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Pour en finir avec la liberté d’expression et le deux poids deux mesures

©MOHAMMED SABER/EPA/MAXPP-

         « Un journal fidèle à son objectif ne s’intéresse pas seulement à la façon dont les  choses se passent, mais à la façon dont elles devraient être. » Joseph Pulitzer

        « Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Hypocrite ! (..) Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère » Evangile de Luc

Résumé

La guerre en Ukraine m’a ouvert les yeux pour la première fois. Je prends acte de la capacité de nuisance des médias aux ordres, dits mainstream, dans la falsification de l’information.

Nous le voyons avec l’omerta qui entoure la terrible tragédie de la Palestine, longue de 75 ans, qui n’arrête pas de saigner ! Plus de trente morts à Gaza, la semaine dernière, dont de nombreuses femmes et enfants. Pas un mot des médias !

Ce sont toujours les BHL et consorts qui écument les plateaux de télévision. Ils sont spécialistes en tout, s’agissant de diaboliser tout ce qui n’est pas Israël ou l’Empire. Ce sont à eux que l’on offre des tribunes pour clamer que dans la guerre en Ukraine, il ne faut pas qu’il y ait « deux poids deux mesures », comme le dénonçait Pulitzer. A l’inverse, certains universitaires de qualité sont interdits d’antenne, muselés et censurés, car ils ont pour seul tort d’avoir un autre récit qui ne rentre pas dans la doxa dominante et le narratif occidental.

Des chaînes françaises, comme LCI, CNews ou encore BFMTV, n’arrêtent pas de polluer le paysage médiatique par de grossiers mensonges. Je reste sidéré devant leur aplomb qui leur permet de mentir aussi effrontément, sans état d’âme. Nous allons, à notre façon, ouvrir la boîte de Pandore de la doxa occidentale et de sa fausse certitude d’appartenir à la race des seigneurs, seuls à même de dicter la norme du bien et du mal.

Un anniversaire sur la liberté de la presse

Le 3 mai 2023, l’Unesco a fêté le 30e anniversaire de la presse. Chaque année, des « inventaires » sont faits sur le respect de la liberté d’expression dans le monde. L’Unesco a édicté une mercuriale que l’on peut considérer comme relativement objective, avec toutefois une fâcheuse tendance à ne pas déplaire aux pays dont dépend son financement.

A côté de cela, des censeurs autoproclamés se comportent en inquisiteurs qui dictent la norme du bien et du mal. Ils sont généralement du côté du bien, tandis que les jugés fautifs par essence sont dans le camp du mal. Les pays du sud ont des comptes à rendre, surtout si l’on connaît les engagements cachés de ces agences. Il n’est que de voir le sort effroyable subi par des journalistes « oubliés » comme Julian Assange. Pire encore, le meurtre de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh (voir fresque ci-dessus peinte à Gaza à sa mémoire). C’est le silence radio, après quelques  molles protestations.

États-Unis : la liberté de la presse est-elle en danger ?

Nous allons voir que, même dans le pays censé être la référence en matière de liberté de la presse, la dérive constatée est réelle. Elle est loin l’époque bénie où deux journalistes du Washington PostBob Woodward et Carl Bernstein, dévoilèrent au grand jour le scandale du Watergate qui aboutit, en 1974, à la démission de Richard Nixon, président des États-Unis.

Ainsi, un rapport publié en juillet 2014 par la puissante Union américaine pour les libertés civiques (ACLU) et l’ONG Human Rights Watch dénonçait l’impact que pouvait avoir la surveillance à grande échelle, menée par les services de renseignements, sur la liberté de la de la presse et sur la démocratie.

Les révélations d’Edward Snowden sur l’ampleur de la surveillance de l’Agence nationale de sécurité (NSA) ont conduit les sources habituelles des journalistes à réfléchir à deux fois avant de parler à la presse, même pour discuter de sujets non confidentiels, de peur de perdre une accréditation «secret défense» ou d’être poursuivies au pénal pour des fuites (1).

