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Pour régler la question de l’ “infidèle” en islam

Dans ce deuxième article d’une série portant sur le mythe d’une violence inhérente à l’islam, Maher Y. Abu-Munshar, écrivain et conférencier principal invité du Département d’Histoire et de Civilisation islamiques de l’Université de Malaya en Malaisie, propose une explication de texte des versets coraniques fort contestés qui ont été invoqués pour justifier les attentats contre des non-musulmans. En dépit d’un flux constant d’ouvrages érudits et d’articles de presse prouvant le contraire, bien des gens croient encore, hélas, que les musulmans ne peuvent pas tolérer les adeptes d’autres religions, ni coexister, ni coopérer avec eux. Cette erreur est en partie due au fait que les extrémistes musulmans eux-mêmes détournent volontiers les paroles du Coran pour justifier des actes of violence contre des non-musulmans.

Disons, en peu de mots, que ces interprétations sont fausses. De fait, de nombreux versets du Coran invitent à l’amitié, à l’équité et à la collaboration avec les non-musulmans, mais ceux qui cherchent à diviser et à jeter de l’huile sur le feu préfèrent les ignorer.

On peut citer, parmi les citations détournées, “Que les croyants ne prennent pas, à la place des fidèles, les négateurs pour alliés ” (3:28) et “Ô vous qui croyez ! Ne prenez pas les juifs et les chrétiens pour alliés. Ils sont alliés les uns des autres”. (5:51)

Ces versets visaient à apporter le soutien indispensable à la survie et à la cohésion d’une communauté musulmane naissante et vulnérable – le prophète Mahomet et ses fidèles, arrivés à Médine en réfugiés – dans un environnement potentiellement hostile.

En d’autres termes, le Coran conseillait à une communauté de musulmans bien précise, dans l’Arabie du 7e siècle, de se garder de se lancer dans des alliances politiques. Et d’ailleurs, ils furent trahis, à l’époque, par certains de leurs alliés juifs. Il se trouve que ces versets ont été révélés tout précisément parce que, en vue d’un profit personnel, certains musulmans étaient désireux de former ou de conserver des alliances avec des non-musulmans aux dépens de leurs coreligionnaires et du nouvel Etat. Ces textes invitent donc ces musulmans des premières époques à ne compter que sur eux-mêmes et à ne pas dépendre d’une protection externe pour construire une communauté forte et durable.

Tout comme les versets cités ci-dessus, d’autres citations prises hors contexte peuvent facilement égarer le lecteur mal informé. Ainsi, le verset 2.191, “Tuez-les partout où vous les rencontrerez”, est abondamment cité par les extrémistes des deux bords pour illustrer la haine que nourrirait l’islam envers les non-musulmans.

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Pourtant, là aussi le contexte est ignoré, dans la mesure où les versets qui précèdent et suivent cette citation affirment que les musulmans ne doivent jamais se comporter en agresseurs et doivent seulement se protéger des persécutions. Le contexte devient alors évident : ce commandement a été révélé à la suite d’une situation très précise, à l’intention des Arabes païens qui ne cessaient de rompre la paix et les trêves, à cette époque en particulier. En d’autres termes, cette consigne est strictement conjoncturelle.

Le juriste égyptien musulman Yusuf al-Qaradawi affirme que ces versets ne sont pas d’application universelle et ne peuvent en tout cas s’appliquer à chaque juif, chrétien ou non-musulman. En les sortant du contexte très précis d’une époque antérieure de l’histoire de l’islam, on les oppose à d’autres commandements du Coran qui préconisent la bonté à l’égard de tous ceux qui ne veulent aucun mal aux musulmans.

Il faudrait que les musulmans comme les non-musulmans apprennent à faire la différence entre les versets du Coran qui s’appliquent à un contexte particulier et ceux qui sont universels, en incluant dans leur lecture tous les passages qui encadrent les préceptes discutables. Il importe également de se rappeler que le message prêchant le respect de la liberté de religion se retrouve partout dans le Coran, par exemple : “En religion pas de contrainte !” (2.256), ou encore “Certes, ceux qui ont cru” [à ce qui t’a été révélé, ô Mahomet], “ceux qui se sont judaïsés, les Nazaréens, et les Sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Allah, au Jour dernier et accompli de bonnes œuvres, sera récompensé par son Seigneur ; il n’éprouvera aucune crainte et il ne sera jamais affligé”. (2.62)

Mais l’idéal des rapports entre musulmans et non-musulmans se retrouve parfaitement exprimé dans deux versets (60.8-9). Ces versets, qui conseillent aux musulmans de traiter les gens des autres confessions avec équité, emploient un terme qui dérive de la racine birr, laquelle désigne une forme profonde de bonté et de justice. Le Coran invite à fonder les rapports entre musulmans et non-musulmans sur ce concept de birr, comme il le fait dans le cas des rapports avec ses parents.

Aujourd’hui, lorsque des extrémistes violents extraient ces versets de leur contexte pour justifier le terrorisme, il est essentiel d’analyser le Coran avec minutie. Tous les musulmans doivent associer à la récitation du texte sacré une compréhension parfaite de ses injonctions. La majorité des musulmans ne parlant pas arabe, il leur faut donc se reposer sur des sources d’interprétation et de traduction fiables, et non pas s’en tenir à une lecture libre et mal avisée du texte sacré. Cette démarche ferait beaucoup pour éliminer les erreurs d’interprétation et les abus du Coran à des fins violentes. Elle permettrait au contraire de proposer une vision universelle d’un Coran prêchant une tolérance authentique et la coexistence pacifique entre tous les humains.

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