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Pourquoi faut-il s’attaquer à Tariq Ramadan ?

 

Tout d’abord, cela rapporte « gros » en termes médiatiques. Alors que les USA ont trouvé leur Ben Laden guerrier, l’Europe pacifiste a besoin d’une version plus “soft” dans la peau du danger public numéro un. Tariq Ramadan fait l’affaire avec son charisme, son pedigree et son message que ceux qui ne réfléchissent pas toujours prendront pour un double discours.

L’astuce se résume dans la façon de présenter Tariq Ramadan. Prenons en exemple l’argumentation de Caroline Fourest, auteur de Frère Tariq.

Citant Tariq Ramadan, elle écrit : ” Un musulman, résident ou citoyen, doit se considérer sous l’effet d’un contrat à la fois moral et social avec le pays où il séjourne. En d’autres termes, il se doit d’en respecter les lois. ” Ensuite, elle relève qu’ailleurs, il dit ” qu’un musulman doit observer les lois du pays où il habite seulement dans la mesure où celles-ci ne s’opposent pas à un principe de l’islam. ” Fourest conclut directement au double langage.

Si le lecteur n’est pas attentif, il ne retiendra pas l’essentiel : respecter les lois du pays est une obligation de l’islam. Certes, il y a des cas de figures où la législation est contraire à des principes islamiques. Citons le cas de la consommation d’alcool. Ce qu’un citoyen musulman, en fidélité à sa foi, doit faire, c’est tout simplement s’en abstenir car la loi ne l’oblige nullement à en consommer. Il existe très peu de situations de conflit direct entre ce qu’exige la loi du pays et ce que dit l’islam. Tariq Ramadan a consacré énormément d’énergie à proposer des éléments de réponse à ces cas très spécifiques. Il propose des solutions dans le respect des lois sans trahir les principes islamiques. Cela ne semble nullement intéresser l’auteure de Frère Tariq.

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A l’heure où l’information est rarement analysée, surtout lorsqu’il est question de l’islam, les plus viles accusations contre Tariq Ramadan peuvent faire autant de sensation qu’une apparition de Ben Laden sur Al Jazira. Prenons le cas du moratoire qu’il aurait réclamé en ce qui touche les ” lapidations contre les femmes “. A force de répéter ces derniers mots, on a fini par faire croire à beaucoup que, non seulement que cette expression vient de lui, mais qu’il est favorable à un tel supplice vis-à-vis des femmes. Ses livres, ses conférences comme ses communiqués de presse n’indiquent qu’une chose : il y est opposé, dans le cas des hommes comme pour les femmes. Alors qu’on devrait s’attendre à ce que certains Oulamas orthodoxes crient au sacrilège, les pires réactions se font entendre en Occident venant de ceux qui dénoncent les ” lapidations contre les femmes “. Et lorsque le Président Chirac dans le cadre d’une visite en Chine évoque un ” moratoire ” sur l’application de la peine de mort, nul ne semble être choqué.

S’il existe un grand ennemi de l’islam, ce qu’il cherchera à faire, c’est clairement de discréditer Tariq Ramadan. Celui-ci comprend comment fonctionne le monde moderne tout en étant attaché à ce en quoi il croit fermement. Il est charismatique à souhait, fin communicateur et plutôt impulsif quand il est attaqué. Et il a une grande influence sur les musulmans de France et d’ailleurs, non ceux qui ne veulent pas de l’Occident mais bien ceux qui disent qu’ils font partie de l’Occident. A l’heure de la mondialisation, l’effet Tariq Ramadan est autant perceptible dans l’espace musulman francophone qu’il est sur les campus universitaires américains. Il incarne l’avenir de l’islam, l’homme à abattre des islamophobes.

On a relevé ci-dessus, que la posture de Tariq Ramadan sur de nombreuses questions, est différente de ce que pensent les oulamas les plus orthodoxes. Au lieu de perdre son énergie à réfuter des journalistes et des écrivains qui ne veulent pas vraiment se montrer objectifs à son égard, Tariq Ramadan doit se focaliser sur le travail de réforme qui doit se faire chez les musulmans, en Occident et ailleurs. La pression médiatique en Occident le force à être sur la défensive et à se justifier pour ce qu’il n’a jamais dit ou écrit. Il ne peut continuer ainsi : il doit s’atteler à faire avancer sa pensée de réforme au sein des communautés musulmanes partout à travers le monde. Et là où il ira, il trouvera des gens qui partagent cette vision réformiste de l’islam, du Canada jusqu’en Indonésie en passant par l’Afrique et l’Europe.

La pensée musulmane réformiste est sans doute minoritaire dans beaucoup de pays, mais elle ne fera que gagner du terrain si seulement des intellectuels comme Tariq Ramadan arrivent à évoluer au-delà de soupçons infondés.

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