Le «quatrième pouvoir» en perdition

Cette conviction de Joseph Pulitzer devrait, de notre point de vue, être le bréviaire de la profession du journalisme, qui, on le sait, est, à la fois, capable du meilleur comme du pire. Nous allons, d’abord, présenter la vérité comme vertu cardinale du journalisme : « C’est un paradoxe. Alors que la société de l’information nous offre aujourd’hui les moyens techniques les plus performants pour communiquer, les opinions publiques doutent de plus en plus des journalistes et de leur capacité à dire la vérité. La vérité journalistique ne peut être ni univoque ni purement objective. Elle doit être honnête – ce qui n’est plus que sincère – et constituer une parole juste. A condition de surmonter un certain nombre de tentations et d’ambiguïtés qui constituent des obstacles réels à sa recherche. Parmi ces obstacles, on peut citer «La logique marchande». L’exigence d’objectivité, horizon de l’informateur public, est mise à mal par la précipitation, qui conduit aux simplifications hâtives. «Les arrangements.» La pulsion créatrice incite tout signataire de presse à arranger la vérité. Publier, c’est choisir. Ecrire, c’est embellir. Le journaliste met en forme.   Sa conscience morale doit prioritairement s’exercer dans une gestion clairvoyante et modeste de son narcissisme d’auteur.»(2)

Qu’en est-il du journalisme de nos jours ? Parlant de la manipulation de plus en plus évidente de l’information, Ignacio Ramonet, ancien directeur du Monde diplomatique, pointe du doigt les grands protagonistes que sont les acteurs d’une mondialisation dimensionnée à la taille des plus riches et des plus puissants.

Ecoutons-le: « Contre les abus des pouvoirs, la presse et les médias ont été, pendant de longues décennies, dans le cadre démocratique, un recours des citoyens. (…) Depuis une quinzaine d’années, à mesure que s’accélérait la mondialisation libérale, ce «quatrième pouvoir» a été vidé de son sens, il a perdu peu à peu sa fonction essentielle de contre-pouvoir. Le pouvoir véritable est désormais détenu par un faisceau de groupes économiques planétaires et d’entreprises globales dont le poids dans les affaires du monde apparaît parfois plus important que celui des Etats.»(2)(3).

Les élites occidentales n’en peuvent plus de cette « odieuse liberté d’expression»

En France, le pays idéalisé de la Liberté et des Droits de l’Homme : « on peut tout dire à condition de chuchoter ce qui pourrait agacer, et seulement à des oreilles qui l’acceptent. Comme à chaque entourloupe liberticide, le principe exposé est d’une simplicité biblique : on va lutter contre les méchants et les vilains, appelés cyberharceleurs et cybercriminels par exemple.En somme, *tous* les Français (ou à peu près) pourront être poursuivis pour cyberharcèlement dès que le pouvoir le jugera bon. (…) Là encore, il suffira de camoufler cette censure dictatoriale derrière une « lutte contre les abus de la BigTech ».

Pourquoi croyez-vous que le gouvernement français et, aussi toute l’Union européenne, insistent tant pour la mise en place d’une identité numérique ?  Devant cette orgie sans précédent de censure, de mensonges et de propagande qui a cours dans l’Empire, il est plus que temps d’abandonner le mot «élites» et de cesser d’utiliser l’expression « liberté d’expression». Méditons plutôt sur l’interminable liste des cas Assange, Snowden, Manning, etc » (4).

La guerre contre la liberté d’expression est une guerre contre le droit de critiquer  

On pourrait penser, à écouter le matraquage des médias occidentaux, que la liberté de la presse n’existe pas dans les pays du Sud.

Pourtant, dans les pays qui se targuent d’être « libres », John & Nisha Whitehead ont eu le mérite de rapporter les multiples atteintes à la liberté de la presse qui sévissent dans les administrations américaines : « la guerre contre la liberté d’expression est en réalité une guerre contre le droit de critiquer le gouvernement. Bien que le droit de dénoncer les actes répréhensibles du gouvernement soit la quintessence de la liberté, chaque jour dans ce pays, ceux qui osent dire leur vérité au pouvoir en place se retrouvent censurés, réduits au silence ou licenciés. En effet, ceux qui dirigent le gouvernement ne voient pas d’un bon œil les personnes qui disent la vérité au pouvoir. En fait, le gouvernement est devenu de plus en plus intolérant à l’égard des discours qui remettent en cause son pouvoir, révèlent sa corruption, dénoncent ses mensonges et encouragent les citoyens à s’opposer aux nombreuses injustices qu’il commet. Au cours des premières années de son mandat, le président Trump a déclaré que les médias étaient « l’ennemi du peuple », a suggéré que les manifestations devraient être illégales  Une fois encore, Trump n’était pas le seul à mépriser les droits des citoyens, en particulier le droit de critiquer ceux qui détiennent le pouvoir » (5)

