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Pas de #MeToo pour ces Palestiniennes emprisonnées en Israël

“À une époque où toute remarque sexiste adressée à une femme peut conduire à une émeute, la torture lors des interrogatoires ou les incarcérations totalement injustes de femmes ne fâchent personne”, dénonce Gideon Levy*, à propos de femmes palestiniennes torturées.

“Lorsque des carrières et des vies sont ruinées à cause d’un baiser ou d’une accolade inappropriés, la détention des femmes pendant des jours et des nuits dans des positions contraintes et douloureuses, la privation de sommeil et les réclusions sont acceptables parce qu’elles sont qualifiées par Israel de « terroristes ».

Le mouvement #MeToo est allé loin, parfois trop loin et parfois pas assez loin : il s’arrête à la porte du camp Ofer et des installations d’interrogatoire du service de sécurité du Shin Bet. Là, ça n’existe pas. Là, les femmes peuvent être maltraitées au cœur du système d’occupation. Personne ne protestera.

Un jour la semaine dernière, la prisonnière Khalida Jarrar, membre du Parlement palestinien inexistant, a été amenée devant le si déprimant tribunal militaire d’Ofer. Elle n’a pas été torturée lors de ses interrogatoires, mais des signes d’épuisement étaient clairement visibles. Menottée, dans un manteau débraillé des services pénitentiaires israéliens, son visage montrant la fatigue de trois mois et demi de détention et d’interrogatoires, cette ancienne combattante des détentions antérieures – la plupart sans inculpation – a été accusée de « détenir une position dans une association illégale ».

La montagne de communiqués du Shin Bet à la presse, aux membres des médias, dans lesquels Jarrar a même été accusée de la responsabilité du meurtre en août de Rina Shnerb en Cisjordanie, a « accouché d’une souris » sous la forme d’une arrestation politique pour « détenir une position » dans une association.

Israël ne prend même pas la peine de vouloir dissimuler le fait qu’il détient des prisonniers politiques, comme dans n’importe quel régime despotique.

Jarrar a été accusée d’être responsables de « l’activité nationale et politique » du Front populaire de libération de la Palestine, un parti laïc de gauche, dont l’occupant ne reconnaît pas le droit d’exister – comme pour toute organisation palestinienne – car ce sont toutes des prétendues « organisations terroristes ». Même ses procureurs admettent que le seul péché de Jarrar est son activité politique.

Seules trois femmes israéliennes, qui méritent des félicitations, sont venues à Ofer pour montrer leur solidarité avec la courageuse féministe palestinienne en prison. #MeToo aussi ? Des organisation de femmes ? Pas ici…

Le sort de l’étudiante en journalisme Mais Abu Ghosh était encore pire. Selon son père et ses avocats, elle a été torturée lors de son interrogatoire. Étudiante militante, elle est en détention depuis environ six mois.

Les charges retenues contre elle sont lourdes, mais après en avoir pris connaissance, il est clair que presque toutes sont ridicules. L’accusation la plus grave, de « port d’une arme, possession et fabrication d’une arme », indique qu’elle a rempli des bouteilles avec de l’essence dans une station-service et y a introduit des chiffons pour les utiliser comme cocktails Molotov. C’est la grande fabrique d’armes de Qalandiyah !

Les autres accusations sont totalement politiques. « Contact avec l’ennemi », par exemple, fait référence à sa participation à une conférence au Liban sur le retour des réfugiés et à un entretien avec la station de radio du Hezbollah. Ses avocats demandent un procès dans le cadre d’un procès, sur les violences qui, selon Mays, ont été exercées sur elle pendant son interrogatoire.

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Son père a témoigné qu’il a à peine reconnu sa fille la première fois qu’il l’a vue après son arrestation. C’était peu de temps après qu’un autre détenu, Samer Arbeed, ait été hospitalisé dans un état critique après avoir été torturé par ses interrogateurs, qui lui ont cassé 16 côtes en 30 heures et ont provoqué des lésions internes.

Les avocats d’Abou Ghosh disent qu’elle a été interrogée pendant des jours et des nuits, liée dans les positions notoires de « banane » et de « grenouille ». Ici aussi, il n’y a pas de #MeToo. Il est interdit de caresser une femme contre sa volonté, comme il se doit, mais il est normal de l’enchaîner dans des positions douloureuses et de la maltraiter.

