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Pas de « regime change » à Téhéran

Donald Trump a beau assurer que “l’Iran échoue à tous les niveaux”, que “le grand peuple iranien est réprimé depuis des années”, qu’il a “faim de nourriture et de liberté”, qu’il est “temps que ça change” et qu’il “soutiendra le peuple iranien le moment venu”, c’est peine perdue. Ces proclamations grandiloquentes n’auront aucun effet sur le cours des choses. Déchaîné contre Téhéran, Washington veut saisir le conseil de sécurité. Mais la Chine et la Russie s’opposeront à toute forme d’ingérence. Il n’y aura ni mandat onusien torpillant un Etat souverain au nom des “droits de l’homme”, ni “zone d’interdiction aérienne”, ni “droit de protéger”. Que les bellicistes se fassent une raison : l’Iran ne connaîtra pas le sort de la Libye, détruite par l’OTAN en 2011.

 

Le châtiment venu du ciel étant décidément impraticable, Washington a joué la carte de la déstabilisation interne. Pour y parvenir, ses stratèges ont déployé toute la gamme des moyens disponibles : avalanche de propagande antigouvernementale financée par la CIA (notamment par les stations de radio émettant en persan vers l’Iran), agents de tous poils infiltrés dans les manifestations populaires, appui donné à toutes les oppositions sur place ou en exil. Incapable de procéder au “regime change” par le haut, la Maison-Blanche a tenté de l’obtenir par le bas. Prémuni contre le “hard power” US par sa propre force militaire (et par ses alliances) le “régime des mollahs” a été directement ciblé par le “soft power” made in USA. La Maison-Blanche a fait tourner les rotatives de la désinformation, mais le résultat n’était pas garanti sur facture. C’est le moins qu’on puisse dire.

Pour abattre un régime qui leur déplaît, les “neocons” de Washington ont classiquement besoin de différents types de munitions. L’expérience montre qu’il leur faut détenir au moins deux des trois atouts suivants : une forte opposition interne chez l’adversaire, une soldatesque de supplétifs, une capacité d’intervention directe. En Iran, ils ne disposaient clairement d’aucun de ces trois atouts. L’opposition interne existe, mais c’est moins une opposition au régime qu’une opposition au gouvernement. Le système politique lui donne libre cours à travers le processus électoral. La dialectique entre “conservateurs” et “réformateurs” structure le débat, favorisant l’expression des contradictions internes sans mettre en péril le régime issu de la révolution de 1979.

C’est pourquoi les masses n’ont pas investi la rue, et la grogne qui s’y exprime pour des raisons économiques ne génère pas, sauf exception, une contestation du régime politique. Il est significatif que la propagande occidentale se livre, une fois de plus, à de grossières manipulations. On a même vu le directeur général de “Human rights Watch”, Kenneth Roth, utiliser une photo des manifestations pro-gouvernementales pour illustrer le “soulèvement populaire” contre le régime. En croyant voir dans des rassemblements de mécontents le prélude à un changement de régime, Washington a pris deux fois ses désirs pour des réalités : la première, en confondant mécontentement et subversion dans les manifestations antigouvernementales ; la seconde, en refusant de voir que les manifestations pro-gouvernementales étaient au moins aussi importantes.

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Cet espoir d’un “regime change” à Téhéran est d’autant plus illusoire que Washington ne détient pas davantage le deuxième atout : des hordes de mercenaires pour faire le sale boulot. Les frontières étant surveillées de près par l’armée iranienne, la réédition d’un scénario à la syrienne est impossible. En Syrie, les miliciens wahhabites furent importés en masse avec la complicité de l’OTAN, et il a fallu six ans au peuple syrien pour s’en débarrasser sérieusement. En Iran, aucun indice ne permet de penser qu’une telle invasion ait seulement eu lieu. Quelques individus ont dû passer à travers les mailles du filet, mais leur capacité de nuisance est limitée. Depuis la déroute de Daech, l’internationale takfiriste est aux abois. Le dernier carré d’Al-Qaida finira coincé dans la poche d’Idlib. L’armée syrienne avance, elle reconquiert le territoire national, et le “regime change” à Damas n’est plus à l’ordre du jour.