Le président Obama a promulgué une loi anti-manifestation qui permet au gouvernement de criminaliser plus facilement les activités de protestation (10 ans de prison pour avoir manifesté à proximité d’une agence des services secrets). L’administration Obama a également mené une guerre contre les lanceurs d’alerte, que le Washington Post a décrite comme « la plus agressive que j’ai vue depuis l’administration Nixon », et a « espionné des journalistes en surveillant leurs relevés téléphoniques ».

Une partie du Patriot Act, promulgué par le président George W. Bush, érige en crime le fait pour un citoyen américain de s’engager dans une activité pacifique et légale. Le président Franklin D. Roosevelt, en son temps, autorisa le FBI à censurer toutes les informations et à contrôler les communications à l’intérieur et à l’extérieur du pays, à la suite de l’attaque de Pearl Harbor. Enfin, le président Woodrow Wilson promulgua les lois sur l’espionnage et la sédition, qui interdisent de critiquer les efforts de guerre du gouvernement (…) » (5)

Un exemple de deux poids deux mesures ? Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, déclara lors d’une conférence de presse : « Tous les sortilèges  sur la liberté de la presse et l’accès à l’information prononcés par les dirigeants occidentaux, y compris les États-Unis, consignés dans les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme et de l’OSCE, ont été adoptés au début des années 1990. Maintenant, alors que l’Occident est gêné par la présence de points de vue alternatifs et la possibilité pour les habitants de la planète et les citoyens des pays concernés d’accéder à des faits qui ne correspondent pas au discours occidental, il a commencé à réprimer radicalement les médias qui ne lui sont pas soumis. Il y quelques années, la France a refusé d’accréditer RT et Sputnik auprès l’Élysée, les qualifiant «d’instruments de propagande » (6).

L’hégémonie culturelle selon Gramsci

Comment s’exerce le formatage des foules pour leur faire accepter des « narratifs » sur mesure, allant de l’acceptation du néolibéralisme à la diabolisation du camp du mal ?

L’hégémonie culturelle signifie que la domination est fondamentalement idéologique : « Antonio Gramsci estime ainsi, dans ses Cahiers de prison, que le groupe social dominant a acquis sa domination en propageant ses croyances et ses pratiques dans la société tout entière. Le combat des prolétaires doit par conséquent être d’influencer la superstructure culturelle et politique, plutôt que de changer les infrastructures économiques.  L’hégémonie culturelle est assurée par différents foyers. Ceux-ci ont pour véritable fonction d’amener les dominés à adopter la vision du monde des dominants et à l’accepter comme « allant de soi ». Pour Antonio Gramsci, les sociétés industrielles disposent ainsi d’outils culturels hégémoniques visant à instiller une « fausse conscience » dans l’esprit des travailleurs. L’école, l’Église, les partis politiques, les institutions scientifiques, universitaires, ou artistiques, les médias de masse, et même les organisations de travailleurs sont autant de foyers culturels dont le pouvoir bourgeois se sert pour maintenir son hégémonie.   (…) L’hégémonie culturelle est le fruit d’un long travail idéologique. « Que peut opposer une classe innovatrice, demande Gramsci, au formidable ensemble de tranchées et de fortifications de la classe dominante ? L’esprit de scission, c’est-à-dire l’acquisition progressive de la conscience de sa propre personnalité historique »  (7)

La « Fabrication du consentement » selon Chomsky

Quelles sont les autres méthodes utilisées par les pouvoirs pour arriver à leurs fins ? La fabrication du consentement permet d’asseoir le pouvoir.

