, détient Force et Puissance.v40

Ceux qui, si Nous leurs donnions le pouvoir terrestre, prieraient et verseraient l’aumône, ordonneraient le bien et interdiraient le mal.
Toute finalité est à Dieu.v41

Sourate “Le Pèlerinage” versets 38 à 41.

Relisons tout d’abord la conclusion de la première partie, notamment le sens réel de la première partie du verset 40. Nous avions dit :

” Il est donc clair à présent que les mots “N’eut été le fait que Dieu repousse les hommes par les hommes ne sont absolument pas une justification de la guerre, fut-elle, horrible oxymore, guerre sainte. Nous avons montré que l’expression coranique exacte signifie en réalité : “Et n’eut été le repoussoir de Dieu des hommes les uns par les autres…”.

 Elle indique que les hommes de foi sont le contrepoids des hommes d’impiété, réalité articulée sur le pouvoir discriminant de l’unicité de Dieu, lequel maintient un équilibre relatif en ce bas monde. Nous avons montré que ce “repoussoir de Dieu” n’est autre que ” l’unicité de Dieu” le tawhîd,   Il s’agit en fait d’une lecture à un niveau supérieur de la lutte du bien contre le mal.

 L’enchaînement logique du sens des propositions des versets 38 à 40 est donc le suivant : “Dieu prendra toujours la défense des croyants unitaires du fait que ces derniers subiront l’oppression de ceux qui refuseront de céder de leur pouvoir au profit de l’unicité divine. Le tawhîd agit comme une force de répulsion entre les différentes dispositions de l’âme humaine. Il leur est donné autorisation de se défendre non pas pour propager par la force le tawhîd mais uniquement en réparation des préjudices qu’ils subissent.

DEUXIEME PARTIE :

Reprenons afin de la compléter l’exégèse de la suite du verset 40 :

“..que d’ermitages auraient été détruits, de synagogues, d’oratoires et de mosquées, tant de lieu où l’on célèbre le Nom de Dieu abondamment…”

Les données précédentes sont confirmées, il ne s’agit pas d’opposer des religions les unes aux autres. Il n’y a là aucune indication, aucune justification, d’un quelconque jihâd des musulmans contre les juifs les chrétiens ou autres religions. Au contraire ces croyants sont tous réunis sous la même bannière, ils subissent tous la même injustice, ce qui les rends de principe solidaires.

On note bien qu’il s’agit d’une pluralité de lieux de culte, sont concernés au même titre diverses religions unitaires. Dieu défend au nom d’un unique principe les croyants de toutes obédiences ici symbolisés par la diversité des “maisons de Dieu”. Le nom de Dieu, son unicité transcendante donc, est proclamé par les croyants en des lieux qui auraient disparu si le “repoussoir de Dieu”, le tawhîd, n’avait pas repoussé l’incroyance.

A l’inverse, on comprend que le tawhîd est un centre d’unité, le point et le pont commun des croyants comme il est clairement indiqué en ce verset essentiel : ” …A chacun, Nous avons assigné une voie générale et un chemin spécifique. Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait des hommes une seule communauté religieuse. Mais il en est ainsi afin de vous éprouver par ce qu’Il vous a attribué. Rivalisez donc en bonnes œuvres, car c’est à Dieu que vous ferez retour. Il vous informera alors de vos divergences.”S5.V48.

Il n’y a pas de compréhension ni de vécu véridique et juste du tawhîd sans l’intégration de ce principe essentiel par ailleurs réaffirmé en son aspect fondamental : “Si ton Seigneur l’avait voulu, tous les hommes auraient été croyants. Contraindrais-tu les gens à croire !” S10.V99.

“..Dieu, certes, donnera la victoire à ceux qui le soutiennent. Car Dieu, certes, détient Force et Puissance.

Il n’y a donc pas de guerre religieuse ni de guerre justifiée au nom de Dieu. Ceux qui soutiendront l’unicité de Dieu, les croyants unitaires, sont assurés de la victoire de Dieu. Cette victoire est conditionnée “la victoire à ceux qui le soutiennent” et il apparaît clairement que ce soutient est l’adhésion pleine et sincère au tawhîd, l’engagement des véritables croyants à proclamer et vivre l’unicité de Dieu : pour avoir seulement proclamé : “Dieu est notre Seigneur.”