Pour détruire le “régime des mollahs”, Washington ne peut compter ni sur l’opposition interne, ni sur le mercenariat externe, ni sur une intervention militaire directe. L’opposition interne ne partage pas ses objectifs, le mercenariat étranger est une ressource en voie de disparition, et l’intervention militaire vouée à l’échec. Le “regime change” a réussi en Libye grâce au bombardement aérien. Il a échoué en Syrie malgré des hordes de mercenaires. Mais il n’a aucune chance de réussir en Iran. Le peuple iranien subit surtout les sanctions infligées par un Etat étranger qui lui donne des leçons de “droits de l’homme”. Que certaines couches sociales aspirent au changement est naturel, et tout dépendra de la réponse du pouvoir à leurs revendications. Le président Rohani a condamné les violences. Mais il a aussi admis la légitimité du mécontentement social, des mesures impopulaires ont été annulées, et le peuple iranien n’a pas l’intention de s’étriper pour faire plaisir au locataire de la Maison-Blanche.

La situation est difficile pour les plus pauvres, mais l’Iran est tout sauf un pays au bord de la faillite. Malgré les sanctions imposées par Washington, le pays a connu un développement notable en 2016. Son économie affiche un taux de croissance de 6,5% et l’endettement public est particulièrement faible (35% du PIB). Mais le taux de chômage est élevé (12,5%) et il frappe surtout les jeunes. Le pays connaît une crise de croissance qui avive les tensions sociales, soulignant les privilèges de la bourgeoisie marchande accentués par les réformes libérales voulues par le gouvernement. L’Iran exporte son pétrole, mais il manque de capitaux extérieurs. A l’affût de la moindre faiblesse, Washington rêvait d’un mouvement de grande ampleur, capable de faire vaciller le pouvoir. Visiblement, c’est raté, et l’agression US a manqué son objectif. Elle ne cessera pas pour autant, car l’Iran est depuis longtemps dans la ligne de mire des fauteurs de guerre.

Obsession des “neocons”, la lutte contre Téhéran remonte aux origines de la République islamique (1979). Elle fut inaugurée par une attaque irakienne dont l’Occident fournit les armes et les pétromonarchies les moyens financiers (1980-1988). Elle s’est poursuivie avec les attentats du Mossad et de la CIA, infligeant aux Iraniens ce même “terrorisme” dont les accuse la propagande occidentale. Puis elle s’est amplifiée avec l’invention de la “menace nucléaire iranienne” au début des années 2000. Il est évident que Trump se soucie comme d’une guigne des droits de l’homme et que la question nucléaire est l’arrière-plan de la crise actuelle. A Washington, l’union sacrée s’est miraculeusement reconstituée contre l’Iran. Ce pays n’a jamais agressé ses voisins, mais la possibilité qu’il se dote d’un parapluie nucléaire entamant le monopole israélien dans la région est jugée intolérable. Le “regime change” a avorté, mais il est clair que Trump torpillera l’accord de 2015.

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15 commentaires

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  1. C’est une histoire à dormir debout. Tout à changer, sauf l’alliance (monde romain – temple du feu) qui reste la seule constante depuis 14 siècles.
    Un seul paramètre nouveau, l’entrée des sionistes en ligne depuis un siècle.
    I

  2. Lamentable à-plat-ventrisme devant toutes les dictatures que compte le Moyen-Orient, de la Syrie à la Libye, qui a chassé elle-même son tyran entre parenthèses, à l’Iran. Complotisme vulgaire, absence de pensée, rabâchage des éléments de langage. Pas un mot pour des manifestants tués pour la simple volonté d’avoir voulu manifester. Un naufrage complet.

  3. On peut quand même admettre, sans âtre pro trump, ou pro sioniste, que me régime des mollah opresse le peuple iranien. Cette révolte du peuple iranien contre la dictature est puissante. Je recomande de taper #iranprotests ou #basij sur twitter pour s’en rendre compte.