Romain Treffel écrit : «  Noam Chomsky et Edward Herman mettent en évidence dans La fabrication du consentement l’existence d’une propagande visant à diffuser la vision du monde des dominants. Bien loin de constituer un « quatrième pouvoir » en démocratie, les médias feraient donc régner une forme particulière de désinformation qui servirait les intérêts des élites politiques et économiques. La fabrication du consentement repose sur la connivence du pouvoir et des médias. Pour Chomsky et Herman, cette relation privilégiée est tout d’abord entretenue par la prédominance des sources officielles. « En matière de relations publiques et de propagande, écrivent les auteurs, seul le monde des affaires dispose des moyens de rivaliser avec le Pentagone et les autres services gouvernementaux » (La fabrication du consentement). Les sources les plus puissantes contrôlent également les médias en les subventionnant directement ou indirectement. Ainsi, l’État américain (notamment les départements de l’armée) les fait bénéficier de ses largesses financières, ce qui lui garantit un accès privilégié et même un droit de regard sur la production de l’information ». (8)

On comprend mieux, dans ces conditions, le sens de la vidéo du présentateur américain Tucker Carlson qui a récemment quitté la chaîne Fox News. Selon le message de l’éditorialiste, dans les médias américains existe une omerta sur les “sujets importants”. Dans sa vidéo, Tucker Carlson s’en prend aux médias américains en affirmant qu’il y a une interdiction d’aborder les sujets importants. « Les sujets indéniablement importants qui détermineront notre avenir, tels que la guerre, les libertés civiles, les nouvelles orientations de la science, les changements démographiques, le pouvoir des entreprises, les ressources naturelles, ne sont pas du tout discutés » (9)

La “violence symbolique” de Bourdieu

A côté du formatage avec des victimes consentantes, il y a la violence symbolique qui sert à légitimer la domination.

Bourdieu affirme dans Esquisse d’une théorie de la pratique qu’elle est même le principe d’efficacité de toute obéissance. « Elle peut être définie comme l’ensemble des signes, dont l’émission contribue à faire passer une domination assise sur un rapport de forces pour naturelle, et donc légitime. Si la violence physique est un moyen incontournable d’obtenir l’obéissance nécessaire à l’ordre social, la violence symbolique est plus efficace dans la mesure où elle est subtile et invisible.

 Bourdieu montre que la violence symbolique est insidieuse La violence symbolique naturalise la domination. Alors que la violence physique produit une obéissance éphémère, la violence symbolique génère, elle, des effets durables. Elle installe une soumission plus fiable parce qu’elle a pénétré les structures cognitives du dominé.  (…) ». (10)

Une autre cause qui peut expliquer le comportement panurgien. Une nouvelle religion semble désormais régner sans partage, celle du marché : Comment en est-on arrivé à « fabriquer » cette victime consentante ? Dany Robert Dufour écrit : « le formatage de l’individu, sujet consommateur sous influence, commence très tôt :  Le laminage des enfants par la télévision commence très tôt. Les institutions scolaires, université incluse, accueillent donc des populations flottantes, dont le rapport au savoir est devenu une préoccupation très accessoire. (…). Plus rien alors ne pourra endiguer un capitalisme total où tout, sans exception, fera partie de l’univers marchand » (11)

La presse est-elle encore libre ?

La liberté de la presse, on ne cesse de l’évoquer, de la brandir même. Mais où en est-elle ?

On l’aura compris, force est de constater aujourd’hui que la presse va mal. « Elle attise les appétits de grands groupes privés qui la rachètent non par esprit de mécénat, mais pour peser dans le débat public et museler les consciences   De tout temps, les grands patrons de l’industrie ou les grandes multinationales ont souhaité mettre la main sur les médias En fait, c’est un seul et même empire médiatique à visée hégémonique et de domination. Vincent Bolloré, Patrick Drahi, le trio Bergé-Niel-Pigasse, Serge Dassault, Bernard Arnault, Martin Bouygues, François Pinault, Bernard Tapie,  tous sont entrés dans ce secteur qui n’était pas le leur comme dans du beurre.(…)  Aude Lancelin, auteure du Monde libre écrit : « Depuis 2015, nous assistons à une victoire par KO du capital sur les médias. Le sentiment de pluralité disparaît. Tout le monde défend la même ligne. Ce pluralisme hypocrite que l’on vend aux gens est totalement fallacieux et illusoire. Cela concerne de nombreux sujets politiques cruciaux, telle la question européenne, etc.  Vous pouvez déclencher un mouvement social, faire grève, mais vous n’obtenez rien. Derrière la porte, il y a des bataillons de journalistes qui attendent la place ». (12)