Il ne s’agit donc pas fondamentalement ni nécessairement d’une victoire militaire. Dieu n’a pas pris à sa solde des armées d’hommes, pas plus qu’Il ne serait à la solde des musulmans ! Il détient la Force et la Puissance qui font de Lui l’unique triomphateur au-delà des vicissitudes et des contingences humaines.

Fin du verset 40

Nous avions “exégétiquement” attiré l’attention quant à la singularité de l’expression “le repoussoir de Dieu”. Nous avons montré qu’elle a fonction de clef de lecture permettant l’accès au sens réel de ce passage coranique. Notons que la réponse fournie reste cohérente avec le sens général du message coranique.[1]

Nous aurons constaté que les résultats de notre analyse diffèrent d’avec ceux classiquement affirmés, tout au service d’une apologétique conquérante, si l’on peut dire. L’occasion est ici offerte de rappeler brièvement un point essentiel de la réflexion exégétique : L’exégète pour obtenir cet autre sens, tout comme le lecteur pour le valider, a du recourir au principe de l’analyse atomisée du Coran ; méthodologie consistant principalement à réduire le texte à l’unité-verset.

 Un corps de phrase totalement isolé de son contexte et ainsi soumis aux aléas et arbitraires. Malheureusement, force est de constater, que la majorité des chercheurs traditionnels et “modernes” ont pratiqué ce découpage, pulvérisant le texte en plus de 6000 sous-unités et ne faisant du Livre qu’une somme de phrases indépendantes, un non texte.

Le présent travail démontre à lui seul l’absolu nécessité de dépasser la lecture verset par verset. Le Coran est un texte, et quel texte !, qui ne peut être compris qu’en tenant compte de son intégrité structurelle. Nous avions indiqué en première partie que nous proposerions une approche exégétique supplémentaire. Celle-ci va nous permettre de confirmer par une autre voie les résultats fournis par la lecture contextuelle et grammaticale.

A cette fin, on peut procéder à une analyse de la sémiotique sémitique ou, plus exactement encore, à une analyse selon les règles de la sémiotique structurelle de la Révélation. Derrière ce jargon de spécialiste se cache un outil exégétique extrêmement puissant apportant une vision structurelle de la Révélation. Il nous est donné ici l’occasion d’en faire une démonstration simple[2].

Considérons, différemment mis en page, le passage que nous venons d’étudier :

a) Dieu, certes, défendra les croyants.

b) Dieu, certes, n’aime pas le traître plein d’ingratitude.

Autorisation est donnée à ceux qui combattent pour avoir été opprimés.

c) Dieu, certes, est à même de les rendre victorieux.

d) Ceux qui ont été expulsés de leurs demeures en dehors de tout droit pour avoir seulement proclamé : “Dieu est notre Seigneur.”

N’eut été le fait que DIEU REPOUSSE les hommes les uns par les autres,

d’) Que d’ermitages auraient été détruits, de synagogues, d’oratoires et de mosquées, tant de lieu où l’on célèbre le Nom de Dieu abondamment.

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c’) Dieu, certes, donnera la victoire à ceux qui le soutiennent car Dieu, certes, détient Force et Puissance.

b’) Ceux qui, si Nous leurs donnions le pouvoir terrestre, prieraient et verseraient l’aumône, ordonneraient le bien et interdiraient le mal.

a’) Toute finalité est à Dieu.

Nous aurons déjà remarqué que la présentation initiale de la traduction de ce passage coranique ne suit pas linéairement le découpage verset par verset. Les versets du Coran ne correspondent pas à des unités de sens indépendantes et autonomes mises bout à bout[3].

L’ordre même, bien souvent, déroute le lecteur conditionné par la composition de texte selon les règles du classicisme occidental. Au minimum, il faut donc nécessairement lors de la lecture structurer le texte selon des critères de sens, chose que les éditions du Coran en langue arabe ne proposent pas[4] mais que l’on retrouve parfois dans les traductions, c’est ici le cas. Ces “assemblages” sont bien souvent approximatifs et arbitraires, et totalement tributaires des traducteurs.

