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Moncef Marzouki le déplore : “La France ne nous comprend pas”

Tirades ampoulées après formules choc qui ont l’islam en horreur, nos omniscients faiseurs d’opinion sont passés maîtres dans l’art de donner des sueurs froides à la France, grâce à la magie du verbe et à ses mots-clés, frissons garantis  : « islamisme, charia, communautaurisme, péril vert… ».

Mission accomplie, la frilosité contagieuse a gagné l’Hexagone, et lorsque les regards se portent vers la Tunisie en voie de démocratisation, ils sont forcément empreints de l’anxiété ambiante. Les métaphores dantesques ont payé, et c’est ainsi que « le printemps arabe » a pris un sérieux coup de froid pour se muer en « hiver islamiste ».  

Alors que le printemps français a, de son côté, mis un terme à l’hiver anxiogène du Sarkozysme, le président tunisien, Moncef Marzouki, s’est confié sans mots couverts au magazine Le Point, déplorant vivement cet engourdissement hexagonal des esprits qui occulte la réalité politique tunisienne.

 Récemment distingué, avec Rached Ghannouchi, fondateur d’Ennahdha, du prestigieux prix de  l'Institut londonien Chatham House (le cercle de réflexion qui récompense chaque année, au nom de la reine d'Angleterre, une personnalité qui a oeuvré à l'amélioration des relations internationales), l’homme fort de Carthage, qui se décrit comme « francophone, francophile, de gauche, laïque et foncièrement démocrate », soulignant son incarcération au nom de ses idéaux, tord le cou aux préjugés délétères qui faussent l’image du redressement de son pays, tout en espérant que le fossé de la peur creusé par une certaine intelligentsia aura l'intelligence de se combler.

En substance, les meilleurs extraits de cette interview :

 "Quand j'entends certaines personnes de la gauche française me considérer littéralement comme un traître, qui a vendu son âme au diable, parce que je travaille avec les islamistes, je me dis que, décidément, elles ne comprennent rien à rien. Nous avons démocratisé le mouvement islamiste, nous l'avons amené à respecter les droits de l'homme et ceux de la femme. Il faut comprendre que nous sommes dans une société plurielle qui ne supporte plus d'être gouvernée par un parti unique. Avec le parti islamiste Ennahdha, qui a gagné les législatives, nous essayons de créer une nouvelle culture, celle du pluralisme".

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 "À propos de l'hiver islamiste, la France est le pays le plus proche de la Tunisie et celui qui nous comprend le moins bien au sein de l'Europe. Est-ce la grille de lecture "religieuse" des Français qui les empêche de se rendre compte de ce qui se passe dans le monde arabe ?".

 "L'islam n'est pas l'islamisme, l'islamisme n'est pas le terrorisme et l'islamisme s'écrit au pluriel. Le spectre islamiste est extrêmement large. En Tunisie, nous avons affaire à sa partie centrale, l'équivalent du parti démocrate-chrétien en Italie. Cette partie centrale, nous l'avons démocratisée. Avant la révolution, nous avons souffert et combattu la dictature ensemble. Les islamistes, torturés par Ben Ali, ont appris aux côtés des démocrates, réprimés par le même régime. La révolution arabe a poursuivi la démocratisation des partis islamistes. Quant aux salafistes, ils sont l'équivalent de l'extrême droite européenne. Ils sont dangereux et l'on n'est pas parvenu à les démocratiser. Mais il faut cesser les analyses simplistes et la confusion entre islamisme et salafisme. En Tunisie comme ailleurs, c'est la démocratie qui triomphe, et non l'islamisme".

"Notre société veut la modernité, les femmes libérées, le tourisme et en même temps elle souhaite préserver et défendre une identité arabo-musulmane. Personne n'est prêt à sacrifier l'un ou l'autre. Nous refusons une société d'extrémistes laïques, ceux que j'appelle les étrangers à l'espace, mais aussi une société salafiste, qui est, elle, étrangère au temps".  "Quant à la bataille du voile dans les universités, elle n'est pas le fait d'Ennahda, mais d'une petite fraction dangereuse représentée par les salafistes, que nous combattons".

"Le comportement de la France pendant et après les révolutions ne m'a pas satisfait. S'il n'y a pas d'ambassadeur de Tunisie à Paris, c'est pour montrer notre mauvaise humeur, de même que je n'ai pas souhaité me rendre à Paris sous l'ancien président. Dans le passé, la France a non seulement apporté son soutien à la dictature, mais elle a également maltraité les jeunes Tunisiens qui sont partis après le 14 janvier 2011. Je rappelle au passage que la Tunisie, pays pauvre, a, elle, accueilli près de 300 000 réfugiés libyens, que nous avons bien traités. Avec l'élection de François Hollande, nos relations vont forcément s'améliorer. Je suis très heureux, car il y a l'espoir d'une coopération d'égal à égal. Je tiens à ce que la France reste notre premier partenaire en Europe".

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