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Quand le mari d’Elisabeth Guigou « trouvait formidable de ne pas parler politique » en Tunisie

Embarrassant. Oumma dévoile les images inédites du couple Guigou -aujourd’hui au cœur de la controverse tunisienne- lorsqu’ils vantaient les actions de l’Ipemed, une association co-présidée par Aziz Miled. Proche de la ministre Michèle Alliot-Marie, cet homme d’affaires avait soutenu le régime policier de Ben Ali.

« Bizness is bizness ». Avant le départ de Ben Ali, Oumma avait déjà mis en lumière l’existence d’un lobby singulier, surnommé le « clan des Tunisiens » , en évoquant notamment le cas significatif de la ministre Michèle Alliot-Marie et de son indulgence- depuis des années -envers les exactions du régime. Aujourd’hui, c’est le camp politique adverse qui se retrouve éclaboussé. Membre du PS, ancienne ministre et aujourd’hui députée, Elisabeth Guigou était également, jusqu’à jeudi, co-présidente du comité de parrainage politique d’un think-tank euro-méditerranéen dénommé l’Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen). Une révélation embarrassante du Canard enchaîné l’a finalement incité à présenter sa démission « pour éviter tout soupçon de confusion » : l’association fondée et dirigée depuis 2006 par son mari, Jean-Louis Guigou, est également co-présidée, depuis décembre 2009, par Aziz Miled, un entrepreneur tunisien qui a largement tiré profit du système Ben Ali. La députée socialiste a cependant tenu à préciser qu’elle ne se désolidarisait pas totalement de cet organisme puisqu’elle indique vouloir « continuer à soutenir l’action d’Ipemed pour une meilleure coopération euro-méditerranéenne ».

Un jet privé plutôt qu’une Porsche

 Ancien adhérent au parti présidentiel du RCD et ex-supporter d’une nouvelle candidature de Ben Ali, Aziz Miled est dorénavant impliqué dans « l’affaire Alliot-Marie » : c’est lui qui a prêté son avion personnel à la ministre des Affaires étrangères lors de son séjour en Tunisie durant les dernières vacances de Noël. Susceptible d’un conflit d’intérêt, ce mélange des genres est d’autant plus grave qu’il s’est déroulé au début de l’embrasement populaire qui gagna alors la Tunisie, à la suite de l’immolation de Mohamed Bouazizi. La gauche -et notamment le Parti socialiste d’Elisabeth Guigou- exige depuis plusieurs semaines la démission de Michèle Alliot-Marie. Problème : la proximité du couple Guigou –tous deux membres de l’équipe de direction de l’Ipemed- avec Aziz Miled -un loyaliste de Ben Ali placé à sa tête- pose la question de leur indépendance, politique et financière, à l’égard de l’ancien régime policier. D’autant que l’affairiste tunisien ne manque pas d’aplomb pour poser en philanthrope, quitte à énoncer des contre-vérités : ainsi, celui qui mis à disposition du couple ministériel Michèle Alliot-Marie/Patrick Ollier son jet privé avait affirmé, dans un entretien de février 2010 pour le magazine Les Afriques, qu’il n’était pas homme à gaspiller son argent pour s’octroyer des signes ostensibles de richesse : « Etant moi-même issu d’un milieu modeste, j’ai choisi de réinvestir l’écrasante majorité des bénéfices de mes sociétés pour créer des emplois et donner des opportunités aux moins nantis, au lieu de m’offrir un jet privé ou de rouler en Porsche. C’est ma manière de redistribuer l’argent que j’ai gagné ».

Une compromission avec un tel personnage explique sans doute la diffusion précipitée, lundi dernier, d’un vibrant appel -officiellement destiné à l’Union Européenne- par le comité de parrainage de l’Ipemed, favorable désormais à la transition démocratique en cours. Co-signé par des membres de ce groupe tels Elisabeth Guigou, l’ancien ministre Hubert Védrine et le président de l’AMF Jean-Pierre Jouyet, le texte ressemble à la confession d’un résistant de la dernière heure : « Nous, membres du Comité de parrainage politique de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), saluons et soutenons la rupture historique qui vient de s’opérer en Tunisie, et l’extraordinaire courage de son peuple, jeunes, hommes et femmes ! (…) Avec ce mur de la peur qui vient de tomber, la fierté des peuples est restaurée et de nouvelles perspectives s’ouvrent pour l’ensemble de l’espace euro-méditerranéen ». Le terme indélicat de « dictature » et toute allusion au despote déchu sont soigneusement évités. Ici, on préfère évoquer la « rupture historique » et la chute du « mur de la peur », ce qui a l’avantage de ne pas froisser les crypto-nostalgiques du régime.

Au nom de la « cause »

A la rescousse de son épouse démissionnaire, Jean-Louis Guigou, toujours délégué général de l’Ipemed, s’indigne dans un communiqué paru jeudi : « Je tiens à souligner que si mon épouse a bien rencontré Aziz Miled, c’est par mon intermédiaire et à chaque fois parce qu’elle se trouvait à mes côtés. Et je trouve assez détestable l’amalgame qui semble vouloir être fait, comme on allume un contre-feu, entre Elisabeth Guigou et Madame la ministre Michèle Alliot-Marie. Comme cela a déjà été dit et écrit à plusieurs reprises, leurs situations sont évidemment incomparables et je trouve dommage qu’un contexte politique intérieur vénéneux vienne ainsi polluer la cause Euro-Méditerranéenne ».

Le questionnement politique, un venin ? Pour ce haut-fonctionnaire de carrière, spécialiste en aménagement du territoire, le volet économique doit primer avant tout le reste. En mai 2010, c’était ce qu’il laissait entendre dans un publi-reportage réalisé lors de la seconde édition des « Entretiens de l’Ipemed » : depuis la ville d’Hammamet, Jean-Louis Guigou déplorait les dissensions entre pays de la Méditerranée au sujet de conflits éminemment politiques telle la question israélo-palestinienne. Heureusement, comme il s’en réjouit à la fin de son intervention, il arrive que les dirigeants mettent de côté cet aspect-là des relations internationales. Une attitude que le délégué général de l’Ipemed « trouve formidable ». Coïncidence tragicomique, l’aveu est alors prononcé, face caméra, sous les bons auspices de Ben Ali dont le portrait, accroché au mur, est visible en arrière-plan. Pour incarner une certaine image de la France, faite de realpolitik financière et de compromissions au détriment des droits de l’homme, la vice-présidente de l’Assemblée nationale et son haut-fonctionnaire de mari n’ont visiblement pas démérité.

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