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Neo-Djahiliya

Les réactions des foules dans le monde musulman après la diffusion d’extraits du film «Innocence des musulmans» sont d’une prévisibilité inquiétante. Dans un monde où internet abolit les distances et le temps, cette prévisibilité est un pain bénit pour les manipulations qui prennent un aspect planétaire. Le monde musulman est dans des dispositions pavloviennes pour peu que l’on fasse jouer le levier du sacré et de l’insulte contre le Prophète.

Qu’elle soit extérieure au monde musulman ou venant de l’intérieur, cette manipulation peut compter sur l’effet, hélas réel, d’une régression du savoir, de la culture et, d’une manière générale, de la conscience politique en œuvre depuis des décennies. Des musulmans, pratiquants pour être précis, en conviennent désormais : nous vivons dans l’ère de la djahiliya saoudienne, cet obscurcissement de l’esprit qui, de manière durable, a œuvré à effacer les laborieux mouvements vers le progrès portés par les mouvements nationaux de libération.

Pour tout esprit un tant soit peu rationnel et politique, le contexte même de la relance de ce film par une version arabisée diffusée sur internet est source de suspicion. Il n’est en effet pas anodin que l’Amérique soit à quelques semaines d’une élection présidentielle où le lobby israélien joue fort pour obtenir le soutien à une guerre contre l’Iran.

Attaquer des ambassades américaines et tuer des diplomates ne peut que servir ceux qui cherchent à conditionner une opinion américaine déjà fortement encadrée. Car, il ne faut pas s’y tromper, la cible du film, c’est le gros des Américains, ceux qui peuvent avoir de bonnes raisons – économiques notamment – de penser que les guerres que mène leur establishment ne se justifient pas.

Sans se faire d’illusions sur le caractère prétendument absolu de la liberté d’expression en Occident, ce qu’il faut mettre en relief, c’est bien l’extrême disponibilité des opinions musulmanes à la manipulation sur le thème du sacré. Aucun imam ne s’avise de dire aux gens que l’image du Prophète ne peut en aucun cas être affectée par ce genre de production. Aucun ne dit que ceux qui prennent le risque de tuer et de mourir ne le font pas pour le Prophète mais qu’ils sont les jouets de manœuvres politiques où leur émotivité est le principal ingrédient.

Il y a cinquante ans, nos parents qui se battaient pour l’indépendance et la liberté auraient traité l’auteur du film d’imbécile ou de «chien». Ils auraient ensuite poursuivi leur chemin en disant que le plus important n’est pas le regard des ennemis mais notre aptitude à progresser, à devenir meilleurs, à acquérir le savoir. Cet élan a été cassé par un travail, stratégique, appuyé par les Américains d’ailleurs, de décervelement dont le centre a été l’Arabie Saoudite.

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Cette bigoterie généralisée qu’ils ont diffusée dépasse le simple courant islamiste ; elle est fortement présente dans des sociétés rendues poreuses par la pauvreté, l’absence de libertés et l’abandon des Etats.

Pour combien d’années le monde arabe restera sous l’emprise d’une néo-djahiliya qui pousse les foules à mener des actions non seulement contraires au bon sens, mais surtout aussi contraires à leur intérêt ? Difficile de le savoir. Les Américains ont certes eu à travers cette flambée de manifestations une idée de leur cote d’amour dans le monde arabe où le ressentiment à leur égard se nourrit durablement de l’injustice qui est faite aux Palestiniens. Mais stratégiquement, quand la bourrasque sera passée, l’establishment américain pourra dire à l’Américain moyen… qu’il faut faire la guerre contre l’Iran… et mettre au pas le monde musulman.

M. Saadoune

Le Quotidien d'Oran

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