Les dérives actuelles de la Presse mainstream : Russophobie et Islamophobie

On l’aura compris, la parole clivante est libérée dans les pays dits libres. L’os à ronger est la guerre en Ukraine. La haine et la russophobie prospèrent en France, à travers les médias qui n’arrêtent pas de diffuser des contre-vérités avec un seul narratif : celui qui éreinte la Russie.

De plus, l’exutoire est le musulman, ce pelé, ce tondu, d’où viendraient tous les maux reprend du service. Eric Vandorpe écrit : « Tous ceux qui ont une appréciation objective, différente de la doxa officielle véhiculée par des journalistes donneurs de leçons sur pratiquement toutes les chaines. Ce à quoi nous assistons aujourd’hui est radicalement autre : c’est au contraire les musulmans que l’on somme de changer de trottoir, et même plus encore de ne marcher nulle part, de disparaître de toute visibilité publique  Ce racisme se distingue des racismes traditionnels, en ce que cette persécution scopique, sociale et symbolique n’est pas simplement le fait d’individus isolés ou de groupes populistes, mais est institutionnalisée, et partant légitimée, par les Etats eux-mêmes : les lois d’exception antimusulmanes correspondent, psychiquement, à des passages à l’acte hétéro-agressifs collectifs.». (13)

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Et en Algérie ?

Les pays émergents, comme l’Algérie, cherchent leur chemin en mettant en place une Constitution qui protège les intérêts supérieurs du pays, ce qu’en Occident on appelle le domaine du président et le secret défense. Beaucoup d’étapes, semées d’embuches, ont été franchies depuis l’ouverture du champ médiatique, et elles sont à mettre à l’actif du pouvoir en place.

Plus de 150 journaux quotidiens et hebdomadaires et une quinzaine de chaînes “informent” le citoyen algérien. Des dérives, cependant, sont signalées, mais tout n’est pas noir ! Il existe, et c’est heureux, des gens honnêtes au sens de l’honnête homme de Voltaire. Justement, l’occasion nous est donnée de rendre hommage de l’extérieur à un Monsieur du journalisme qui, à sa façon, a redonné à cette profession ses lettres de noblesse. On le voit, être journaliste, c’est entrer dans les ordres et faire voeu de vérité.

Noureddine Naït Mazi, le talent et l’élégance du “Pullitzer algérien”

Comment ne pas penser au regretté Noureddine Naït Mazi, l’un des pères fondateurs de la presse algérienne, qui continue de faire l’unanimité en tant que repère pour la profession ? C’est ainsi que de quel côté qu’on l’observe – ses détracteurs comme ses amis – la seule évocation de son nom et de sa mémoire suscitent admiration et déférence.

Le regretté Noureddine Naït Mazi

J’ai voulu savoir qui était ce personnage dont on disait qu’il avait dirigé El Moudjahid sous la période de plomb. Au fil de mes recherches et lectures, je me suis aperçu que Naït Mazi avait, si je puis m’exprimer ainsi, « très bonne presse ». Un slogan d’une campagne présidentielle en France m’a permis de trouver une expression pouvant le cerner : il incarnait, oserais-je dire, « la force et la conscience tranquilles ». Il en imposait par l’élégance de son physique, la limpidité du verbe et la netteté des idées.

C’est aussi l’éloge sincère de Hamid Grine. Ah ! On allait l’oublier : Naït Mazi avait un physique atypique dans la presse:  très grand, très beau, élégant. Il a dû faire battre bien des cœurs… Mais, lui, son coeur ne battait que pour l’Algérie, car toute sa vie durant, il n’a eu de cesse de combattre les opportunistes aux canines de vampires.

