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Présidentielles 2007 : une finale à trois !

Ce n’était pas le cas d’une majorité de Français qui ont choisi de passer outre les formalités d’un premier tour jugé « inutile » à leurs yeux pour se projeter directement dans le deuxième tour et voter vraiment « très utile » pour éviter ainsi d’être priés à revenir corriger le tir comme ils le furent au lendemain d’un certain 21 avril 2002.

Après l’indécision des électeurs, qui semble-t-il ont retrouvé des certitudes en même temps qu’une certaine cohérence qui leur faisaient cruellement défaut, place maintenant à l’indécision des candidats au sacre final qui ne savent plus sur quel pied danser et se voient obliger de faire le grand écart afin de conquérir des voix clairsemées un peu partout.

Bayrou jusqu’au bout

Alors que d’aucuns semblent se réjouir du retour de l’éternel combat Droite/ Gauche mettant en concurrence deux types de projets de société diamétralement opposés, la bonne performance de France Bayrou fort de près de 7 millions d’électeurs, empêche ce clivage de s’afficher ostentatoirement dans le discours politique des deux prétendants au titre et les oblige par conséquent à revoir leurs plans de campagne du deuxième tour pour composer avec un Centre qui propose aux Français une finale inédite à trois. D’autant plus que Nicolas Sarkozy comme Ségolène Royal ont fait le plein de leur réservoir de voix chez les extrêmes de leur camps respectifs à la suite d’un premier tour qui s’est apparenté finalement à des primaires au sein des deux grandes familles idéologiques laminant les « petits candidats » et protégeant « les grands candidats » contre tout effet nuisible pouvant menacer leur « destin national ».

Vaincu, François Bayrou continue pour autant d’occuper les débats et faire l’objet de toutes sortes de convoitises. Il devra vendre la défaite électorale la plus chère. Ses électeurs peuvent décider de l’issue des élections présidentielles et législatives à la fois. Les enjeux sont tellement importants que les concessions pourraient être tellement énormes. Gauche ou Droite, le vainqueur sinon se ralliera avec le Centre, du moins il s’en approchera. Les idées centristes tant moquées au premier tour (pour le flou qu’elles entretiennent) sont en passe de triompher de toutes les autres en traversant les frontières partisanes.

A défaut de prendre le pouvoir, François Bayrou en aurait balisé le terrain pour les échéances à venir.

Sarkozy Président du premier tour…

Le rapport de forces Droite/Gauche est l’autre contre vérité de certains analystes pressés de donner une dimension démesurée à la victoire de Nicolas Sarkozy. Car en totalisant les voix de la droite républicaine et celles de la droite nationale à l’occasion des trois derniers scrutins présidentiels, on observe au contraire une certaine compression de l’électorat de Droite (en 1995, Chirac, Balladur, De Villiers, Le Pen : 59,16% ; en 2002, Chirac, Madelin, Mme Boutin, Le Pen, Mégret, Saint Josse : 48,41% ; en 2007, Sarkozy, Le Pen, De Villiers, Nihous : 45,05).

En réalité, Nicolas Sarkozy a remporté haut et fort les élections à Droite. Cette dernière, étant toujours majoritaire, le propulse devant tous les autres concurrents ne bénéficiant pas de la même assise électorale.

Cette victoire a été rendue possible grâce à deux performances à mettre au crédit de l’ex ministre de l’intérieur.

Tout d’abord, avoir su imposer (en persuadant toutes les autres) une candidature unique au sein de la droite républicaine (rompant avec les travers d’une certaine Droite « la plus bête du monde ».)

Ensuite, d’être parvenu à séduire une partie de l’électorat frontiste en reprenant pour son compte certaines thématiques chères à Jean-Marie Le Pen qui enregistre à l’occasion son score le plus bas depuis 1988.

Nicolas Sarkozy savait que son élection pour la présidence de la république passait inéluctablement par une victoire écrasante à droite. Il fallait décomplexer puis discipliner son électorat pour se lancer dans un combat dont il sait mieux que d’autres que les victoires comme les défaites se dessinent d’abord dans les propres camps d’appartenance.

Le premier tour vient de le consacrer Président de la Droite. Maintenant, il va falloir chercher des voix ailleurs et apparaître comme le Président de tous les Français, exercice dans lequel il a du mal à briller.

Eliminer des adversaires, cloisonner les communautés et les catégories sociales, mettre en exergue les différences (ceux qui se lèvent tôt et les autres, ceux qui aiment la France et les autres, ceux qui sont « génétiquement méchants » et les autres, etc.), …Nicolas Sarkozy sait le faire et c’est pour cela qu’il a triomphé au premier tour où il s’agit de « choisir un candidat, un programme » comme le veut la formule consacrée.

Le second tour, c’est une autre histoire ! Bon gré mal gré, Nicolas Sarkozy doit polir doublement son discours. Tout d’abord à l’adresse de François Bayrou et les sept millions de Français qui ont voté pour lui. Il ne peut plus l’accuser de « voyeurisme politique » tout simplement parce qu’il est obligé de faire comme lui et rompre avec « les préférences idéologiques et partisanes ». Ensuite, à l’égard de Ségolène Royal, qu’il ne peut plus accuser d’incompétence et encore moins la ringardiser au risque de confirmer son image d’inélégant et d’anxiogène auprès de l’opinion.

