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Persécutions laïques

Monsieur le président du Sénat

Un projet de loi visant à interdire aux femmes voilées leurs foulards dans les crèches, les centres de loisirs et de vacances ainsi que pour les assistantes maternelles en activité, y compris à leur domicile, a été déposé par le parti radical et soutenu par votre formation politique, le Parti socialiste. En tant que membre et représentant de ce parti (PS), je vous considère donc lié et engagé par cette décision et par toutes ses conséquences et à ce propos, permettez-moi de vous dire que je suis pour le moins très stupéfait par l’ampleur de cette nouvelle violence juridique qu’on espère exercer contre la communauté musulmane.

Ce qui m’amène à vous poser cette question très franchement : n’en avez-vous pas assez de persécuter ces pauvres femmes auxquelles le droit à la liberté de conscience n’est même plus accordé ou pour lequel vous souhaitez les punir ? Avez-vous conscience, monsieur, de ce que votre famille politique s’apprête à faire ? Son initiative s’inscrit-elle dans un programme d’éradication globale et totale de la femme musulmane du champ social, programme qu’elle voudrait compléter, après la loi du 15 mars et l’interdiction des sorties scolaires faites aux mères voilées ? Ou s’agit-il de déshumaniser un groupe confessionnel par le biais de l’humiliation, de la violence symbolique et psychologique destinées à l’isoler complètement de la société tout en suscitant simultanément la haine des autres à son encontre, créant ainsi un délit de croyance et des infractions généralisées qui serviront à leur tour de justification à la répression administrative et judiciaire ?

Non, monsieur, la voie dans laquelle les vôtres souhaitent plonger la France est une voie obscure, immonde et dangereuse. Oui, c’est une destinée nationale peu glorieuse qui s’annonce et dont l’Histoire témoignera une nouvelle fois que vous vous apprêtez à écrire, en commettant toutefois une erreur monumentale. En effet, ce ne sont pas les seules citoyennes de confession musulmane qui souffriront de cette politique décidée en haute instance et qui laisse apparaître progressivement son visage. Monsieur le président du Sénat, c’est toute la France qui souffrira de cette orientation funeste vers laquelle votre parti souhaite nous précipiter. Nul n’en ressortira indemne, soyez-en certain.

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La haine et la violence administratives, tels des dogues infernaux, finissent toujours par dévaster l’horizon qui les entourent avant d’achever leur saccage en dévorant leurs propres maîtres. Ces serviteurs-là sont indomptables ! Mais quoi ? Jusqu’où finira cette chasse au signe religieux, cette obsession de Dieu qui anime vos rangs et qui les poussent à distinguer dans l’ombre des croyants une espèce de figure spectrale qui les hantent littéralement et obstinément ? Auriez-vous cessé de voir en ces femmes des êtres humains ? Ces musulmanes que vous vous apprêtez à détruire socialement sont pourtant des citoyennes et bon nombre d’entres elles se rendront aux urnes en 2012.

Mais que répondront-elles à leurs enfants lorsque ceux-ci leur poseront cette redoutable question : pourquoi ne m’accompagnes-tu-pas aux sorties scolaires comme les autres mamans accompagnent leurs enfants ? Des femmes qui pour beaucoup d’entres elles ont dû renoncer à une vie professionnelle pour vivre en accord avec leur conscience et qui se voient à présent sommés de renoncer à leur vocation de mères ! Comment allez-vous justifier cet apartheid éhonté et qui n’a pu être rendu possible qu’au prix d’une lointaine et constante campagne de dénigrement et d’ostracisme à l’encontre des femmes voilées ?

Mais quelle est donc la prochaine étape de cette guerre affolante que votre famille politique en accord avec la droite, l’extrême-droite et une partie de l’extrême-gauche a décidé de mener contre la communauté musulmane de France ? Je n’ose l’évoquer. Pourtant, une chose est sûre : vos amis ne pourront plus se cacher derrière ce qu’ils appellent, dans leur déraisonnable fuite en avant, la défense de la laïcité. Ce qui fut autrefois plus qu’un texte de loi, la volonté de cimenter une Nation sur un pacte social égalitaire qui n’exclurait aucune tradition religieuse, ni aucun citoyen qui croit ou ne croit pas, a vécu. Vous exhibez un cadavre monsieur le président et vos incantations ne le ranimeront plus.

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