S’il a choisi le journalisme, c’était pour une seule et unique cause, la bonne cause : « la volonté de continuer à servir mon pays au mieux de mes compétences et il m’a semblé que l’information m’offrait la possibilité d’oeuvrer le plus utilement à la défense et à la promotion de ses causes. » La délation n’était pas son style. La danse du ventre non plus. Engagé dans la bataille de construction du pays, il sera marqué par le rôle grandissant qu’occupera l’Algérie dans le concert des nations.  (14) (15)

En Algérie, de nouvelles perspectives s’ouvrent à la presse nationale

Convaincu qu’il ne pourrait y avoir de démocratie sans liberté de la presse, le président Tebboune estime que l’Algérie doit disposer d’une presse forte et a exprimé sa volonté d’ouvrir une nouvelle page. 

Le président Tebboune célébrant, le 3 mai 2023, au Centre international de conférences Abdelatif-Rahal (Alger), la Journée mondiale de la liberté de la presse

Rien n’est bouclé pour les médias nationaux qui, le 3 mai dernier, ont célébré la Journée mondiale de la liberté de la presse dans un contexte difficile. Le président Tebboune a « usé d’un ton nouveau dans sa discussion à bâtons rompus, où toutes les questions ont été posées, sans briefing ou sélection préalable ».

« Le président Tebboune a fait de la liberté de la presse un « principe immuable » consacré dans la Constitution de 2020. Il a insisté, à chacune de ses interventions, sur la transparence du financement des médias, ainsi que le droit des professionnels de la presse d’accéder aux sources d’information. C’est ce droit démocratique fondamental, le droit de savoir, qui est au coeur de la démocratie » (16).

En Algérie, nous sommes régulièrement informés de « délits » dont se seraient rendus coupables des journalistes, accusés d’intelligence avec l’ennemi. De ce fait, quelles seraient les limites de la liberté d’expression s’agissant d’une règle non écrite, qui est celle de protéger le pays ? Lorsque nous écrivons protection du pays à travers l’armée, nous entendons par là que l’armée reste le pivot de la Défense nationale, c’est ce qui explique que pour assurer cette protection du pays, le gouvernement et le législateur ont à leur disposition un arsenal de “sanctions dissuasives”. Nous revenons de loin ! L’Algérie est fragile ! Les bruits de botte intra et extra muros sont à prendre au sérieux.

Comme l’écrit le sociologue Abdelali Merdaci, rappelant les dérives du Hirak après l’euphorie. Nous lisons : « Les porte-voix d’un Hirak, qui a été dévoyé les trois premiers mois de 2019, installés à l’étranger et mus par des intérêts étrangers, sont générateurs de risques pour la sécurité du pays et du devenir de l’Algérie en tant que nation libre (…)Si, par le plus grand des malheurs, ils referont bouger des Algériens, c’est pour aller vers la division, le déchirement, le chaos. La Libye, toute proche, la Syrie, l’Irak et le Yémen, livrés à des guerres sans fin, ne sont pas encore sortis de cette marche forcée vers la « démocratie » américaine et occidentale, une « démocratie » de charniers. Comment douter que les Algériens qui ont fait prodigieusement le premier hirak, qui a été un hymne à l’unité et à la solidarité, qui a donné le providentiel coup de boutoir pour ébranler un système politique honni, qui aiment leur pays, puissent le brûler pour complaire à des attentes qui ne sont pas les leurs, qui leur sont dictées par d’acharnés et sinistres histrions arc-boutés à des violences anciennes, toujours recommencées ? Les Algériens n’ont pas besoin de faiseurs de hirak embusqués dans les fanges d’organismes américains et occidentaux de la « démocratisation ». L’enjeu d’alternance démocratique devrait être l’unique horizon des partis et des acteurs politiques pour faire avancer notre grand pays. Et le défendre ensemble, par nécessité ». (17)

Conclusion

La famille des journalistes en Algérie a fait un bond considérable depuis l’époque du regretté Nourredine Nait Mazi. L’ouverture du champ médiatique, nous la devons à l’ancien chef de gouvernement Mouloud Hamrouche. Ce qui a favorisé l’émergence d’une presse quantitativement importante, mais qui gagnerait à moraliser la profession. Cela passe par la formation et la conviction que le quatrième pouvoir, dont ils sont les seuls dépositaires, leur donne des responsabilités particulières, notamment du fait qu’ils (nous) appartiennent à un pays qui essaie de garder la tête hors de l’eau.