La présentation sous l’angle structurel de la Révélation est radicalement autre. Elle tient compte bien évidemment de l’ordre des versets mais prend en compte les unités de sens dans leur composition d’ensemble.

Le “découpage” est ainsi totalement différent mais, fait essentiel, dirigé selon des principes précis. Cette approche offre une vision quasiment holographique[5] permettant de mettre en valeur les séquences majeures et les thèmes centraux autours desquels sont construits selon des règles bien définies les compléments d’information.

Dans l’exemple que nous avons fourni, à l’intérieur de la symétrie structurelle, la colorisation met en évidence les mots clef ou les segments complémentaires dont l’association est systématiquement porteuse de sens.

Ainsi, en ce passage, cette présentation fait apparaître immédiatement la structure. Il s’agit d’un exposé concentrique, figure très fréquente dans le Coran. Autour d’un centre, ici N’eut été le fait que DIEU REPOUSSE les hommes les uns par les autres, les autres unités sont disposées concentriquement et symétriquement ce que nous avons signalé par le pointage a-a’, b-b’, c-c’, d-d’.

L’élément central représente le thème principal autour duquel sont disposées les informations complémentaires.

On note que notre DIEU REPOUSSE, daf’u-llâhi, apparaît, qui plus est, au centre du centre ; la clef de lecture est selon cette approche parfaitement et directement mise en valeur. Il semble évident, au premier coup d’oeil si j’ose dire, que la totalité du texte est bâtie autour de ce segment clef. L’analyse grammaticale que nous en avions réalisée avait permis de déceler l’importance de cette expression, l’analyse structurelle en confirme à présent la fonction centrale.

Par la suite la lecture concentrique permet de lire la logique interne de la totalité du texte. Du fait que nous en avons déjà exposé les traits essentiels, eux aussi confirmés en cette approche, nous n’en présentons qu’un résumé :

d-d’ : sont symétriques. Le lien, la parenté d’image et de signification, entre ceux qui ont été expulsés de leurs demeures en dehors de tout droit et que d’ermitages auraient été détruits, de synagogues, d’oratoires et de mosquées, est ainsi évident. On note une autre symétrie interne signalant le rapport entre la proclamation de l’unicité exclusive et la célébration du nom de Dieu pour avoir seulement proclamé : “Dieu est notre Seigneur et l’on célèbre le Nom de Dieu abondamment.

c-c’ : sont symétriques. Leur lecture conjointe laisse nettement apparaître que la victoire ne vient que de Dieu mais qu’elle est conditionnée est à même de les rendre victorieux / la victoire à ceux qui le soutiennent. Est ici résumé la philosophie générale du propos central. Dieu ne donne la victoire qu’à ceux dont l’intention est pure. Il s’agit d’une Victoire totale et pérenne et non d’une victoire historique et passagère.

b-b’ : image en miroir. Dieu, certes, n’aime pas le traître plein d’ingratitude. Autorisation est donnée à ceux qui combattent pour avoir été opprimés / Ceux qui, si Nous leurs donnions le pouvoir terrestre, prieraient et verseraient l’aumône, ordonneraient le bien et interdiraient le mal.

Les deux corps de texte périphériques, en orange, se répondent. Le traître ingrat est celui qui, lorsqu’il possède le pouvoir, se détourne de Dieu et commet le désordre en inversant l’ordre du bien et du mal. Le croyant en est l’image inverse.

A nouveau un corps central est ainsi mis en évidence, en noir, autorisation est donnée à ceux qui combattent pour avoir été opprimés, ceux qui, si Nous leurs donnions le pouvoir terrestre. Il formule les modalités contractuelles de l’autorisation de se défendre ainsi que celles déterminant le don de la victoire par Dieu. Nous l’avons à maintes reprises évoqué, l’on ne peut se défendre au nom de Dieu que si l’on a comme programme d’instaurer un ordre de justice et de bien, telle est la condition de tout véritable jihâd.

