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« Mohamed Merah était un informateur de la DCRI »

Rarement une information aussi explosive aura si vite disparu de la scène médiatique. Quelques jours après l’annonce de la mort de Mohamed Merah, le journal italien Il Foglio révélait un élément nouveau dans l’affaire de Toulouse-Montauban : le tueur présumé aurait bénéficié en 2010 de l’appui des services secrets français extérieurs -la DGSE- pour effectuer un mystérieux séjour en Israël. Oumma avait alors signalé la proximité d’Erard Corbin de Mangoux, directeur de la DGSE, avec Nicolas Sarkozy. Son homologue chargé du contre-espionnage à la DCRI, Bernard Squarcini, est également un proche -de longue date- du chef de l’Etat. Ensemble, les trois hommes ont rapidement géré les retombées compromettantes de l’affaire Merah, l’un en l’exploitant électoralement, les deux autres en démentant officiellement toute collaboration passée avec le « tueur isolé » de Toulouse.

Nous avons souhaité en savoir plus en interrogeant directement le responsable du scoop du Foglio. Spécialiste arabisant du Moyen-Orient, ancien correspondant en Irak ainsi que dans les territoires palestiniens et membre d’une rédaction proche de la droite néo-conservatrice italienne, Daniele Raineri a accordé un entretien inédit à Oumma.

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Vous avez appris que la France aurait facilité la liberté de mouvement pour Mohamed Merah à travers le Moyen-Orient en échange d'informations.

Pourriez-vous développer cette information, obtenue auprès d'une source dans les renseignements mais démentie par la DGSE?

Rien à ajouter. Je pense qu'il est assez évident que la DGSE ne confirme pas, cela serait embarrassant pour eux.

Votre source est-elle fiable? Vous ne pouvez pas l'identifier publiquement, mais pourriez-vous nous en dire plus sur son contexte d'activité?

Je ne peux pas en dire plus.

La DCRI rapporte qu'ils avaient repéré Merah vers novembre 2010.

Le Canard enchaîné et le Nouvel Observateur affirment que les services de renseignements ont mis sur écoute Merah fin 2006, mais qu'ils ont perdu son dossier en 2008 lorsque les RG et la DST ont fusionné pour devenir la DCRI. Comment Merah a-t-il pu travailler pour la DSGE en 2010 après avoir été placé sous surveillance, les années précédentes, par la DCRI?

Merah était un informateur de la DCRI.

C'est la question du "qui fait quoi". La DGSE regroupe les services secrets extérieurs. La DCRI est le service du renseignement intérieur. Si vous avez besoin de savoir ce que font les djihadistes en France, vous travaillez avec la DCRI. Si vous avez besoin de faciliter un Français voyageant à l'étranger, loin de chez lui, dans le Moyen-Orient, vous appelez la DGSE.

L'agent de la DCRI qui aurait -officiellement- traité qu’une seule fois Mohamed Merah, en novembre dernier, a récemment reçu une légion d'Honneur. Quelle était sa connexion réelle avec Merah d’après vous?

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Il n'y a pas d'agent traitant pour une seule fois. Le rôle de l'agent traitant consiste à construire une relation longue et bonne avec son informateur. La tâche spécifique de cet agent était de travailler avec Merah parce qu'il était un gars plutôt intéressant : capturé en Afghanistan, formé dans un camp djihadiste situé dans les zones tribales du Pakistan, ayant un frère impliqué dans un réseau extrémiste. "Plutôt intéressant" est un euphémisme : Merah avait le profil idéal pour être un informateur et un bon atout pour la DCRI.

Il a été rapporté que Merah avait appelé la DCRI, depuis le Pakistan, en disant "je vous contacterai dès que je suis de retour": selon les journaux, vous avez au moins une conversation entre la DCRI et Merah avant son départ, une deuxième au cours de son séjour au Pakistan et une troisième en novembre- celle au cours de laquelle, selon Le Monde, il a montré, dans une antenne toulousaine de la DCRI, les photos prises lors de ses « vacances ».

Il y avait enfin une dernière conversation pendant le siège du RAID en raison du "rapport de confiance", tel que décrit par Squarcini. Tout cela a été rapporté par la presse mais la DCRI continue de nier l'évidence.

L'agent traitant au profil adéquat était une jeune femme musulmane originaire du Maghreb.

Vous laissez entendre que Merah était un agent double qui a mal tourné. Comment expliquez-vous qu'il aurait pu ainsi duper les services secrets?

Ce n'est pas techniquement difficile. Et de toute façon, ce n'est pas la première fois. Sept agents de la CIA à Khost, en Afghanistan, ont été tués en 2009 par un informateur jordanien transformé en kamikaze. Ils lui ont donné un gâteau au chocolat pour son anniversaire quelques secondes avant l'explosion.

Les services secrets français ont sans doute jugé que Merah n'était pas le " tueur par défaut". Un jeune homme vivant à moins de deux kilomètres de l'école hébraïque, qui a passé du temps dans la région afghano-pakistanaise, à deux reprises dans les deux dernières années, avec une réputation d'extrémiste comme son frère, on pourrait penser à le trouver sur la première page de la liste des suspects.

Vous avez dit dans une interview accordée à Press TV que "les journaux français relatent sans faire de connexion. Ils ont 80% de ce dont ils ont besoin mais ils refusent d'écrire sur Merah dans la bonne direction". Quelle serait alors la cause d'un tel "refus"? Et quelle devrait être, selon vous, la "bonne direction" pour toute investigation journalistique sur l'affaire Merah?

Cause du refus: c'est la période électorale. Ils ont accepté la version gouvernementale du "loup solitaire, auto-radicalisé sur Internet" après avoir pourtant écrit qu'il s'était rendu en Irak, en Syrie, en Afghanistan et au Pakistan afin de trouver l'endoctrinement nécessaire et la formation adéquate.

La bonne direction consisterait à chercher et à interroger l'agent traitant. Ou à obtenir la liste des appels téléphoniques de Mohamed Merah.

Depuis un mois, les grands médias hexagonaux n'ont pas vérifié en profondeur vos allégations. Avez-vous été contacté par certains d’entre eux afin d’explorer votre piste?

Oui, j'ai reçu des appels mais ils sont réticents.

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