De mon point de vue, et sans vouloir donner l’impression de donner des leçons, le journaliste devrait informer sans parti pris, en cherchant constamment la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. Il me semble aussi que l’Etat devrait contribuer à l’émergence d’une presse libre en  l’aidant financièrement.

Plus généralement, les pays du Sud devraient conquérir les cœurs de leurs citoyens qui, en retour, feront preuve de solidarité dans les moments difficiles, sans craindre les oukases des inquisiteurs.

Les mots du grand journaliste Pulitzer devraient nous servir de boussole : « Notre République et sa presse prendront de l’essor ou s’effondreront ensemble. Une presse compétente, désintéressée, dévouée à la chose publique, intelligente, exercée à discerner le bien et ayant le courage de le faire peut préserver la morale publique sans laquelle un gouvernement populaire est une imposture et une parodie. Une presse cynique, mercenaire et démagogue finira par produire une population aussi vile qu’elle-même. Le pouvoir de façonner l’avenir de la République sera entre les mains des journalistes des générations à venir.»

En toute chose, nous devons tempérer nos jugements. Je dénie à RSF le droit de dicter la norme du bien et du mal. Qu’elle fasse d’abord son introspection. La parabole de Jésus de Nazareth peut s’interpréter ainsi : « Il ne faut pas être plus sévère avec les autres qu’avec soi-même et il ne faut pas être plus indulgent avec soi-même qu’avec les autres, il faut être aussi sévère avec les autres qu’avec soi-même ». Amen !

Professeur  émérite Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique Alger   

 

1.https://www.lepoint.fr/monde/etats-unis-la-liberte-de-la-presse-est-elle-en-danger-28-07-2014-1849727_24.php

2.http://www.presse-catholique.org/rubriques/gauche/textes-de-references/la-verite-pour-le-journaliste
3..Ignacio Ramonet: Le cinquième pouvoir Le Monde diplomatique Octobre 2003

4.https://reseauinternational.net/les-elites-occidentales-nen-peuvent-plus-de-cette-odieuse-liberte-dexpression/ 2 mai 2023

5.John & Nisha, Whitehead https://reseauinternational.net/la-guerre-contre-la-liberte-dexpression-est-en-realite-une-guerre-contre-le-droit-de-critiquer-le-gouvernement/

6.https://reseauinternational.net/face-aux-journalistes-de-cour-lavrov-demasque-methodiquement-lhypocrisie-de-loccident/ 1 mai 2023  

7.https://1000idcg.com/hegemonie-culturelle-gramsci/

  1. Romain Treffel ?https://1000idcg.com/fabrication-consentement-chomsky/

9.https://fr.sputniknews.africa/20230428/un-mi-8-huit-projectiles-de-himars-et-douragan-un-stock-de-munitions-les-pertes-de-kiev-en-24h-1058912288.html 

10.Romain Treffel : https://1000idcg.com/violence-symbolique-bourdieu/

11 Dany-Robert Dufour  Le Divin Marché: La révolution culturelle libérale  Edit Denoël 2007

12.https://www.humanite.fr/en-debat/les-grands-debats-de-la-fete-de-lhumanite/les-grands-debats-la-presse-est-elle-encore-libre 26 septembre 2017

13.Eric Vandorpe    https://oumma.com/de-lislamophobie-a-lislamoparanoia-nouveau-malaise-dans-la-civilisation-europeenne-12/ 2 décembre 2011

14 Noureddine Naït Mazi un  des derniers mythes vivants de la presse. Liberté  20 03  2011

15.https://www.lexpressiondz.com/chroniques/l-analyse-du-professeur-chitour/le-talent-et-lelegance-du-pulitzer-algerien-139882 29 09 2011

16.Takheroubt https://www.lexpressiondz.com/nationale/la-main-tendue-du-president-368915

17.Mehdi Messaoudi  Abdellali Merdaci https://algerie54.com/2020/07/11/hirak-medias-13/

 

 

 

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