D’un point de vue historique ceci est confirmé ; la révélation de ces versets eut lieu dès les premiers temps de l’Hégire et indiqua au Prophète SBSL qu’il lui serait effectivement donné le pouvoir ici-bas mais, qu’à cette fin, il devra construire une nouvelle communauté de musulmans, priant, versant l’aumône, ordonnant le bien et rejetant le mal. Tel est l’objectif qui lui était assigné, le fait de pouvoir répondre à l’agression des ennemis de l’Islam ne s’inscrit que secondairement dans ce projet.

La transgression de cet engagement contracté avec Dieu, mithâq, rendrait nul et non avenu tout combat : “Dieu, certes, n’aime pas le traître plein d’ingratitude.”

Signalons un point de détail  : nous avions débattu au volet un de la présence injustifiée de la préposition à dans “à ceux”. On comprend d’autant mieux à présent qu’effectivement il est incorrect que de comprendre et traduire ainsi. (Cf.)

a-a’ : Symétriques et complémentaires. Dieu, certes, défendra les croyants / Toute finalité est à Dieu. La lecture de ces deux unités forme conclusion suffisante.

On y perçoit clairement à présent la nature conditionnée de l’assistance divine. Tout ordre relève de Dieu, aucun bénéfice réel n’est a attendre de la désobéissance, Dieu est la finalité de toute chose ce qui en soit suffirait à justifier l’engagement des croyants. Au final Il jugera les hommes, avertissement qui pourrait renforcer certains en leur foi. Autre modulateur, la finalité des évènements qui font notre existence et notre monde nous échappe, et elle ne saura prendre pleinement sens qu’en l’au-delà.

Ainsi, selon une méthodologie novatrice dont nous espérons, plaise à Dieu, faire part en détail en une autre occasion, il a été possible de démontrer l’exactitude des résultats de l’analyse grammaticale et syntaxique. Au centre l’expression initiale “repoussoir de Dieu” prend toute signification et valeur.

Plus exactement encore, il faudrait concevoir ces deux approches, qui ne constituent nullement les deux seuls pôles de l’exégèse mais en représentent deux outils d’importance, comme complémentaires.

Conclusion.

Ainsi, avons-nous pu tout à la fois élucider le sens du verset 40 et démontrer que les affirmations classiques n’ont pas de fondement textuel. Dieu ne repousse pas les hommes les uns par les autres, il n’orchestre pas ici-bas les luttes de pouvoir, les hommes s’entredéchirent du fait de leurs propres appétits. Il n’y a pas de guerres saintes, mais des causes justes lorsque les opprimés se défendent.

Le sens du Jihâd est ici plénier et originel, il s’agit d’une lutte menée par des croyants à fin de pouvoir librement proclamer leur foi. La Victoire est ainsi celle du Vrai contre le faux. En un niveau de Réalité supérieur le Vrai, par essence, triomphe toujours mais, en notre réalité, les résultats sont conditionnels : si les circonstances l’exigent, et que les croyants se montrent dignes du tawhîd, Dieu leur accordera aussi une victoire contre les vicissitudes de l’Histoire.

Dieu ne défend que la fidélité au tawhîd, l’unicité divine. Par le tawhîd, le repoussoir de Dieu, Il insuffle une dynamique positive permettant aux opprimés de Dieu de réellement briser les chaînes de l’oppression de l’homme.

Fin de la deuxième partie.



[1] – Je me permets à ce sujet de renvoyer à la question “Guerre & Paix” en “Que dit vraiment le Coran.

[2] – Ces notions essentielles seront exposées, plaise à Dieu, dans l’ouvrage en préparation “A la Lumière du Coran” Tome I. A travers les avancées substantielles que nous exposons au sujet de la nature même de la Révélation se dessine une approche structurelle du texte coranique différant en partie des restrictions au seul champ sémitique tel que le conçoivent les Biblistes.

[3] – L’origine de ce phénomène est à rechercher dans les mécanismes intimes de la Révélation.

[4] – Rappelons qu’à l’origine les premiers Corans écrits se présentaient sans aucune ponctuation ni aucune séparation entre les versets, un bloc unique et compact. As-Suyûtî fait justement remarquer que nul ne connaît exactement le nombre de versets du Coran et que peu importe.

[5] – Il aurait fallu dire holophrastique, la perception étant globale.

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