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Paradoxalement, c’est le vainqueur qui doit changer de stratégie et aller jouer sur le terrain des autres.

Mais précisément en se distinguant un peu trop de ces « autres », en serrant trop à droite, en voulant trop assurer au premier tour, le candidat de l’UMP n’a-t-il pas hypothéqué ses chances pour le deuxième tour là où il faut rassembler et faire abstraction des appartenances et des clivages ? Le TSS (Tout Sauf Sarkozy), qui risque de peser lourd au deuxième tour, ne se nourrit-il pas tout autant du « Moi et les autres » que le champion de la droite avait cultivé durant des années ? Ne risque-t-il pas de se contenter amèrement du seul titre honorifique de « Président du premier tour » ?

Ségolène royal : une défaite avec sursis

Nicolas Sarkozy a pris de l’avance certes, mais dispose de peu de marge. Ségolène Royal, elle, a pris du retard mais bénéficie d’un spectre plus large de possibilités politiques que son adversaire. Encore faut-il qu’elle sache saisir cette nouvelle chance que viennent de lui donner les Français. Car après une campagne de premier tour à demi teinte où elle est apparue indécise, coincée entre son désir de changement et sa crainte des résistances sociales, entre sa soif de liberté et d’autonomie et les attaches idéologiques et partisanes…subissant tantôt le rythme imposé par le candidat de la droite ce qui l’avait conduit à s’aventurer très loin sur le terrain de l’extrême droite, et tantôt l’indiscipline de ses « camarades » donnant l’impression de désordre dans la maison socialiste.

Ségolène royal sait qu’elle a obtenu une défaite avec sursis et que celle-ci peut s’aggraver si le verdict populaire juge encore une fois décevante sa campagne du deuxième tour.

La candidate socialiste doit apparaître plus naturelle, plus spontanée et décontractée…Elle doit parler à tous les Français comme elle a su le faire pendant les primaires…

Elle doit se libérer à la fois de ses incertitudes et de ses certitudes (le socialisme primaire), de ses défauts et de ses qualités (comme par exemple éviter de transformer la démocratie participative en démocratie démonstrative), de ses éléphants et de ses poulains…Elle doit se libérer pour libérer le vote de ceux qui doutent encore de ses capacités.

Il faut pour cela qu’elle fasse une autre campagne qui rompt avec les approximations du premier tour. Son adversaire a intérêt à gérer son avance et faire durer le statu quo jusqu’au 6 mai. Pour emprunter une métaphore footballistique, c’est comme une équipe qui mène au score en première mi-temps et qui veut conserver cet avantage : elle ne prend pas de risque, elle veut assurer, elle oublie qu’un match se joue en quatre-vingt-dix minutes, elle subit les assauts de son adversaire et peut craquer à n’importe quel moment.

C’est à Ségolène Royal l’outsider de bousculer Nicolas Sarkozy le favori, de le pousser à la faute, de mener le jeu, de prendre l’initiative et d’imposer son rythme et ses thématiques. Nicolas Sarkozy en a épuisé les siennes, valables seulement pour un tour.

Etant plus à l’aise que lui lorsqu’il s’agit de rassembler et de parler à tous les Français, elle doit l’entraîner sur ce terrain qu’il appréhende. Une manière de lui « banlieusardiser » d’autres espaces de débat (justice sociale, éducation, solidarité, fraternité, égalité, prévention…) où il pourrait difficilement se rendre.

Mme Royal en tirera ainsi une double gratification : conquérir des centristes (objet de toutes les convoitises) réceptifs et sensibles à ce type de discours et séduire une autre partie de l’électorat en prenant l’ascendant sur son concurrent.

Dans l’électorat que la socialiste doit conquérir, quelque soit le candidat pour qui on a voté, il y a une vraie volonté de changement. De l’extrême gauche à l’extrême droite, en passant par le centre, le vote protestataire et l’envie de passer à autre chose sont légion. Ségolène n’a pas à faire le grand écart pour recoller toutes ces Frances, il suffit que les Français voient en elle un réel espoir de renouveau, une nouvelle France qui préfère le vivre ensemble à l’affrontement.

Les socialistes sont face à un tournant de leur histoire. Une défaite et ils retombent dans leur travers. Seuls, ils ne peuvent pas gagner. Ils doivent faire leur mue culturelle et accepter l’ouverture au centre car ils ne pourront jamais digérer leur extrême. Sans quoi, la défaite les obligera à une refonte douloureuse et une longue traversée du désert.

Entre un candidat qui n’est pas sûr de gagner et une candidate qui n’a pas encore perdu. La France reste suspendue au sort que lui réservent ces élections. Par leur vote qui risque d’être encore une fois massif, les citoyens, maîtres de leur propre destin, devront célébrer encore une fois la victoire de la démocratie. Une belle leçon de civisme !

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