  4. L Iran est un grand pays et, est et sera toujours une grosse épine sous le pied des “neocons” heureusement!
    Le vent commence à tourner, peu à peu des accords se font (Russie, Turquie. ..), la syrie en est un bel exemple, qui permettront de rétablir un certain équilibre dans les relations internationales, comme nous sommes nombreux a l espérer…

  5. Laissez le peuple iranien décider pour lui seul. Pourquoi devrait-il continuer à vivre dans la dictature théocratique chiite, corrompue jusqu’à la moelle, pendant des intellectuels de salons versent dans des théories du complot usées jusqu’à la corde?

    Ce serait bien que ceux-là même qui osent défendre le régime iranien aillent passer quelques semaines en Iran, assistent aux exécutions publiques d’homosexuels ou de femmes soi-disant adultères. Mieux encore, qu’ils assistent aux prêches du vendredi grossièrement mensongers.

    C’est une chose de faire de l’anti-américanisme primaire (même si Trump est un crétin de première classe) derrière son clavier, c’en est une autre d’être plongé dans le quotidien d’une dictature, qui plus est, fait honte à l’islam et sa sounnah.

    • Rhabilles toi le wahabite et ne parles surtout pas de sounna. Toi et ton émir Ben Salmane, ce cinglé petite marionnette des Trumps et serviteur de Netanyahou, verraient bientôt la lumière Divine sur ce grand pays et cette libre et digne République Islamique. Le Peuple Iranien saura surmonter toutes les épreuves avec l’aide d’Allah. Quant aux Ahls Saouds (plutot Yahouds) leur fin à commencé…

      • rectitude

        Hors sujet mon pauvre ami. Et comme d’habitude chez les ignorants, l’invective veut passer pour des arguments. Insulter le terre du Prophète (saw) et s’agenouiller devant l’imposture chiite, faut quand même le faire! Bonne chance avec tout ça.

      • “cette libre et digne République Islamique” ??

        Tiens, je crois me rappeler que les candidats à la présidence de l’Iran sont d’abord désignés par un comité de religieux et sont eux-mêmes des religieux. Ca limite…

  6. Il est faux de voir les contestations et les
    mouvements d’aspiration démocratique en Iran à travers le prisme de l’opportunisme affiché des USA et faire passer pour enfants de coeur le régime dictateur en place en Iran depuis 40 ans.
    Trump est indiscutablement le pire président de l’histoire des USA, et très détesté en Iran depuis ses mesures discriminatoires d’interdits de visa pour les iraniens mais du fait de soutien opportuniste de son administration des protestations en Iran conclure à leur volonté proactive de regim chang et victimiser la théocratie sanguinaire et idéaliser un régime totalitaire , il ne faut pas citer Rohani qui n’est qu’un pion du régime et sans aucun pouvoir mais Khamenei qui qualifie les manifestants en colère contre les conditions économiques très difficiles du pays et dictaturisme comme étant des agents des USA, d’Israël et de l’Arabie saoudite. ..

  7. Trump est un fou sanguinaire comme ses prédécesseurs. Bush était taré mais alors là, le péroxydé de Washington atteint des summums ! Pas besoin d’être Einstein pour comprendre le jeu malsain des yankees à l’égard de l’Iran, qu’ils veulent déstabiliser, voire détruire, pour les beaux yeux de leur proxénète IsraHell !

    Je suis chrétienne et je soutiens de tout mon coeur la république islamique d’Iran qui est souveraine et si tout n’est pas parfait, ce n’est pas aux USA d’imposer leur loi, leur démocratie à coup de bombes, leur terrorisme au profit du grand IsraHell. Que les USA se regardent dans une glace avant d’emmerder la planète avec leurs 55 millions de personnes qui crèvent aux foodstamps. J’adorerais que la Chine cesse de soutenir le Trésor Américain car avec leur dette de 21.000 milliards de $, les yankees feraient mieux de la mettre en sourdine.

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