Les femmes du mouvement féministe qui tirent à vue sur des baisers forcés ne s’en prendront à aucun des interrogateurs et des tortionnaires. Les organisations féminines resteront silencieuses : elles sont trop occupées par leur lutte héroïque pour mettre les jeunes femmes dans des tanks afin qu’elles puissent bombarder Gaza à leur guise, tout comme les types, au nom de l’égalité des sexes.

Mais il y a actuellement quelques dizaines de Palestiniennes dans la prison de Damon. Certaines sont des détenus politiques, d’autres ont été torturées lors des interrogatoires. Pourquoi donc les lionnes en colère de #MeToo ne se soucient-elles pas de ces femmes ?”

Par Gideon Levy dans Haaretz

*Gidéon Lévy : Né en 1955, à Tel-Aviv, est journaliste israélien et membre de la direction du quotidien Ha’aretz. Il vit dans les territoires palestiniens sous occupation.

Traduction : Chronique de Palestine

 

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12 commentaires

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  1. Pas de #Me Too , pas de médicament, pas de droit du travail (ni salaire minimum, ni durée minimum de travail), pas de droit , pas de liberté …
    Mais à satiété :
    Détentions arbitraires, tortures, humiliations, intrusions permanents dans les habitations, bombardements (recours au phosphore blanc contre des populations civiles) et destructions d’hôpitaux, de centres culturels, d’écoles, vols de leurs terres, destructions de leurs habitations, enlèvements de leurs enfants, contrôles permanents et restrictions de leurs déplacements, vols et pollutions volontaires de l’eau, de l’air, de la terre …
    En d’autres mots massacres, génocide, ravages, carnages, persécutions … Méthodes profondément inscrites dans le temps, la durée et pour certains, la mentalité …
    Toutes ces « carences » profondes ne font que confirmer qu’il s’agit d’une zone de non droit où seuls certains bénéficient de l’accès au droit, à la terre, à l’eau, aux médicaments, à l’électricité …
    Seuls et seulement certains ont des droits … Si et seulement si …
    Les autres ne sont pas sujets mais objets de tyrannie avec pour seul horizon, « droit » le mauvais traitement à tous moments, partout …
    C’est la définition même d’un régime d’Apartheid qui consiste à nier l’existence de l’autre en raison de ses origines, de son appartenance religieuse, de sa couleur de peau …
    C’est un crime contre l’humanité …
    Merci à Gidéon Levy,, à Haaretz, de nous faire comprendre, sans relâche, qu’il n’existe pas “un” mais “des” sionismes et si une conception peut se discuter. D’autres entendements sont dans la dérive comme inaccessibles à toute raison humaine. Ils se condamnent, c’est tout …
    What else !

  2. Il y a longtemps que le soi-disant féminisme, en tout cas dans son incarnation la plus mainstream, n’en a plus que le nom. Les palestiniennes, les victimes européennes des migrants comme à Cologne ou des gangs de violeurs pakistanais à Rotherham, les petites chinoises avortées en masse comme les travailleuses indiennes forcées à se faire stériliser… rien de tout ça ne compte au regard des stars hollywoodiennes. On les attend sur tout cela, et on les attendra encore longtemps… comme sur l’affaire Epstein, tiens. La aussi les Autain et Diallo de service et consorts se font plus que discrètes.

    • “Iran, berceau de l’Islam”, c’est très drôle votre niveau d’inculture…
      Il faut néanmoins reconnaitre que le site d’Oumma se focalise sur la question Palestinienne pour ce qui est des Droits humains. ça s’appelle une ligne éditoriale, c’est un choix que je ne partage pas toujours mais qui se tient, vous êtes sur un site de presse d’opinion et non sur un média généraliste. soit disant neutre (la neutralité est de mon point de vue une chimère).

      • @Saidb. Ce n’est pas ce qu’a écrit Leroy : « en Iran et dans le berceau de l’islam ». En clair : en Iran et en Arabie saoudite. Pour le fond de son commentaire, il évoque un problème réel qui ne sera pas résolu par l’esquive.

      • Il n’y a pas que les juifs qui défendent Israel et ses politiques : il y a des protestants, des musulmans, des athées… Finalement peu importe la religion de celui qui défend les oppresseurs et les opprimés. D’ailleurs l’auteur de l’article qui défend cette jeune femme est Juif et Israelien (GIdeon Levy) je suis sûr qu’en ce moment même il se fait traiter de traitre par une partie des Israeliens alors qu’il ne fait que défendre la justice les droits humains.

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